« Omicron n’est pas un rhume et la 5e vague n’est pas finie » pour David Simard

« Omicron n’est pas un rhume et la 5e vague n’est pas finie » pour David Simard Il a été dit que le variant Omicron du SARS-CoV-2 donnait des formes légères du fait du décrochage entre les cas positifs détectés et les hospitalisations, entre les hospitalisations et les soins critiques, et entre les cas positifs détectés et les décès.

Sur le plan clinique, Omicron atteindrait plus les voies respiratoires hautes que basses, donnant lieu à des formes moins sévères. Cependant, plus contagieux et avec une capacité à contourner l’immunité acquise suite à une infection ou à la vaccination (échappement immunitaire), il touche massivement des personnes vaccinées, faisant donc des formes moins sévères. Le niveau de décrochage entre les cas positifs et les formes sévères (hospitalisations, dont soins critiques, décès) tient en grande partie au nombre de cas positifs chez les personnes vaccinées, s’ajoutant à une sévérité intrinsèque moindre du variant, observable par ailleurs cliniquement chez les personnes non vaccinées. Pour partie, les ratios entre les cas positifs et les formes sévères diminuent donc, car la circulation virale est exceptionnellement massive, particulièrement en France où très peu de mesures de réduction de cette circulation sont en place, notamment dans les écoles.

Mais de tels volumes d’infection conduisent à l’augmentation des hospitalisations et des décès, même en défalquant les hospitalisations dites « avec covid », c’est-à-dire dont le motif primaire d’admission n’est pas la covid, mais dont le test pour le SARS-CoV-2 réalisé en vue de l’hospitalisation s’est révélé positif, pour ne retenir que les hospitalisations dites « pour covid », dont le motif primaire d’admission est la covid. En faisant masse au niveau des infections, la contagiosité et l’échappement immunitaire d’Omicron conduisent à la multiplication des cas de formes sévères. Suivre le nombre de cas positifs reste donc majeur : même avec un ratio moindre, il est indicatif d’un nombre d’hospitalisations, dont en soins critiques, et de décès, auquel on peut s’attendre.

La baisse du ratio entre les entrées globales à l’hôpital et les soins critiques est d’ailleurs moindre qu’en première analyse où l’on rapprocherait le volume respectif entre les deux. La distinction entre les admissions « pour covid » et « avec covid » met en effet en évidence que la part des « avec covid » est deux fois supérieure dans les hospitalisations que dans les soins critiques (29 % vs 15 % dans le dernier point épidémiologique de Santé Publique France.

Après une baisse enclenchée mi-janvier, les soins critiques peinent à diminuer. Les entrées hebdomadaires sont restées supérieures à 2 000 la dernière semaine de décembre 2021 et les trois premières semaines de janvier 2022, pour descendre à 1 999 entre le 24 et le 30 janvier — semaine où elles n’ont baissé que de 2 % par rapport à la semaine précédente, contre -8,7 % la semaine précédente (ces données et les suivantes sont disponibles en open data).

Après s’être approchés des 4 000 il y a trois semaines, les soins critiques en cours (solde des entrées/sorties, qui inclut les sorties par décès) baissent lentement depuis deux semaines, et restaient au 30 janvier au-dessus de 3 600 depuis 4 jours, après être restés au-dessus de 3 800 pendant 7 jours et au-dessus de 3 700 pendant 6 jours.

Quant aux décès, incluant ceux survenus à l’hôpital et ceux ayant eu lieu en établissements sociaux et médico-sociaux, dont les EHPAD, leur nombre hebdomadaire ne cesse de croître depuis onze semaines. Il est supérieur à 1 000 depuis sept semaines, à 1 500 depuis quatre semaines, et tout proche des 2 000 la semaine du 24 au 30 janvier (1 961), après une hausse de 17 % par rapport à la semaine précédente. Les décès en EHPAD augmentent d’environ 20 % chaque semaine depuis quatre semaines (dont 26 % en semaine du 10 janvier) et ont doublé en 5 semaines (de 48 à 104). Au total, depuis la mi-novembre, on compte plus de 12 500 décès, dont plus de 7 000 pour le seul mois de janvier, et une moyenne de 280 décès par jour la dernière semaine de janvier.

La 5e (ou 6e) vague n’est pas finie, et plusieurs des indicateurs (nouvelles hospitalisations, hospitalisations en cours, décès hospitaliers et en EHPAD) continuent de croître, tandis que ceux en soins critiques reculent à un rythme peu soutenu, et que le nombre de cas positifs détectés se maintient à environ 2,4 millions pour la deuxième septaine consécutive (semaine glissante au 27 janvier), alors même que le nombre de personnes testées a reculé de 21 % par rapport à la mi-janvier. Le récit selon lequel Omicron est léger (« mild ») et qu’il ne donnerait qu’un rhume, recouvre d’un voile cette réalité.

La vaccination joue par ailleurs un rôle majeur dans les décrochages cités plus haut. Les enfants, pour la plupart, ne sont pas encore vaccinés (5-11 ans), ou ne peuvent pas l’être (0-4 ans), ce qui se traduit dans les hospitalisations qui culminent à des niveaux jamais atteints depuis le début de la pandémie (autant d’hospitalisations d’enfants de moins de 10 ans durant les trois premières semaines de janvier 2022 que durant les 16 premiers mois de l’épidémie en France), ainsi que dans les décès, certes très peu nombreux, mais dont près de la moitié depuis le début de l’épidémie chez les enfants de moins de 10 ans ont eu lieu en janvier 2022.

David Simard, Phd

« Omicron n’est pas un rhume et la 5e vague n’est pas finie » pour David Simard David Simard est docteur en philosophie et chercheur associé au laboratoire LIS de l’UPEC. Spécialisé en philosophie de la médecine, de la santé et de la biologie, il est chargé du déploiement de la nouvelle « Licence Santé » à la faculté de santé de l'UPEC. Il intervient régulièrement au sein du collectif « Du côté de la science » pour livrer ses analyses et ses réflexions sur la pandémie et la crise sanitaire liée à la Covid-19.
http://www.davidsimard.fr/

 

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