Estimation de l'exposition des populations aux polluants présents à l'intérieur des habitations

Les citadins passent la majeure partie de leur temps à l’intérieur de bâtiments ou autres lieux clos dans lesquels les pollutions de toutes natures sont considérées responsables de nombreux effets sur la santé. L’observatoire de la qualité de l’air intérieur (OQAI) a été mis en place pour contribuer à l’amélioration des connaissances sur l’exposition de la population et à l’identification des déterminants environnementaux et comportementaux de cette exposition, dans un but d’évaluation et de gestion des risques sanitaires. 

L'objectif principal du présent travail est d’analyser l’influence du budget espace-temps (BET) et des modalités d’appréciation de la concentration des polluants dans l’air intérieur sur l’estimation de l’exposition des personnes pendant leur temps de présence dans leur logement. Les solutions proposées peuvent varier en fonction des objectifs des études de santé publique qui les utilisent.

Les données utilisées pour effectuer ce travail méthodologique sont issues de l’étude pilote de l’OQAI qui s’est déroulée de mars à juillet 2001, dans 90 logements, situés dans trois zones géographiques. Ces régions et ces logements ne sont pas représentatifs du territoire français mais offrent une certaine diversité de climat, population et type de logements. Au total, les résultats de 251 personnes sont exploitables (92%) dont 48% d’actifs et 21% de moins de 15 ans. Les logements de ces ménages sont des appartements situés dans des immeubles collectifs dans 69% des cas.

Les occupants ont rempli deux sortes de questionnaires : un carnet journalier avec un pas de temps de 10 minutes et un semainier avec un pas de temps de 15 minutes. Les taux de remplissage sont très variables selon les régions (de 29 à 60%). Une première analyse a consisté à comparer les écarts éventuels des durées passées dans chacun des microenvironnements à l'intérieur des habitats déclarés en fonction du système de recueil.

Les concentrations atmosphériques du CO enregistrées toutes les 5 minutes ont été moyennées sur les pas de temps de 10 et 15 minutes afin d’être en cohérence avec les recueils de BET. Les concentrations du benzène et du formaldéhyde sont quand à elles mesurées sur un pas de temps hebdomadaire. Les concentrations d’exposition domestique quotidienne (CEDQ) ont été calculées selon plusieurs méthodes : (i) celles qui visent à estimer la concentration d'exposition des personnes pendant leur seul temps de présence dans leur logement. Cette grandeur est utile en épidémiologie notamment pour assurer une classification la plus proche possible de la réalité des personnes en fonction de leur niveau d'exposition ; (ii) celles qui visent à estimer la concentration d'exposition des personnes rapportée sur une journée complète. Elle permet, en EQRS, de disposer d'une estimation cohérente avec les valeurs toxicologiques de référence (VTR).

La comparaison de ces différentes modalités d’estimations des CEDQ a permis d’analyser l’influence : du pas de temps des BET, de l’agrégation du BET, de la proportion de temps passé dans l’habitat au cours d’une journée, de la prise en compte de la concentration des polluants à l'échelle de la pièce ou du logement et de la combinaison de ces diverses possibilités.

Des procédures d'approximation des valeurs non quantifiées et manquantes ont été mises en œuvre. Pour le CO, les concentrations atmosphériques inférieures à la limite de quantification analytique (LQA) ont été fixées à une valeur correspondant à la LQA divisée par 2. Aucune valeur de concentration atmosphérique manquante dans une série recueillie n’a été remplacée. En revanche, en s’appuyant sur les connaissances publiées dans la littérature, l’absence de mesure dans des pièces telle que la chambre a été palliée avec soit les concentrations mesurées dans le séjour soit la moyenne des concentrations des pièces dans lesquelles une source d’émission était présente. Concernant le BET, seuls les cahiers remplis à plus de 75% ont été exploités. Les valeurs manquantes ont été remplacées selon la méthode de l’imputation simple à partir des profils généraux des catégories de personnes dans chacune des régions.

Enfin, une analyse de la contribution de chacune des pièces à l’exposition domestique quotidienne a été conduite. L'estimation a été faite en calculant la dose d'exposition cumulée sur la journée pour la pièce considérée lorsque la personne est présente dans cette pièce, et la dose d'exposition domestique cumulée de la journée.

La comparaison des deux systèmes de recueil du BET, remplis pour un même jour, ne montre pas de différences sensibles dans la durée d'occupation des pièces du logement. Elle ne révèle pas non plus de différences de durée d’occupation des pièces du logement avec par ordre d'importance décroissante : la chambre, le séjour, la cuisine et la salle de bain. Les autres pièces sont beaucoup plus rarement occupées.

Pour le CO, au cours d’une journée, il est observé des écarts manifestes entre la concentration ambiante mesurée du CO et la concentration d'exposition domestique calculée. Cela révèle toute l'importance de tenir compte de l'emploi du temps précis des occupants si l’on veut estimer de manière correcte les niveaux d’exposition auxquels ils sont soumis.

En fonction des modalités de son exploitation, l’influence du BET sur les niveaux des concentrations d’exposition domestique quotidienne diffère. En premier lieu, le type de recueil du BET conduit à des écarts très ténus quels que soient le niveau de l'exposition et la région (0.06 à 0.38 mg/m3 en valeur absolue). Ensuite, les modalités de prise en compte du BET et des concentrations atmosphériques, quelle que soit la région, conduit à des différences d'autant plus grandes que les indicateurs sont agrégés et donc moins précis. Cependant compte tenu des CEDQ relativement faibles, au maximum, la différence est de 0.61 mg/m3.

Dès lors que l’on ramène le calcul des concentrations d’exposition domestique précédentes établies pour le seul temps passé à l’intérieur des habitats à une concentration d’exposition domestique sur la journée entière, la pondération est d’un facteur moyen compris entre 1.5 et 2 avec un maximum à 5.

Le remplacement des valeurs manquantes dans les semainiers n’a pas d’influence sur les résultats des CEDQ, même si l’on étend l’analyse à la prise en compte de tous les semainiers, quel que soit leur taux de remplissage. Ce résultat peut paraître surprenant tant pour certaines personnes, l’emploi du temps de la journée est peu renseigné. Cependant, la méthode d’approche des valeurs manquantes du BET oriente vers une uniformisation des comportements, les pièces les plus fréquentées étant privilégiées pour pallier l’absence des données. En revanche, les modalités d’attribution de concentrations atmosphériques de CO dans les pièces non instrumentées conduit à des différences d’autant plus grandes que les concentrations d’exposition domestique sont élevées (de 0 à 3.41 mg/m3).

La contribution de chacune des pièces du logement à l'exposition des personnes indique que si les concentrations d’exposition sont les plus élevées dans la cuisine suivie du séjour et de la chambre, en revanche, compte tenu du BET, c’est la chambre qui contribue le plus à l’exposition domestique quotidienne, suivie du séjour puis de la cuisine (respectivement 50, 25 et 15%). Ce résultat est valable pour les trois polluants étudiés.

Bien que les logements enquêtés et donc les occupants soient non représentatifs de la population française générale, ce premier travail permet de comprendre que les pièces les plus polluées ne sont pas forcément celles qui contribuent le plus aux concentrations d’exposition quotidienne.

Le travail conduit ici ne visait pas la connaissance des niveaux d’exposition des populations mais à l’analyse de l’influence du BET et des concentrations atmosphériques pour estimer cette exposition afin de maîtriser les erreurs de classification en épidémiologie et de rendre possible la quantification des risques sanitaires.

L’influence du BET et des concentrations atmosphériques reste modeste sauf dans certains cas particuliers. C’est la conjonction des deux influences qui peut se révéler préjudiciable. Ces résultats militent donc pour le recueil d’un BET détaillé sur un pas de temps approprié au contexte de l’étude et de concentration atmosphérique cohérente avec ce BET. La contribution majeure de la chambre à l’exposition en est une illustration. Il en ressortira une minimisation des erreurs de classification des personnes par rapport à leur niveau d’exposition et une meilleure quantification des risques.

Il ressort également la nécessité d’équiper les logements de dispositifs de mesure dans les pièces les plus occupées, notamment la chambre à coucher, et pas seulement dans celles présentant des sources d’émission des polluants.

Enfin, en terme de perspectives, l’analyse des données de la campagne pilote suggère d’organiser les données collectées dans une base de données structurée selon les besoins scientifiques et de développer une démarche d’évaluation quantitative du risque sanitaire encouru dans les habitats.

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