Listéria : découverte d'un nouveau mécanisme de régulation

L'Unité des Interactions Bactéries-Cellules de l'Institut Pasteur, dirigée par Pascale Cossart, en collaboration avec l'Institut de Biologie Physico-Chimique, vient de décrypter un mécanisme moléculaire qui explique comment Listeria monocytogenes, la bactérie responsable de la listériose, met en route son processus infectieux chez l'hôte : tout est question de température. Le mécanisme découvert, publié dans Cell, pourrait être un outil intéressant dans de nombreux domaines de recherche, et pour l'industrie.

Listeria monocytogenes est une bactérie responsable d'une infection d'origine alimentaire sévère, la listériose, qui survient principalement dans les pays industrialisés. L'infection implique chez Listeria monocytogenes l'activation de gènes lui permettant d'engager le processus infectieux, puis de survivre et de se multiplier dans l'organisme. Ces gènes de virulence sont exprimés de façon maximale à 37°C, température de l'hôte humain, alors qu'ils sont quasiment inactifs à des températures plus basses : cette bactérie, comme d'autres, s'est donc adaptée pour mettre en route son processus infectieux uniquement quand elle rencontre un organisme à la "bonne" température.

Le mécanisme thermodépendant à l'origine de ce phénomène vient d'être découvert par les chercheurs de l'Institut Pasteur, qui ont aussi démontré qu'il était transposable à d'autres bactéries. Il pourrait être un outil utile au contrôle de la production des protéines.

Rappellons que les protéines sont fabriquées à partir d'"ARN messagers" ( ARNm) qui dirigent vers la machinerie de synthèse protéique de la cellule, les messages codés par les gènes. En bref, un gène (un fragment d'ADN qui code pour une protéine) est d'abord transcrit en ARNm; l'ARNm est ensuite traduit en protéine.

On savait que l'activation des gènes de virulence chez Listeria monocytogenes était contrôlée par une protéine, le PrfA. Les chercheurs ont démontré qu'à 20-30°C, l'ARNm de ce gène est produit, mais équipé d'une structure qui empêche sa traduction en protéine. Avec l'augmentation de la température, cette structure nommée "thermosenseur" se déstabilise, et à 37°C, l'ARNm retrouve une configuration normale qui permet la production de la protéine (et donc l'activation des gènes de virulence).

Le plus intéressant en terme d'applications est que les chercheurs de l'Institut Pasteur ont montré qu'ils pouvaient transposer ce système à d'autres bactéries qui en sont dépourvues. L'expérience a été réalisée chez Escherichia coli : la production d'une protéine a pu être contrôlée par la température en équipant le gène correspondant de la partie codante du thermosenseur (d'où production d'un ARNm thermodépendant).

Il devient donc théoriquement possible de contrôler la production de protéines en fonction de la température chez la bactérie. Cela permettrait par exemple de provoquer la synthèse d'une protéine spécifique à un moment précis au cours d'une expérience, ce qui intéresse la recherche académique. Certaines bactéries sont de plus utilisées comme "usines" à protéines (enzymes, protéines d'intérêt médical, etc.) dans différents domaines industriels, et le thermosenseur peut faciliter une production rapide et contrôlée dans le temps.

Ce travail est un nouvel exemple de la puissance des régulations par l'ARN.

Source :

- "An RNA Thermosensor Controls Expression of Virulence Genes in Listeria Monocytogenes" : Cell, 6 septembre 2002. Jörgen Johansson(1), Pierre Mandin(1), Adriana Renzoni(1), Claude Chiaruttini(2), Mathias Springer(2), Pascale Cossart(1)

1. Unité des Interactions Bactéries-Cellules, Institut Pasteur, Paris

2. Institut de Biologie Physico-Chimique, Paris

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