Consommation élevée de béta-carotène : un risque diminué de certains cancers chez les non-fumeuses…mais augmenté chez les fumeuses

Depuis 1990, Françoise Clavel-Chapelon coordonne le suivi de la cohorte prospective E3N, qui permet l'étude des facteurs de risque de cancer parmi une population de près de 100 000 femmes (voir encadré). Son équipe s'est en particulier intéressée à la relation entre consommation de beta-carotène et risque de cancers liés au tabac. Jusqu'à présent, certaines études avaient mis en évidence une diminution du risque de cancer associée à la consommation de beta-carotène, tandis que des études expérimentales suggéraient que des doses élevées de cet antioxydant (fournies par des compléments), pourraient être associées à une augmentation du risque de cancer du poumon et de cancers digestifs chez les fumeurs.

Afin d'approfondir l'étude des relations entre beta-carotène et risque de cancers liés au tabac, les chercheurs ont analysé les données concernant 59 910 femmes. Suivies depuis 1990, ces femmes livrent régulièrement par auto-questionnaires des informations extrêmement précises sur leur mode de vie et leur état de santé. En utilisant l'information des questionnaires adressés en 1994 à ces femmes, les chercheurs ont collecté des informations sur l'alimentation, la prise de compléments alimentaires et le statut tabagique. Les femmes ont été réparties en quatre groupes, selon leur consommation en béta-carotène : 3 groupes de consommation alimentaire croissante (le premier étant considéré comme à consommation faible) et un 4 e groupe qui prenait, en plus de sa consommation alimentaire, une supplémentation (groupe considéré comme à consommation élevée). Ces femmes ont été suivies sur une durée médiane de 7,4 ans. Au cours de ce suivi, 700 femmes ont vu se développer un cancer lié au tabac.

L'équipe de l'Inserm montre que, chez les femmes n'ayant jamais fumé, la consommation croissante de beta-carotène est inversement associée au risque de survenue d'un cancer lié au tabac. A l'inverse, chez les femmes ayant fumé au cours de leur vie – qu'elles aient arrêté ou non–, le risque de cancer est maximal chez celles ayant la consommation la plus élevée de beta-carotène.

Dans la population des quelque 60000 femmes suivies, les auteurs ont calculé le risque absolu de cancer sur 10 ans. En cas de consommation faible de béta-carotène, il était voisin de 180 cas pour 10 000 femmes, que les femmes soient fumeuses ou non. ; En cas de consommation élevée de béta-carotène, il était seulement de 81,7 cas pour 10 000 femmes chez les non-fumeuses, alors que chez les fumeuses, il s'élevait à 368,3 cas pour 10 000.

« Bien que le beta-carotène soit susceptible d'être co-carcinogène, on ne peut cependant recommander aux fumeurs d'éviter de consommer des aliments riches en beta-carotène comme les fruits et les légumes, dans lesquels d'autres composants pourraient s'opposer à l'interaction potentiellement délétère entre le beta-carotène et le tabac » , soulignent en conclusion les auteurs de cette étude.

Pour en savoir plus

Dual Association of Beta-Carotene With Risk of Tobacco-Related Cancers in a Cohort of French Women?.

M. Touvier, E. Kesse, F. Clavel-Chapelon, M-C Boutron-Ruault.

Journal of the National Cancer Institute 2005; 97:1338-1344.

Contact chercheur

Directrice de Recherche Inserm, IGR.

Tél: 01 42 11 64 66/ 01 49 77 38 14

e-mail: boutron@igr.fr

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Descripteur MESH : Risque , Femmes , Tabac , Population , Facteurs de risque , Poumon , Consommation alimentaire , Questionnaires , Vie , Aliments , Association , Compléments alimentaires , État de santé , Légumes , Recherche , Santé

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