Soignants ou gestionnaires ? Quand l’administratif prend le pas sur le soin

Soignants ou gestionnaires ? Quand l’administratif prend le pas sur le soin Directeur général France de Tandem Health, Félix Motosso livre sa réflexion sur la place croissante des tâches administratives dans le quotidien des soignants. À partir de données récentes, il analyse les conséquences de cette surcharge pour les professionnels comme pour les patients, et plaide pour une innovation numérique construite avec le terrain afin de redonner du temps médical.

Alors que les annonces gouvernementales en faveur de la simplification administrative se multiplient dans le monde économique, les professionnels de santé, eux, continuent de consacrer une part importante de leur temps à des tâches bureaucratiques. Cette surcharge, devenue structurelle, réduit le temps médical disponible, alimente un sentiment d’inefficacité et renforce un malaise déjà profond, aussi bien en établissement qu’en libéral.

Selon une enquête menée par l’Ifop en avril 2025, 94 % des Français estiment que les hôpitaux publics souffrent du poids des tâches administratives, et 56 % considèrent ce problème comme “très important”. Parmi les usagers ayant fréquenté un hôpital public au cours des cinq dernières années, 74 % déclarent avoir eu l’impression que les équipes passaient plus de temps à gérer l’organisation qu’à soigner. Ces perceptions rejoignent le vécu des personnels soignants, qui eux aussi valident ce diagnostic à 94 %. En médecine libérale, seuls 51 % des généralistes bénéficient d’un secrétariat physique ; ce chiffre chute à 24 % pour ceux qui exercent seuls. Cela signifie que près de la moitié des cabinets fonctionnent sans appui administratif dédié, obligeant les soignants à jongler entre appels, prises de rendez-vous, codifications d’actes, relances de la CPAM ou rédaction de certificats. Ces contraintes pèsent lourdement sur le moral et la disponibilité clinique. Loin d’être de simples irritants, elles deviennent des facteurs aggravants d’un désengagement professionnel durable.

Repenser l’innovation à partir du terrain : simplifier avant de transformer

L’intelligence artificielle est souvent présentée comme un levier de transformation du système de santé. Automatisation des tâches, optimisation des parcours, amélioration de la coordination : les perspectives sont réelles. Mais dans un écosystème déjà fragmenté et techniquement hétérogène, le risque est grand d’ajouter une couche de complexité plutôt que de soulager les équipes.

Trop souvent encore, les outils numériques sont conçus sans concertation avec leurs utilisateurs. Les professionnels doivent composer avec des interfaces peu intuitives, des systèmes qui ne communiquent pas entre eux, et des procédures alourdies. Avant tout déploiement à grande échelle, il est indispensable de consolider les fondations : garantir une interopérabilité effective, soigner l’ergonomie des outils, et intégrer les soignants à chaque étape du processus de conception. Une technologie, aussi avancée soit-elle, n’apporte de valeur que si elle simplifie réellement le quotidien.

Redonner du temps aux soignants : la technologie au service du soin

Ce que demandent les professionnels de santé, ce ne sont pas de nouveaux outils à intégrer dans des plannings déjà saturés, mais de véritables solutions qui leur rendent du temps. Du temps pour écouter, accompagner, soigner. L’IA peut répondre à cette attente si elle est déployée dans une logique de simplification : automatisation des tâches répétitives, fiabilisation des données, allègement des démarches, suppression des doublons.

Les soignants ne rejettent pas la technologie. Ils en perçoivent les bénéfices potentiels, notamment lorsqu’elle améliore le suivi des patients chroniques ou facilite le partage d’informations. Mais pour qu’elle soit acceptée et adoptée, elle doit s’intégrer de manière fluide dans les pratiques existantes et répondre à un besoin concret.

À six mois du Sommet de l’IA, il est essentiel de rappeler que la transformation numérique du système de santé ne peut réussir qu’en partant du terrain. Cela suppose d’impliquer les soignants dès la conception des outils, de prendre en compte leurs contraintes réelles, et de privilégier une approche cohérente, lisible et utile. Il ne s’agit pas d’empiler les solutions, mais de construire un cadre robuste et centré sur la mission fondamentale du système : soigner. Simplifier pour mieux soigner. Innover pour avancer. C’est dans cet ordre que l’IA gagnera sa légitimité, en soutien à celles et ceux qui portent le soin au quotidien.

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