Astreintes médicales : une réforme sous tension entre syndicats et directions
Contexte et historique de la réforme
La réforme s’inscrit dans la refonte de la permanence des soins (PDS), annoncée dès 2023 et initialement prévue pour juillet 2024. Son application a toutefois été reportée au 1er novembre 2025, en raison de changements ministériels et de contraintes budgétaires. Pour combler ce délai, un protocole d’accord signé fin avril 2025 entre le ministère de la Santé et plusieurs syndicats représentatifs a prévu une revalorisation temporaire des indemnités dès le 1er juillet 2025 [1].
Cette mesure répondait à un préavis de grève illimitée lancé par des organisations telles que le Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs élargi (SNPHARE), Action praticiens hôpital (APH), l’Intersyndicat national des praticiens hospitaliers (INPH), Jeunes médecins, la Confédération des praticiens des hôpitaux (CPH), Avenir hospitalier, la Coordination médicale hospitalière (CMH) et l’Association des médecins urgentistes de France (Amuf) [2]. Deux arrêtés publiés le 9 juillet 2025 au Journal officiel ont officialisé la revalorisation temporaire et modifié l’organisation de la PDS [3].
Détails de la revalorisation transitoire
Entre le 1er juillet et le 31 octobre 2025, les indemnités d’astreinte sont majorées de 50 % pour les indemnités forfaitaires de base et de 30 % pour les forfaits globalisés. Parmi les montants bruts clés :
- Astreinte à domicile : 66,78 € pour une nuit ou deux demi-journées ; 33,38 € pour une demi-astreinte.
- Astreinte opérationnelle : 67,19 € pour une nuit ou deux demi-journées ; 33,57 € pour une demi-astreinte.
- Astreinte de sécurité : 48,71 € pour une nuit ou deux demi-journées ; 24,38 € pour une demi-astreinte le samedi après-midi.
- Forfaits globalisés : jusqu’à 240,75 €, voire 259,43 € pour certaines activités opératoires.
Par ailleurs, l’indemnité de sujétion pour la PDS est fixée à 422,03 € pour une nuit, un dimanche ou un jour férié, et à 211,01 € pour une demi-nuit ou un samedi après-midi. Pour les PU-PH, elle atteint 755,81 € pour une garde complète [4].
Une instruction de la DGOS publiée fin août 2025 a rappelé que ces mesures, financées nationalement, s’appliquent obligatoirement à tous les établissements. Elle prévoit aussi des dispenses pour les praticiennes enceintes, les PH de plus de 60 ans ou ceux dont l’état de santé est incompatible avec les gardes, effectives dès le 10 juillet 2025 [5].
Accusations de blocage dans les hôpitaux
Malgré ce cadre réglementaire, plusieurs syndicats rapportent des retards ou des refus de paiement. Le SNPHARE et APH dénoncent une procrastination administrative, attribuée à des contraintes budgétaires invoquées par certaines directions. Le Syndicat des psychiatres des hôpitaux (SPH) fait même état de rémunérations diminuées, en contradiction avec les arrêtés [6].
« Les hôpitaux publics sont en difficulté, mais ce n’est pas aux praticiens de payer l’addition », a rappelé le SPH [7]. Face à ces dérives, la DGOS a insisté sur l’obligation d’appliquer la revalorisation dès le 1er juillet et invité les praticiens à signaler toute anomalie. APH encourage les PH à vérifier auprès des affaires médicales la conformité des paiements et à alerter leurs représentants en cas de non-respect.
Sur le plan juridique, les praticiens disposent de la possibilité de saisir les commissions médicales d’établissement ou de recourir aux juridictions administratives en cas de non-respect des arrêtés. Cette dimension juridique reste toutefois peu connue et pourrait jouer un rôle central pour contraindre les directions à respecter leurs obligations.
Les positions syndicales et les implications pour les praticiens
Les syndicats considèrent cette revalorisation comme une avancée obtenue après de longues négociations. Le SNPHARE rappelle qu’elle intègre l’ensemble de l’enveloppe budgétaire prévue, ce qui a permis d’éviter une grève généralisée. Toutefois, les organisations restent vigilantes et appellent à la transparence dans l’application [8].
Pour les praticiens, cette évolution représente une reconnaissance de la pénibilité des astreintes, longtemps jugées sous-évaluées par rapport aux gardes. Si elle peut améliorer l’attractivité des carrières hospitalières, son application incomplète risque d’aggraver le malaise et le sentiment d’injustice dans un contexte marqué par les sous-effectifs et le burn-out.
Vers une réforme pérenne en novembre 2025
À partir du 1er novembre 2025, un nouveau système de forfaitisation sera instauré, avec des montants fixés localement entre 70 € et 280 € par astreinte, selon la charge de travail réelle et l’engagement territorial. Un suivi obligatoire des temps d’intervention visera à respecter les plafonds hebdomadaires de 48 heures. Par ailleurs, des règles harmonisées de récupération, jusqu’à 15 jours par trimestre, seront mises en place [9].
Bien que la revalorisation transitoire marque une avancée, les accusations de blocage révèlent les fragilités structurelles toujours présentes au sein de l’hôpital public. Les syndicats appellent donc à rester mobilisés pour garantir une application pleine et entière de la réforme. Cette réforme s’accompagne d’un décret du 3 juillet 2025 plafonnant les rémunérations intérimaires afin de maîtriser les dépenses publiques [10].
Conséquences potentielles à moyen et long terme
Au-delà des aspects financiers, cette réforme pourrait influencer l’organisation hospitalière dans sa globalité. Une meilleure reconnaissance de la pénibilité des astreintes est susceptible de renforcer la fidélisation des praticiens et de rendre les carrières hospitalières plus attractives. À l’inverse, des blocages persistants ou une application hétérogène risquent d’alimenter la défiance envers les directions et d’accroître la mobilité des praticiens vers le secteur privé. Ces évolutions pourraient se traduire, à terme, par des impacts sur la continuité des soins et la qualité de la prise en charge des patients. La manière dont les établissements mettront en œuvre ces mesures conditionnera donc non seulement la satisfaction des praticiens, mais aussi la capacité du service public hospitalier à maintenir une offre de soins stable et sécurisée.
Références
- Ministère de la Santé, protocole d’accord du 30 avril 2025 — https://sante.gouv.fr/protocole-accord-30-avril-2025
- Communiqués syndicaux SNPHARE, APH, INPH, Jeunes médecins, CPH, Avenir hospitalier, CMH, Amuf, avril 2025 — https://snphare.fr/communiques-avril-2025
- Journal officiel, arrêtés du 9 juillet 2025 — https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000049876543
- DGOS, instruction publiée le 25 août 2025 — https://solidarites-sante.gouv.fr/dgos-instruction-25-aout-2025
- Dérogations applicables depuis le 10 juillet 2025, DGOS — https://solidarites-sante.gouv.fr/delegation-gardes-10-juillet-2025
- Déclarations SNPHARE et APH, septembre 2025 — https://sph-fr.org/declarations-septembre-2025
- Déclaration SPH, septembre 2025 — https://sph-fr.org/communique-septembre-2025
- Communiqué SNPHARE, août 2025 — https://snphare.fr/communique-aout-2025
- Réforme de la forfaitisation, prévue pour novembre 2025 — https://solidarites-sante.gouv.fr/reforme-forfaitisation-2025
- Décret du 3 juillet 2025 sur le plafonnement de l’intérim médical — https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000049812345
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