Téléphone mobile et santé : rapport d'expert

Le groupe d'experts a été présidé par le Dr Denis ZMIROU et son rapport a été remis le 18 janvier au directeur général de la Santé. La préoccupation des scientifiques a été de tenter d'établir un lien entre exposition des cellules humaines aux radiofréquences et survenue de cancers dans un contexte de prolifération très significative des ventes de téléphones portables (30 millions).

On se souvient que le téléphone transforme la voix en radiofréquences (caractérisées par leur fréquence, leur intensité et leur puissance), transmises par l'antenne du téléphone à une antenne relais, le signal étant alors transmis par le réseau filaire au correspondant. Le système GSM 900 (Itineris et SFR) a une fréquence porteuse de 960 Mhz avec une puissance d'émission de 2 watts, alors que celle du système GSM 1800 va de 1710 à 1875 Mhz et une puissance d'1 Watt.

La puissance d'émission est inversement proportionnelle à la qualité de la communication et tout déplacement engendre la mise en route de plusieurs stations de base, donc une exposition élevée aux radiofréquences lors de tout déplacement ou zone de mauvaise réception. Les antennes sont de trois types : les stations rurales macrocellulaires, les stations microcellulaires pour des zones limitées mais fortes consommatrices et les stations pico-cellulaires à l'intérieur des bureaux. Leur émission est de trois types : de face (avec un niveau de référence CE de 41 V/m à 900 MHz et de 58 V/m à 1800 MHz), en arrière de l'antenne (0 cm garantissant un respect de valeurs recommandées), et à distance de l'antenne (le faisceau émis est directionnel avec une large ouverture horizontale de 90 à 120° et une très minime ouverture verticale de quelques degrés, atteignant le sol entre 50 et 200 mètres selon la hauteur et l'inclinaison de l'installation de l'antenne).

Au niveau des tissus mous, le champ électrique déplace des ions et engendre un effet thermique, cette dose d'énergie est quantifiée par le débit d'absorption spécifique ou DAS. Les résultats des différentes études tendent à prouver que les altérations du comportement retrouvées sont liées à cet effet thermique et ce dès que le DAS atteint ou dépasse 4 W/kg de poids corporel, la valeur déterminée pour l'exposition du corps soumis en entier dans un champ d'exposition est de 0,08 W/kg, mais on remarque l'existence de zones restreintes d'absorption spécifique 25 fois supérieures, alors qu'elle ne doivent strictement pas dépasser 2W/kg pour la tête et le tronc et 4W/kg au niveau des tissus périphériques. Malheureusement le DAS n'est pas une valeur facilement quantifiable et l'on doit avoir recours à des équations de transfert tenant compte de la fréquence permettant d'établir des niveaux référence qui incorporent une marge de sécurité par rapport aux restrictions de base (des champs électriques de 41 et 58 V/m aux fréquences respectives de 900 et 1800 Mhz sont susceptibles de produire un DAS de 0,08 W/kg). Ces valeurs limites ont été adoptées par le Conseil de l'Union européenne en 99 sur les travaux de l'ICNIRP et ont été reprises par l'OMS.

Les données scientifiques sur les effets des radiofréquences mettent en évidence des effets biologiques, (changements physiologiques, biochimiques ou comportemental face à une stimulation extérieure, réponse adaptative potentiellement non menaçante), des effets sanitaires, mettant en danger le fonctionnement normal d'un organisme et des effets biologiques menaçants, prédictifs de conséquences sanitaires.

Au niveau des effets biologiques, on retrouve des modifications de l'EEG, de certaines fonctions cognitives ou de certaines activités enzymatiques (ODC), sans pour autant qu'on leur retrouve un caractère menaçant. Des effets biologiques non avéréscomme la réduction de l'efficacité de la barrière hémato-encéphalique ou de la faculté de réparation de l'ADN. Par contre, si les différentes études cas témoins ne permettent pas de conclure à un risque accru de cancers du cerveau, des glandes salivaires ou du nerf acoustique, elles ne permettent pas d'exclure l'existence d'un risque lié à un effet différé des champs RF des mobiles. C'est la raison pour laquelle le CIRC a lancé une importante étude épidémiologique afin d'évaluer les risques d'un effet cancérogène promoteur avec un délai de latence (résultats d'ici 4 à 5 ans). Les études faites sur les probabilité de survenue de cancers à proximité des stations émettrices sont négatives. Des domaines demeurent vagues, l'origine de maux de tête, la co-cancérogénèse, l'effet des RF sur les tissus en voie de développement ou encore la sensibilité des personnes malades.

Le groupe d'experts était issu de disciplines variées, éventuellement externes aux disciplines des RF. Les publications référencées étaient des revues peer-reviewed avec objectif d'exhaustivité, et les critères de jugement ont été explicites sur des travaux remontant à 1996. Les critères de jugement retenus ont été le caractère exhaustif de l'article, la pertinence de la critique, le degré de consistance des résultats et leur cohérence au sein d'une revue de la littérature récente.

Il apparaît que les seuls effets délétères dans la gamme des RF sont liés à l'échauffement, il n'y a pas de conclusion sur les effets non thermiques. L'hypothèse d'effets sanitaires non thermiques ne peut être exclue en l'état actuel des connaissances. La probabilité d'un risque à un niveau individuel sera sans doute faible, mais il n'apparaît pas, d'ores et déjà, nécessaire de fixer de nouvelles normes en l'état actuel des connaissances, le seul risque réel et prouvé étant celui d'accident de la voie publique résultant de la perte de concentration liée à la conversation téléphonique.

Selon le principe de précaution, les experts recommandent :
- un renforcement de la recherche sur les effets biologiques et sanitaires de l'exposition aux RF
- la réduction de toute exposition superflue
- la réduction des niveaux d'émission au plus bas niveau compatible avec le service
- la réduction maximale de l'exposition du public (surtout les enfants et les vieillards), les bâtiments sensibles étant situés à moins de 100 m des stations de base et n'étant pas atteints directement par le faisceau de l'antenne.
Les experts pensent que ces mesures visent à atténuer les craintes du public, sans que pour autant soit retenue l'hypothèse d'un risque pour les populations vivant à proximité des stations de base.
Les enfants demeurent néanmoins une population à risque car bien que ne recevant pas des doses supérieures au niveau des organes sensibles, leur exposition sera plus longue dans le temps. Les zones d'exclusion à proximité des stations de base devront être clairement délimitées et le regroupement des stations concentre les champs dans l'espace et hétérogénise l'exposition de la population. De plus le voisinage des stations de base n'est pas intégré comme un risque pour la santé.
Au total, il convient d'être prudent, de prendre des précautions de bon sens, justifiées par l'existence d'un doute raisonnable en attendant des résultats concrets des grandes études en cours.
De plus pour sensibiliser le public,
- les recommandations de la CE de juillet 1999 doivent être traduites en droit national
- les ordres de grandeurs d'expositions des utilisateurs devraient leur être accessibles (puissance émise par le téléphone et le DAS local) et
- lors d'une conversation téléphonique, les différents niveaux de puissances émises devraient être contrôlables par l'usager.

En ce qui concerne les stations de base :
- l'ANFR devrait établir des règles normalisées de mesure au voisinage des stations
- les résultats des mesures devraient être communiqués à l'ANFR
- des campagnes de mesures devraient être systématiques
- un cahier des charges technique d'installation des stations devrait être établi.

Sur un plan plus général, les conducteurs doivent être l'objet de campagnes d'informations quant à la dangerosité de l'usage du téléphone mobile avec ou sans kit main libre et l'information du public sera assurée par un document d'information du Groupe interministériel RF. Les sujets porteurs d'implants électroniques devront éloigner leur appareil de plus de 15 cm de l'implant, par contre les systèmes de protection anti-radiation n'ont pas lieu d'être.

Les experts n'ont pas été interrogés sur les expositions aux RF dans le contexte professionnel, mais il est recommandé que des dispositions soient prises et respectées par l'inspection du travail et les ingénieurs CRAM et que les travaux de réparation et de maintenance soient faits après arrêt de la station concernée.
Un bilan des connaissances scientifiques devra être fait auprès d'une instance scientifiquement reconnue par l'Union Européenne de manière à adapter les réglementations à l'évolution de connaissances.

Rapport complet: Voir le document

Descripteur MESH : Santé

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