Paludisme dans les zones souadienne et souado-gambienne : Anopheles funestus diversifie l’origine de ses repas sanguins

Une équipe d’entomologistes de l’IRD qui s’est interrogée sur les facteurs à l’origine des préférences alimentaires de Anopheles funestus, un des principaux vecteurs du paludisme, publie des résultats dans la revue Parasitologia qui contribuent à mieux cerner le profil épidémiologique de la maladie pour engager des programmes de lutte plus efficace. Cette étude montre en effet que, pour des facteurs non élucidés mais qui pourraient tenir des facteurs saisonniers ou génétiques, Anopheles funestus a des comportements alimentaires qui diffèrent.

Au cours de cette étude, réalisée par Laurence Lochouarn-Thirion du laboratoire IRD Zoologie Médicale de l’Institut Pasteur de Dakar, en collaboration avec Didier Fontenille du laboratoire d’entomologie de l’antenne IRD à l’Organisation de coordination pour la lutte contre les endémies en Afrique centrale, 1600 repas saugins d’Anopheles funestus capturés à l’intérieur des habitations ont été analysés.

En moyenne, 85 % d’entre eux avaient été pris sur l’homme, 10 % sur des boeufs, 3,8 % sur des chevaux et 1,3 % sur des moutons. Ces chiffres illustrent les préférences anthropophiles de l’anophèle dans cette partie de l’Afrique. Cependant, à l’est du Sénégal, les anophèles sont apparus plus zoophiles qu’à l’ouest.

Dans la zone souadienne nord, le taux d’anthropophilie s’élève en moyenne à 90,4 %. Il est de 73,5 % en zone souadienne sud et de 82,1 % dans la zone soudano-guinéenne. De surcroît, à l’intérieur même de cette région, les chercheurs ont mis en évidence un taux anormalement bas (32 %) d’anthropophilie pour l’espèce.

Ainsi, notent les auteurs, alors qu’ Anopheles funestus était jusquà présent considéré comme un vecteur essentiellement anthropophile, ces études révèlent des régions où les moustiques seraient zoophiles. « Ceci est surprenant. En effet, le taux élevé de zoophilie ne semble pas s’expliquer par une présence plus dense de bétail ou moindre d’hommes », déclarent les chercheurs qui ont dû envisager des hypothèses pour expliquer des variations du régime alimentaire des anophèles.

Selon eux, ces variations pourraient être liées aux mouvements saisonniers du bétail. Ainsi, en saison des pluies, les bêtes sont mises en pâturage loin des localités. En revanche, en saison chèche, en raison de l’insufissance de nourriture, les animaux sont laissés dans le village à la recherche de fourrage et vivent par conséquent à proximité des habitations. « Cette cohabitation homme-bétail pourrait expliquer qu’Anopheles funestus diversifie l’origine de ses repas ».

Une autre interprétation est avancée par les chercheurs. Ces comportements alimentaires différents d’Anopheles funestus pourraient provenir d’une diversité génétique au sein de l’espèce.

Cette alternative est d’autant plus vraisemblable que des chercheurs de l’IRD avaient déjà découvert qu’il existait 3 populations génétiquement distinctes dans l’espèce Anopheles funestus.

En tout état de cause, les résultats obtenus plaident pour l’heure en faveur de l’existence d’un « complexe d’espèces » chez Anopheles funestus. C’est d’ailleurs le cas pour d’autres espèces du paludisme, comme Anopheles gambiae, où l’on observe un ensemble d’espèces indifférenciables morphologiquement mais génétiquement très différentes.

Pour confirmer cette hypothèse, il apparaît cependant nécessaire aux chercheurs d’élargir l’étude à un plus grand nombre de spécimens d’Anopheles funestus et de réaliser une analyse fine du génome de l’espèce », en particulier à l’aide de nouveaux outils de génétique moléculaire, tels que les marqueurs microsatellites.

Source : Parasitologia, 2000, 41.

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