Téléconsultation en 2025 : une révolution à moitié saisie ?

Téléconsultation en 2025 : une révolution à moitié saisie ? Cinq ans après l’explosion de la téléconsultation durant la crise Covid-19, l’outil paraît incontournable en médecine de ville. Pourtant, l’étude Doctolib (5,1 millions d’actes en 2024, soit 4,76 % des consultations) dresse un constat en demi-teinte : largement plébiscitée par les praticiens, la vidéo-consultation reste sous-exploitée là où elle pourrait vraiment changer la donne, notamment dans les déserts médicaux. Entre agilité organisationnelle et carcan réglementaire, décryptage d’une pratique à réinventer.

Une pratique ancrée, mais en reflux

En 2024, 5,1 millions de téléconsultations ont été réalisées via Doctolib, soit 4,76 % des 108,6 millions de consultations totales, mais ce chiffre masque une réalité : parmi les médecins utilisateurs de la téléconsultation, elle représente 7,4 % de leur activité. Après un pic de 17,1 millions de téléconsultations en 2020, l’usage recule légèrement (-0,69 % depuis 2022), suivant une tendance confirmée par la CNAM : 11,6 millions en 2023 contre 13,2 millions en 2021. Pourtant, 2,7 millions de patients (11 % des utilisateurs de Doctolib) y ont eu recours en 2024.

Les spécialités s’approprient l’outil de manière inégale. La psychiatrie mène la danse avec 20,3 % des consultations à distance, suivie par la médecine générale (8,1 %) et la pédiatrie (5,1 %). La dermatologie (4,4 %) et la gynécologie (4,8 %) restent en retrait. « La téléconsultation est entrée dans les mœurs, mais son adoption varie selon les besoins de chaque discipline », observe Jean-Urbain Hubau, directeur général de Doctolib France.

Psychiatrie – 20,3 % des actes à distance

  • Équipement : 63 % des psychiatres actifs sur Doctolib proposent la vidéo.
  • Parcours : 95 % de patients déjà connus ; 1,3 % de reconsultations < 48 h ; 11 % suivis exclusivement à distance.
  • Organisation : file active 41 %.
  • Durée moyenne : donnée non renseignée.
  • Cas d’usage : entretiens de suivi, prévention des crises, ajustement posologique.

« La téléconsultation fait partie intégrante de ma pratique ; elle n’est pas une version dégradée et peut éviter des hospitalisations », Dr Éric Tanneau.

Médecine générale – 8,1 % des actes

  • Volume : plus de 4 millions d’actes en 2024.
  • Parcours : 79 % de patients déjà suivis ; 2,6 % de reconsultations < 48 h.
  • Organisation : file active 37 % ; 62 % des actes < 48 h ; délai médian 1 jour.
  • Durée moyenne : 13 min (cabinet : 17 min).
  • Cas d’usage : triage des viroses, renouvellements d’ordonnance, conseils rapides.

MG France souligne que l’outil « limite les pertes de chance et améliore l’accessibilité au médecin traitant ».

Pédiatrie – 5,1 % des actes

  • Équipement : 46 % des pédiatres équipés.
  • Parcours : 93 % de patients connus ; 3,5 % de reconsultations < 48 h.
  • Organisation : file active 22 % ; délai médian 1 jour ; 64 % des actes < 48 h.
  • Durée moyenne : 12 min (cabinet : 20 min).
  • Cas d’usage : fièvres isolées, dermatite atopique légère, réassurance parentale.

« Un outil simple et accessible pour le conseil rapide tout en libérant des créneaux présentiels », Dr Anna Boctor.

Gynécologie – 4,8 % des actes

  • Équipement : 41 % des gynécologues équipés.
  • Parcours : 93 % de patientes connues ; 2,1 % de reconsultations < 48 h.
  • Organisation : file active 4,4 % ; délai médian 4 jours ; 33 % des actes < 48 h.
  • Durée moyenne : non renseignée.
  • Cas d’usage : contraception, suivi FIV, grossesse précoce.

« La gestion documentaire est nettement facilitée et l’accès aux spécialistes amélioré », Dr Jonathan Cohen.

Dermatologie – 4,4 % des actes

  • Équipement : 29 % des dermatologues équipés.
  • Parcours : 64 % de patients connus ; 0,8 % de reconsultations < 48 h.
  • Organisation : file active 21 % ; délai médian 7 jours ; 29 % des actes < 48 h.
  • Durée moyenne : 15 min (cabinet : 17 min).
  • Cas d’usage : suivi acné, renouvellement d’ordonnance, contrôle post-traitement avec photos asynchrones.

« Bien encadrée, la téléconsultation demeure un outil complémentaire pour le suivi et l’accès aux soins », Dr Wafa Masmoudi.

Un levier de continuité, pas de disruption

Loin de fragmenter les soins, la téléconsultation s’inscrit dans la continuité. 82 % des téléconsultations se font avec un médecin déjà connu, et seuls 2,85 % des patients y ont recours exclusivement. En médecine générale, seulement 2,6 % consultent en présentiel dans les 48 heures suivant une téléconsultation, preuve que l’outil répond efficacement à des besoins ponctuels. Exemple concret : une mère de famille consulte un pédiatre en urgence via Doctolib pour une fièvre infantile, obtenant un rendez-vous en 24 heures, contre 6 jours en cabinet.

Pour le Dr Eric Tanneau, psychiatre à Paris, la téléconsultation est un atout organisationnel : « Proposer des créneaux tôt le matin ou tard le soir me permet de suivre 41 % de patients en plus. » En dermatologie, les utilisateurs accueillent 22 % de nouveaux patients supplémentaires, et en pédiatrie, la file active croît de 22 %. « C’est une flexibilité précieuse », confirme le Dr Wafa Masmoudi, dermatologue à Rouen, qui réserve la téléconsultation aux suivis d’acné pour ses patients connus.

Une adoption inégale : jeunes et urbains en tête

L’usage de la téléconsultation reflète des clivages marqués. Les 25-34 ans dominent (27 % des téléconsultations contre 15 % en présentiel), tandis que les plus de 65 ans ne représentent que 5 % (contre 14,5 % en cabinet). Géographiquement, 72 % des téléconsultations se concentrent en zones urbaines, contre 28 % en zones rurales, où les besoins sont pourtant criants. « Pourquoi cet outil, censé démocratiser l’accès aux soins, profite-t-il surtout aux jeunes citadins ? » s’interroge l’étude.

Le Dr Jonathan Cohen, gynécologue à Paris, pointe un obstacle clé : la territorialité imposée. « Dans les zones sous-dotées, la téléconsultation pourrait éviter d’envoyer les patientes à l’hôpital. Mais les règles actuelles, qui lient la téléconsultation à un territoire, limitent son potentiel », déplore-t-il. En gynécologie, 93 % des téléconsultations concernent des patientes connues, avec un délai d’accès de 4 jours contre 20 jours en présentiel. En dermatologie, ce taux chute à 64 %, reflétant un usage plus ponctuel.

Réglementation : un frein à desserrer ?

Les médecins s’accordent sur un point : le cadre réglementaire freine l’essor de la téléconsultation. En psychiatrie, le Dr Tanneau milite pour la suppression du quota de 40 % de téléconsultations : « Laissons les médecins juger ce qui est adapté à leurs patients. » En pédiatrie, le Dr Anna Boctor regrette une valorisation insuffisante pour les suivis complexes, comme les maladies chroniques. « Les téléconsultations sont idéales pour les urgences, mais leur tarification unique décourage leur usage pour des cas complexes », explique-t-elle.

En dermatologie, le Dr Masmoudi note une baisse d’usage post-Covid, liée à un retour au présentiel et à des cotations moins avantageuses. Avec un délai de 7 jours pour une téléconsultation contre 34 jours en cabinet, l’outil reste pourtant un levier d’accès rapide. In gynécologie, le Dr Cohen souligne que des actes comme le démarrage d’une FIV ne sont pas cotables à distance, pénalisant patients et praticiens.

Vers une téléconsultation universelle ?

La téléconsultation, bien qu’intégrée dans les pratiques médicales, reste confrontée à des défis pour répondre pleinement aux besoins du système de santé français. Les données de 2024 montrent son potentiel pour améliorer l’accès aux soins, notamment en zones rurales et pour les populations âgées, mais des obstacles persistent : rigidité de la territorialité, cotations inadaptées et adoption inégale. Un dialogue entre professionnels de santé, patients et décideurs publics sera essentiel pour ajuster le cadre réglementaire et maximiser l’impact de cet outil, afin qu’il contribue efficacement à réduire les inégalités d’accès et à soutenir les soignants face aux enjeux actuels.


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