Motiver les agents communautaires

Mais indépendamment du modèle retenu, les questions qui reviennent sur le tapis ont tendance à être toujours les mêmes. Quelle est la meilleure façon de motiver les agents ? Que se passe-t-il quand on les rémunère ou quand on leur offre d'autres mesures d'incitation ? Jusqu'à quel point ont-ils besoin d'être encadrés et formés ? Comment peut-on évaluer la qualité d'un programme communautaire ?

"La recherche montre généralement que les agents rémunérés font du meilleur travail que les volontaires", conclut le Population Council sur la base de l'examen de plus de 200 rapports et études sur des projets de distribution à base communautaire (DBC) en Afrique. "Lorsque les agents sont payés, on peut exercer une supervision rigoureuse, mettre des programmes en oeuvre rapidement, normaliser les tâches à accomplir et les adapter de façon à ce qu'elles répondent aux besoins des populations-cibleset la qualité des services peut être maintenue." Les programmes de DBC qui font appel à des travailleurs volontaires sont plus complexes à gérer, souligne l'examen du Population Council.1

Une étude effectuée récemment en Tanzanie a évalué le rapport coût-efficacité des divers modes de rémunération des agents dans trois programmes de DBC. Deux d'entre eux employaient des volontaires à temps partiel qui touchaient des paiements en nature, tandis que le troisième programme faisait appel à des travailleurs à plein temps qui touchaient un salaire. Les auteurs de l'étude ont tenu compte du nombre de visites par agent, parce que l'indice d'années-couples de protection inclut généralement des facteurs sans rapport direct avec les efforts des agents. Par exemple, la modification de la politique d'un programme concernant le nombre de plaquettes de pilules qui sont distribuées à chaque visite modifie le coût associé à cet indice, alors que l'agent qui les distribue fournit toujours le même effort.

Le programme qui versait un salaire aux agents était le plus efficace sur le plan du nombre de visites effectuées. Mais des trois, ce n'est pas lui qui avait le meilleur rapport coût-efficacité. Si l'on tient compte des coûts d'encadrement et de formation, c'est dans un programme où intervenaient des volontaires à temps partiel que les coûts par visite étaient les plus faibles.2 "Quand ils considèrent les facteurs de nature à affecter la performance des agents de DBC, les responsables de programmes doivent tenir compte de tous les coûts qui motivent la performance, et pas simplement des paiements versés aux agents", explique Barbara Janowitz, de FHI, l'un des auteurs de cette étude.

A partir du nombre de visites et de l'indice d'années-couples de protection pour mesurer l'efficacité, une étude faite au Kenya est arrivée à la même conclusion : le versement d'un salaire peut être "un puissant déterminant de la performance"3. Les programmes de DBC au Kenya appliquent diverses méthodes de rémunération, qu'il s'agisse de l'embauche à plein temps d'agents salariés, du recrutement d'agents à temps partiel qui bénéficient d'incitations non monétaires ou du recours à du personnel à temps partiel qui touche une allocation à titre de dédommagement. Les agents qui sont payés sont plus motivés que les autres, déclare Karugu Ngatia, directeur adjoint du Conseil national de la population et du développement (NCPD), l'organisme chargé de coordonner toutes les activités de DBC au Kenya.

L'encadrement

Outre le versement d'un salaire, les études réalisées en Tanzanie et au Kenya ont cerné d'autres facteurs qui influencent la productivité des agents et les résultats des programmes ; c'est ainsi le cas de l'encadrement et de la participation de la communauté. "Les agents de DBC qui sont encadrés plus fréquemment ont tendance à s'entretenir avec un plus grand nombre de clients", ont constaté les auteurs de l'étude faite au Kenya.

Ces derniers ont notamment établi un lien statistiquement significatif entre la fréquence de l'encadrement et la productivité des agents. Pour renforcer la supervision, il est recommandé d'établir des listes de pointage à l'intention du personnel d'encadrement, de respecter rigoureusement un calendrier mensuel et de faire appel à du personnel d'encadrement à plein temps et basé sur le terrain.

Pour être digne de ce nom, l'encadrement suppose plus que la simple vérification des dossiers et le fait de stocker des produits. "Ce qui compte en matière de supervision, ce n'est pas tant une question de fréquence que de savoir en quoi consiste exactement l'encadrement", explique James Foreit, du Population Council, qui a réalisé des études sur la DBC en Amérique latine. Une étude effectuée au Brésil, par exemple, a démontré que le fait de diminuer la fréquence des visites de supervision, en les organisant sur une base trimestrielle plutôt que mensuelle, a permis de réaliser "des économies potentielles substantielles du point de vue du salaire et des déplacements du personnel d'encadrement, sans nuire pour autant à la performance des programmes (nouveaux utilisateurs, visites supplémentaires, renouvellement du personnel)".4

La participation de la communauté est un autre facteur important de motivation pour les agents. De nouveaux programmes de DBC au Burkina Faso et au Togo autoriseront les chefs de file des communautés à choisir eux-mêmes les agents. En Tanzanie, les agents et les superviseurs d'un programme se réunissent une fois tous les trois mois avec les personnalités dirigeantes de la communauté pour passer en revue le programme, ce qui montre à la communauté qu'elle participe aux décisions prises.5

La formation

"La plupart des observateurs conviennent que la qualité et l'intensité de la formation des agents sont les deux déterminants les plus importants de la qualité et des retombées du programme", concluent les auteurs de l'examen, par le Population Council, des études sur la DBC. La formation produit généralement de meilleurs résultats quand elle vise à faire acquérir des compétences spécifiques, de façon progressive et dans un esprit pratique.6

En général, les agents de DBC reçoivent une formation initiale sous une forme ou une autre et ils suivent ensuite des cours de recyclage périodique. Normalement, ces cours sont dispensés dans un site central et ils durent plusieurs jours. "En règle générale, cela coûte cher et tout le monde ne vient pas", dit James Foreit. Une autre solution consiste à aller former les agents là où ils se trouvent, par le biais d'une approche continue qui incorpore le recyclage à la supervision régulière.

D'autres modes de formation se sont révélés difficiles à mettre en oeuvre. Une étude effectuée au Pérou a constaté que la formation sur le tas qui est dispensée par le biais du personnel d'encadrement s'avère satisfaisante en théorie, mais qu'il n'est pas facile de passer de la théorie à la pratique. L'étude a comparé la formation en groupe à la formation individuelle prodiguée par des superviseurs. Dans le cadre de l'approche individuelle, le superviseur se référait à une liste de pointage pour déterminer ce qu'un agent avait besoin d'apprendre, ce qui prenait moins de temps et coûtait moins cher que la formation en groupe.7

Au Paraguay, un programme de DBC utilise des algorithmes réunis dans un petit manuel à onglets pour former les agents. L'agent suit les algorithmes et va consulter la page suggérée en fonction des réponses qui lui sont données à des questions précises. Par exemple, il demande à sa cliente si elle veut utiliser des contraceptifs. Si elle répond par l'affirmative, l'agent n'a qu'à se rendre à la page indiquée qui illustre des informations de base sur diverses méthodes. Une étude a conclu que c'est cette méthode de formation des agents qui a permis d'améliorer le plus la qualité et qui était la moins coûteuse de toutes les options considérées.8

La diversification des méthodes constitue un aspect important de la qualité des services de planification familiale. Toutefois, les agents de DBC ne peuvent offrir que certaines méthodes et il se pourrait qu'ils insistent davantage sur celles qu'ils peuvent fournir eux-mêmes, au détriment de celles qui nécessitent une réorientation. Une étude effectuée au Kenya a constaté que les agents communautaires avaient tendance à s'appesantir sur les contraceptifs oraux plus que ne le faisaient les prestataires des dispensaires, et à explorer les contre-indications médicales avec moins de rigueur qu'eux.9 La formation à la DBC devrait inclure les méthodes cliniques et non cliniques pour que les agents soient capables de discuter tout un éventail de choix. Il convient d'encourager les agents à aiguiller leurs clientes vers des dispensaires lorsque c'est nécessaire.

-- William R. Finger



-- William R. Finger

Notes

  1. Phillips JF, Greene WL, Jackson EF. Lessons from Community-based Distribution of Family Planning in Africa. New York: Population Council, 1999.
  2. Chege J, Rutenberg N, Janowitz B, et al. Factors Affecting the Outputs and Costs of a Community-based Distribution of Family Planning Services in Tanzania. New York: Population Council, 1998.
  3. Chege JN, Askew I. An Assessment of Community-based Family Planning Programmes in Kenya. Nairobi: Population Council, 1997.
  4. Foreit JR, Foreit KG. Quarterly versus monthly supervision of CBD family planning programs: an experimental study in northeast Brazil. Stud Fam Plann 1984;15(3):112-20.
  5. Chege, Rutenberg, 29-30.
  6. Phillips.
  7. Leon F, Foreit J, Monge R, et al. An Experiment to Improve the Quality of Care in a Peruvian CBD Program. New York: Population Council and INPPARES, 1989.
  8. Carron JM, Melian MM, Leon FR. Developing Tools of Low-cost Use to Improve the Quality of Care of Rural CBD in Paraguay. New York: Population Council, 1994.
  9. Kim YM, Kols A, Mucheke S. Informed choice and decision-making in family planning counseling in Kenya. Int Fam Plann Perspect 1998; 24(1):4-11.

    Network, Printemps 1999, Volume 19, Numéro 3.
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    © Copyright 1999, Family Health International (FHI)





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