L'embolie pulmonaire

Définition

"L'embolie pulmonaire est l'oblitération brusque, partielle ou totale, de l'artère pulmonaire ou d'une de ses branches par un élément anormal circulant dans le sang. Il s'agit le plus souvent d'un caillot sanguin, plus rarement d'une embolie gazeuse, graisseuse ou microbienne. L'embolie pulmonaire peut être suivie, mais non constamment, d'un infarctus pulmonaire." Dictionnaire de Médecine Flammarion, 7ème édition, 2001

Les différentes formes cliniques :

- les embolies pulmonaires silencieuses : les plus fréquentes,
- les embolies pulmonaires graves,
- les embolies pulmonaires larvées chez un sujet déjà malade, de diagnostic difficile,
- les embolies pulmonaires ambulatoires chez un sujet en bonne santé apparente, de diagnostic également difficile,
- Coeur pulmonaire thrombo-embolique chronique : insuffisance cardiaque droite secondaire à des embolies multiples et étalées dans le temps en général avec hypertension artérielle pulmonaire grave.

Epidémiologie

L'incidence de l'embolie pulmonaire ne semble pas diminuer malgré les progrès en matière de diagnostic et de propylaxie. Ceci s'explique probablement par les progrès de la médecine par exemple une survie plus élevée des polytraumatisés. Ainsi la population à risque de développer une thrombose veineuse est en expansion.

La mortalité de l'embolie pulmonaire non traitée est de l'ordre de 30 à 40 % alors qu'elle est inférieure à 15 % voire 8 % lorsqu'une prise en charge thérapeutique adéquate est entreprise.
Les données épidémiologiques actuelles estiment à plus de 100 000 l'incidence annuelle de l'embolie pulmonaire en France avec 20 000 décès.

Un chiffre sous-estimé :
- près de un patient sur deux présentant une thrombose veineuse profonde proximale présente aussi une embolie pulmonaire,
- 15 % des patients qui décèdent de cause inconnue à l'hôpital présenteraient en fait une embolie pulmonaire,
- l'embolie pulmonaire est aussi la cause non carcinologique de mortalité des patients atteints d'un cancer,
- c'est aussi la première cause extra obstétricale de décès des parturientes.

Aspects diagnostiques de l'embolie pulmonaire

1. Signes fonctionnels

- Dyspnée : elle est d'apparition brutale ou progressive

- Douleur thoracique de type pleural trois fois sur quatre, parfois pseudo-angineuse : selon les études, elle est présente chez 58 à 74 % des patients atteints d'embolie pulmonaire.

- Autres symptômes : ils sont présents dans moins de 50 % des cas et son également peu spécifiques.
> la toux est retrouvée chez 40 % des patients avec une embolie pulmonaire confirmée,
> des expectorations purulentes sont présentes dans 7 % des cas,
> l'hémoptysie est plus rare, en général discrète,
> la syncope, parfois inaugurale est un signe de gravité, due à une chute du débit cardiaque, rencontrée dans les embolies pulmonaires massives avec une obstruction vasculaire pulmonaire de plus de 50 %.

- D'autres signes extrapulmonaires peuvent être trompeurs et égarer le diagnostic : un état de choc inaugural, une anxiété inexpliquée accompagnée de dyspnée ou une fièvre.

2. Examen clinique

- la tachypnée (fréquence respiratoire > 20/min.) en rapport avec l'hypoxie est le signe le plus souvent rencontré, dans 58 à 73 % des cas.
- la tachycardie (fréquence cardiaque > 100/min.) est constatée dans 30 à 40 % des cas.
- l'ausculation pulmonaire est anormale dans environ la moitié des cas d'embolie pulmonaire prouvée :
> présence de râles bronchiques dans 30 à 60 % des cas,
> baisse du murmure vésiculaire dans 25 % des cas,
> wheezing dans 8 % des cas,
> souffle pleurétique dans 3 % des cas.
- les signes cliniques de thrombose veineuse profonde sont présents dans 15 % des cas,
- la fièvre est inconstante et généralement modérée (< 38°C),
- cyanose des extrémités,
- signes d'insuffisance cardiaque droite dans 30 à 50 % des cas,
- recherche de phlébite systématique mais souvent négative,
- hypotension artérielle rare.

Le diagnostic d'embolie pulmonaire ne peut être posé avec certitude sur la base des seuls signes et symptômes cliniques et la suspicion clinique doit être confirmée par des examens complémentaires.

3. Examens complémentaires

Les d-Dimères

Les d-Dimères sont des produits de dégradation de la fibrine, présents dans le sang dans 96 % des embolies pulmonaires. Ils sont donc de haute sensibilité mais de très faible spécificité.

Ils sont dosés au mieux par la méthode ELISA. La valeur seuil, selon cette technique, est de 500 µg/l, pour le test commercial Stago. Un taux de d-Dimères inférieur à 500 µg/l permet d'exclure raisonnablement le diagnostic d'embolie pulmonaire (sensibilité 96,7%) ou une thrombose veineuse (sensibilité 96,2%). Cependant un taux supérieur à 500 µg/l n'est d'aucune utilité pour le diagnostic positif de ces affections.

L'électrocardiogramme

- A part la tachycardie, l'électrocardiogramme est normal chez la plupart des patients.
- En cas d'embolie pulmonaire extensive, il peut exister des signes d'hypertension artérielle pulmonaire aiguë (rotation à droite de l'axe de QRS, ondes P pointues et hautes), et des modifications de ST et T indiquant une surcharge ventriculaire droite.
- Ces modifications sont souvent transitoires mais leur persistance évoque une obstruction vasculaire pulmonaire sévère.

La radiographie thoracique

Le cliché thoracique peut être jugé normal dans 30% des cas mais peut aussi montrer une infiltration parenchymateuse et des signes d'épanchement pleural s'il existe un infarctus pulmonaire.

Une radiographie normale ne permet en tout cas pas d'exclure le diagnostic d'embolie pulmonaire.

Les images radiologiques

- Elles sont beaucoup plus discrètes.
- Une différence de diamètre entre deux vaisseaux dont la taille devrait être identique doit faire suspecter l'embolie. > Par exemple, l'obstruction du tronc de l'artère pulmonaire droite peut entraîner une dilatation de l'artère pulmonaire gauche puisque cette dernière reçoit la totalité du débit sanguin.
> On peut retrouver une image de "coupure" nette d'un vaisseau.
Les caillots ayant la même densité radiologique que le sang, ils fournissent l'image vasculaire proximale et c'est l'absence de débit sanguin au delà du caillot qui explique la "disparition" soudaine de l'image vasculaire.
> L'organisation du caillot à l'intérieur de l'artère pulmonaire provoque une rétraction des parois vasculaires dite "image en queue de rat" dans laquelle le vaisseau est de diamètre relativement normal à sa partie proximale puis se termine brutalement en pointe.
> Enfin, on peut retrouver une hyperclarté anormale au niveau de certaines zones pulmonaires due à la réduction ou la suppression du débit sanguin à ce niveau ("signe de Westermark").

Analyse des gaz du sang artériel

- La gazométrie met fréquemment en évidence une hypoxémie (avec une PaO2 > 70 mm Hg) peu spécifique. Si elle est inférieure à 52 mm Hg, elle est en faveur d'une embolie pulmonaire grave.
- Hypocapnie inférieure à 32mm Hg, fréquente, accompagnée d'alcalose respiratoire par polypnée.
- L'alcalose respiratoire peut être remplacée par une acidose métabolique dans les formes graves.

Etudes par doppler

Le bilan doppler est bipolaire. Il permet, dans 60% des cas, de mettre en évidence un processus thrombotique des membres inférieurs sus ou sous inguinal. Une échographie doppler transthoracique peut mettre en évidence une hypertrophie ventriculaire droite, des thrombi "piégés" dans l'oreillette ou le ventricule droit, une élévation de la pression artérielle pulmonaire ou des hyperdensités au niveau du tronc de l'artère pulmonaire droite.

Angioscanner hélicoïdal

L'angioscanner hélicoïdal est une technique diagnostique fiable des embolies pulmonaires proximales (sensibilité de 86 à 100% et spécificité de 92 à 96%), mais moins performante dans les localisations segmentaires des artères pulmonaires.

IRM

L'IRM n'a pas à ce jour d'indication diagnostique

Scintigraphie de perfusion pulmonaire et de ventilation

Une scintigraphie pulmonaire de perfusion au technecium doit être couplée à une déventilation au xénon. Il s'agit là de l'examen de première intention ou vulnérant qui doit cependant être interprété selon des critères de probabilité diagnostique (sensibilité 99%, spécificité 12% et valeur prédictive 32%) et dans les 2/3 des cas elle n'est pas diagnostique, opérateur dépendante et justifie entre autres examens l'échodoppler veineux et réference à l'examen clinique.

Angiographie pulmonaire

L'angiographie pulmonaire est le goldstandard diagnostique des anomalies anatomiques de la vascularisation pulmonaire. C'est cependant un examen vulnérant et cher dont les indications doivent être pesées. Sa sensibilité est évaluée entre 94 et 97%.

L'angiographie permet de visualiser les vaisseaux pulmonaires et le cathétérisme de fournir d'importantes données hémodynamiques.
Deux types de limites cependant :
- des artefacts peuvent simuler une obstruction vasculaire,
- une autre source d'erreur d'interprétation est de ne pas rechercher la véritable nature du défaut.

L'image caractéristique d'embolie pulmonaire est la visualisation du ou des thrombi obstructifs : image de "feeling defect" (arrêt en pince de crabe du produit de contraste qui moule le caillot) avec amputation vasculaire en aval.

Traitement

1. L'héparine

Dans les embolies pulmonaires, le traitement héparinique conventionnel permet de s'opposer à l'extension de la thrombose veineuse et de prévenir les récidives emboliques cependant il est dépourvu d'action thrombolytique. La revascularisation artérielle pulmonaire résulte alors de la seule fibrinolyse physiologique. Elle reste donc négligeable au cours des premières 24 heures et ne s'effectue, plus ou moins complètement, qu'en quelques semaines à quelques mois après la mise en route d'un traitement anticoagulant.

En cas de forte suspicion d'embolie, le traitement doit être institué immédiatement sans attendre la confirmation diagnostique. Le plus souvent le patient est mis sous héparine en continu au pousse seringue (la dose est habituellement de 1 000 unités par heure) et le relais par les Anti-vitamine K (AVK) , par voie orale est rapidement mis en route de manière à limiter ce traitement héparinique dont on continue à redouter les thrombopénies induites et qui justifie, de ce fait, une surveillance régulière de la numération plaquettaire. Dès lors que l'INR sera compris entre 2 et 3, on pourra interrompre l'héparine et le traitement par AVK (par Previscan le plus souvent compte tenu de sa bonne stabilité) sera maintenu au moins 6 mois. Ce traitement pourra être prolongé un an ou plus en fonction de l'existence ou non de facteurs déclenchants ou d'une pathologie sous jacente de cette migration pulmonaire.

2. Anti-vitamine K (AVK)

Le traitement à l'héparine doit être relayé par un traitement AVK, groupe de médicaments anti-coagulants antagonistes de la vitamine K. L'avantage par rapport à un traitement à l'héparine, est que les AVK peuvent être administrées par voie orale. Lors d'un traitement par AVK, une bonne observance est indispensable (prise régulière tous les jours à la même heure) avec surveillance biologique, valeur de l'INR à atteindre. La durée moyenne du traitement est de 3 à 6 mois selon les cas.

3. Traitement de l'Embolie pulmonaire grave

(Source : B. Charbonnier, CHRU de Tours - Embolie pulmonaire grave, La Revue du Praticien, 2000)

Traitement symptomatique
- oxygénothérapie : elle doit être administrée à fort débit (6 à 10 L/min.) soit par sonde nasale soit à l'aide d'un masque.
- En cas d'hypoxie réfractaire, l'intubation et la ventilation contrôlée peuvent être nécessaires.
- Massage cardiaque et ventilation assistée sont nécessaires en cas d'arrêt circulatoire.
- En cas de choc ou d'hypotension sévère, le remplissage vasculaire est recommandé
> la dobutamine à la dose de 5 à 15 µg/Kg/min.
> la noradrénaline à la dose de 0,1 µg/Kg/min (en cas d'hypotension résistante au traitement précédent)

Thrombolyse
L'objectif de la thrombolyse, contrairement à l'héparine, est de dissoudre une partie des caillots qui obstruent les artères pulmonaires et donc de diiminuer rapidement la post-charge ventriculaire droite. Le risque hémorragique est le principal facteur limitant de la thrombolyse. Afin de réduire ce risque, un respect strict des contre-indications est essentiel. Dans le cas des embolies pulmonaires graves avec choc, la comparaison entre héparine et strptokinase a confirmé le bien fondé de la thrombolyse.

Protocoles d'administration des thrombolytiques dans l'embolie pulmonaire :
- Streptokinase : dose de charge 250 000 UI/30 min puis 100 000 UI/h pendant 24h.
- Urokinase : dose de charge 4 400 UI/Kg/10 min puis 4 400 UI/Kg/h pendant 12 à 24 h
- Altéplase : 100 mg/2h

"Selon les résultats d'un récent essai clinique - le plus vaste réalisé dans le traitement lytique de l'embolie pulmonaire massive aiguë -, l'altéplase instaurée précocement, alors que l'état hémodynamique des patients est stable, prévient l'évolution péjorative. Son utilisation plus large dans cette indication, si elle est validée, pourrait réduire le taux élevé (30 %) de la mortalité des embolies pulmonaires massives instables."
Article du N° 7111 du Quotidien du médecin, 19 avril 2002.
D'après la communication du Pr S. V. Konstantinides (Gottingen, Allemagne) au 51ème Congrès de l'American College of Cardiology (ACC) qui a eu lieu à Atlanta du 17 au 20 Mars 2002.

Embolectomies
L'embolectomie pulmonaire est un traitement chirurgical de l'embolie pulmonaire grave permettant d'extraire sous circulation extracorporelle les caillots qui obstruent le tronc de l'artère pulmonaire ou de ses branches principales.
Après arrêt cardiorespiratoire récupéré, le patient devrait plutôt être traité par embolectomie chirurgicale ; en cas d'impossibilité, la thrombolyse est indiquée.

Pour en savoir plus

Généralités

Embolie pulmonaire
Signes cliniques - Diagnostic positif - Formes cliniques - Traitement de l'embolie pulmonaire.
Par le Dr. Marcel Laurent, Département de cardiologie et maladies vasculaires, CHU de Rennes.
Dernière mise à jour : 5 septembre 1998.

Embolie pulmonaire
Quelle est lorigine de lembolie pulmonaire ? Quest-ce quune phlébite ? Comment faire le diagnostic de phlébite ? Comment faire le diagnosticdembolie pulmonaire ? Quels sont les examens complémentaires à effectuer en cas dembolie pulmonaire ? Comment prévenir la survenue dune phlébite ? Quel traitement pour lembolie pulmonaire ? Par la Société de Pneumologie de langue française, 22.02.2001.

Embolie Pulmonaire
Généralités - Diagnostic clinique - Utilisation des outils diagnostics : arbre décisionnel diagnostique - Traitement - Traitement des EP Graves - Complications.
Par E. Ferrari, Service de cardiologie - CHU Nice.

Maladie Thrombo-embolique et embolie pulmonaire
Le diagnostic de l'embolie pulmonaire - Méthodes actuelles de recherche de thrombo-phlébite des membres inférieurs - Bibliographie. Par le Dr D. Musset, Hôpital Antoine Béclère - Clamart, 1994.

Embolie pulmonaire : étiologie, physiopathologie, diagnostic, évolution, traitement
Consultation du Corpus Médical - Par Ch. Pison, J.L.Bosson, décembre 1997.


Référentiel

Guidelines on diagnosis and management of acute pulmonary embolism
Guide de bonnes pratiques paru dans le European Heart Journal, p 1301-1336, Volume 21, Number 16, August 15 2000:
; ;

Embolie pulmonaire grave

Procédures Opérationnelles Standardisées : Embolie pulmonaire grave
Diagnostic - Situations particulières - Critères de sortie de réanimation - Surveillance au cours des 48 premières heures - Prise en charge thérapeutique - Ventilation artificielle. 05/12/2001.

Diagnostic

Diagnostic de l'embolie pulmonaire
La clinique - Diagnostic paraclinique.
Dossier FMC N° 1758 de la Revue Le Généraliste (11/03/1997) - Par le Pr Henri Boccalon (CHU Toulouse).
Voir le document

Echodoppler veineux et phlébo-scanner dans le diagnostic de la maladie veineuse thrombo-embolique
Généralités - Echodoppler veineux des membres inférieurs - Phlébo-scanner - Stratégies dexploration.
Par MP Revel, Radiologie, Hopital Européen Georges Pompidou.

Les défis diagnostiques de l'embolie pulmonaire
Exemple de stratégie diagnostique en présence d'une suspicion clinique d'embolie pulmonaire chez un malade ambulatoire. Dans Sang Thrombose Vaisseaux. Vol. 8, Numéro 7, Septembre 1996 : 405-7.

Articles

Revue des maladies respiratoires
Editorial - Le diagnostic - La prévention et le traitement - Situations particulières.
Série d'articles issus de la Revue des Maladies Respiratoires N° 5 bis - Novembre 1999 (téléchargeables au format pdf).

Valeur du D-dimère dans l'approche diagnostique de la maladie thrombolique veineuse
Henri bounameaux - STV n°4, volume 4, avril 1997.

Stratégie diagnostique de l'embolie pulmonaire aigüe
T Urban, M Febvre,B Lebeau - STV N°7, volume 8, septembre 96.

#COVID-19 : le point de situation épidémiologique sur le coronavirus SARS-CoV-2

Descripteur MESH : Embolie , Embolie pulmonaire

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