Bonnes pratiques, recommandations pour la pratique, evidence based guidelines : un guide pour comprendre

Introduction

La médecine factuelle ou médecine fondée sur les preuves fait son apparition en 1992 au Canada. Elle propose une nouvelle forme de pratique médicale basée sur des données de la science étudiés et prouvés. Cette nouvelle pratique propose [1] " de privilégier l'examen critique des résultats issus de la recherche clinique et de diminuer la part de l'expérience, de la mémoire et de l'expérience clinique individuelle ". En clair, cette démarche propose de changer les comportements des praticiens en leur proposant de se fier à des guides élaborés par la communautés scientifiques qui ont fait abstractions de leurs divergences. C'est l'evidence-based medicine (EBM) des anglo-saxons.
Les objectifs sont la constitution de recommandations sous la forme de documents ou guides utilisables en pratique, puis leur diffusion et enfin leur évaluation. Cette démarche factuelle va dans le sens d'une harmonisation des prises en charge des pathologies à l'échelle d'un pays ou d'une région, avec son corollaire de qualité.

Définitions et terminologie

Différents termes sont utilisés couramment. Leurs différences tient à la méthodologie utilisée pour les concevoir.

Les conférences de consensus ou conférences d'experts

Méthode d'élaboration de recommandations visant à définir une position consensuelle dans une controverse portant sur une procédure médicale, dans le but d'améliorer la qualité des soins. Les synthèses élaborées répondent objectivement à une ou plusieurs questions diagnostiques ou thérapeutiques précises. Elles reposent sur une analyse bibliographique et une présentation publique de rapports d'experts faisant la synthèse des dernières connaissances acquises au terme de laquelle un jury multidisciplinaire et multiprofessionnel arrête les points d'accord et de divergence de la communauté scientifique. De ce consensus sont tirées les recommandations utiles aux professionnels. 
Un groupe de travail type se compose : 
- de promoteurs, associations et institutions, 
- d'un comité d'organisation avec un président, 
- d'un jury chargé de la validation de la synthèse, 
- d'experts qui proposent des synthèses, 
- d'un groupe bibliographique de personnes formé à la méthodologie critique, 
- de "sponsors".

Les recommandations pour la pratique clinique (RPC) ou evidence based guidelines (EBG) ou Guide de bonne pratique

Méthode d'élaboration de recommandations reposant sur la sélection, la synthèse et l'analyse objectives d'une littérature abondante par un groupe de travail multidisciplinaire et multiprofessionnel, chargé d'élaborer les recommandations au terme d'une prise en compte de l'avis d'experts également multiprofessionnels et multidisciplinaires. Cette démarche nécessite une excellente connaissance des méthodes de synthèse de l'information et l'intégration de données d'origines diverses. Le groupe de travail est généralement beaucoup plus important et varié. Cette méthode nécessite une importante organisation et demande en général beaucoup plus de temps pour l'élaboration de documents.

Méthodologie

Toute la base du travail repose sur l'analyse de la littérature, sa lecture critique et sa synthèse. Ces trois opérations demandent d'être en adéquation avec des critères fiables et reproductifs.

L'organisation
Les membres experts d'un groupe de travail sont généralement représentatifs des compétences sur le sujet, qu'ils soient public ou privé. L'indépendance de ce groupe (problème des conflits d'intérêt) est un argument de sérieux des projets. La liste complète du ou des groupes de travail doit être accessible. 

La définition et le choix des sujet de travail 
Suivant les pathologies, un groupe de travail peut choisir de s'attaquer à l'ensemble de la prise en charge, proposant donc un état de l'art à un moment donnée (par exemple : prise en charge des patients adultes atteints d'hypertension artérielles), soit de répondre à des questions précises (par exemple : modalités d'utilisation des antirétroviraux dans la prise en charge des VIH seropositif en afrique.)

La recherche bibliographique
Elle doit être la plus exhaustive possible, utilisant des équations de recherche standardisées sur des bases de données internationales et nationales, dans toutes les langues, comme Medline. Cette recherche peut s'appuyer sur de la littérature non indexés, le but étant d'avoir une vision la plus exhaustive possible sur le sujet. Toute la difficulté reviens à la formulation des équations de recherche.

L'analyse et la lecture critique
Les critères de tri, de sélection et de rejet sont basés sur des éléments de méthodologie et d'interprétation d'essais cliniques ou thérapeutique [2-3]. Les meilleures preuves scientifiques concernent les méta-analyses, les essais randomisés ou les études non randomisées selon les sujets à traiter.

La lecture critique d'un résultat d'essai clinique porte sur trois axes différents [2] :

1. La validité interne : Est-ce que le résultat est fiable, c'est-à-dire est-il réel et non biaisé ?
2. La validité externe : Est-ce que ce résultat est concordant avec les autres connaissances sur le sujet ? 
3. La Pertinence clinique et la représentativité : Ce résultat représente-t-il un bénéfice intéressant en pratique et est-il extrapolable à mes patients ? Quelle est la taille de l'effet ? L'estimation de la taille de l'effet est-elle précise ? L'effet observé correspond-il à un effet cliniquement pertinent ? et finalement les patients de l'essai sont-ils représentatifs des patients rencontrés couramment en pratique médicale ?

Certains projet, comme les Standards, Options et Recommandations de la FNCLCC, utilisent des grilles de relecture standardisées pour l'évaluation d'une thérapeutique [4], l'évaluation de facteurs pronostiques [5], et l'évaluation de test diagnostique [6].

La synthèse des données :

Elles sont regroupées sous forme de propositions pratiques positives ( il est recommandé de…, il faut …, il est indispensable de….) au contraire des références médicales opposables (RMO) qui proposent des recommandation négative (il ne sert à rien de…, il ne faut pas…) sans donner les solutions positives. Cette synthèse doit être la plus claire possible et formulée sans ambiguïté. Ces recommandations sont toujours associées à des niveaux de preuve. Elle sont souvent associés à des arbres décisionnels reprenant sous forme graphique le déroulement d'une prise de décision.

Niveaux de preuve

niveau A (ou 1): Résultats cohérents ou unanimes avec preuves scientifiques d'essais randomisés de forte puissance ou de méta-analyse d'essais randomisés.

niveau B (ou 2) : Résultats cohérents avec présomption scientifique. Il existe des preuves correcte sur des essais randomisés (B1) ou études prospectives ou rétrospectives (B2).

niveau C (ou 3): Résultats non cohérents ou essai critiquables méthodologiquement (étude cas-témoin)

niveau D (ou 4): Résultats d'études comportant des biais importants ou série rétrospective ou série de cas.

accord d'experts : il n'existe pas de données pour la méthode concernée mais l'ensemble des experts est unanime. [7]

Les niveaux A et B sont de forts niveaux de preuve. Les niveaux C et D sont de faible niveaux de preuves.

Utilisation et adaptation

Il ne suffit pas de faire des recommandations, il faut encore les diffuser vers le public concerné. Cette diffusion utilise tout les supports accessibles. Internet prend alors une dimension importante puisqu'il permet d'accéder très rapidement et gratuitement à ces documents.

Certaines recommandations élaborées sur un plan international ou national demandent des adaptations régionales voire loco-régionales pour permettre leur mise en œuvre. Ainsi, bon nombre de réseaux de soins, s'appuyant sur des recommandations existantes, rédigent des référentiels pratiques adpatés aux contraintes locale (contraintes matérielles, culturelles, économiques, géographiques, etc…)

Evaluation

Il est extrêmement important que chaque recommandation ou référentiel puisse être évalué au travers le changement des pratiques qu'il est supposé entraîner. Cette évaluation peut être individuelle, ou à plus grande échelle sur un réseau entier. Elle est souvent longue car nécessite une longue période de données pour pouvoir être valable. Les critères d'évaluation sont nombreux et différents d'une pathologie à une autre. Ils reposent sur des éléments objectifs (taux de survie, coût des soins, complications, durée de séjour, etc…) et sur des éléments qualitatifs (qualité de vie). Les résultats de ces évaluations, en général publiés, servent à mettre à jour et à adapter les référentiels

Mise à jour

Une recommandation est une photographie d'un état de l'art à un moment donné. Il est généralement admis, suivant les pathologies, qu'une mise à jour est indispensable tous les deux ans voire tout les ans. Elle utilise la même méthodologie de départ, obligeant à une recherche bibliographique (limitée dans le temps), puis à une analyse et une lecture critique et à une re-formulation éventuelle des recommandations.

Références

1. Junod AF. Des scores cliniques ou de l'émergence laborieuse de l'explicite dans la décision médicale " - Médecine et Hygiène, Éditorial :31/10/2001.
2. Méthodologie et interprétation des essais thérapeutiques - Université de Lyon 1
http://www.spc.univ-lyon1.fr/user/mcu/polycop/
3. Bonichon F, Courtial F, Blanc-Vincent MP. Revue de la littérature, recherche d'informations et lecture critique d'articles en cancérologie. Bull Cancer. 1998 Dec;85(10):867-85
4. Grille de lecture pour l'évaluation d'une thérapeutique. FNCLCC 1998.
http://www.fnclcc.fr/-sci/sor/pdf/grille_therapeutique.pdf
5. Grille de lecture pour l'évaluation de facteurs pronostiques . FNCLCC 1998.
http://www.fnclcc.fr/-sci/sor/pdf/grille_pronostic.pdf
6. Grille de lecture pour l'évaluation de test diagnostique . FNCLCC 1998.
http://www.fnclcc.fr/-sci/sor/pdf/grille_diagnostic.pdf
7. Niveaux de preuve. FNCLCC, projet SOR
http://www.fnclcc.fr/-sci/sor/presentation/synthese.htm

Pour en savoir plus

Des références médicales à la qualité des soins. 1. Vers une médecine fondée sur des faits prouvés. Bulletin du Conseil de l'Ordre des Médecins, janvier 2002.
Document 


Cucherat.M ; Introduction à la médecine factuelle - Revue médicale de l'assurance maladie - Vol.32, N°1/ janvier-mars 2001. Éditorial paru dans NC Med, avril 1994.

Pratique médicale fondée sur des preuves. Université Laval, Canada. 
http://www.medecine.quebec.qc.ca/francais/preuve.htm

David L Sackett && al. Evidence based medicine: what it is and what it isn't . BMJ 1996;312:71-72. http://bmj.com/cgi/content/full/312/7023/71

Recherche bibliographique MEDLINE

Répertoire critique de site web proposant de l'information médicale fondée sur des données probantes : Université Laval, Canada. 
http://www.medecine.quebec.qc.ca/francais/repertoire.htm 

Les recommandations de bonnes pratiques ; un outil de dialogue, de responsabilité et de diffusion de l'innovation, 
Remise du rapport d'Etienne Caniard, Communiqué de presse du Ministère délégué à la Santé, 8 Avril 2002


Exemples : cancérologie

Version pour les patients des Lignes directrices sur les soins de cancérologie:
http://hiru.mcmaster.ca/ccopgi/patient/pvtitrefr.html

Clinical practice guideline for practitionners (en anglais) : 
http://hiru.mcmaster.ca/ccopgi/guidelines.html

SOR spécialistes : http://www.fnclcc.fr/-sci/sor/index.htm

SOR savoir destinés aux patients : http://www.fnclcc.fr/-dic/ssp/index.htm

#COVID-19 : le point de situation épidémiologique sur le coronavirus SARS-CoV-2

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