Affaire Lévothyrox, un pharmacologue dézingue la nouvelle formule

Affaire Lévothyrox, un pharmacologue dézingue la nouvelle formule Dans une interview donnée au site lesjours.fr le Dr Pierre-Alain VITTE met en doute la stabilité de la nouvelle formule du Lévothyrox, ce qui expliquerait la plupart des effets secondaires dont se plaignent de nombreux patients. Pour étayer son propos, il dénonce le choix de l'acide citrique comme excipient et met en avant des méthodes de fabrication trop complexes pour un principe actif particulièrement fragile. Il pointe également du doigt dans une synthèse écrite qui sera produite devant les tribunaux les multiples biais dont souffre l'étude de bioéquivalence qui a permis la mise sur le marché de la nouvelle formule.

Ancien salarié de Merck, Pierre-Alain VITTE est pharmacologue et docteur ès sciences pharmaceutiques. Se disant motivé par le «manque d'empathie du corps médical » face à la détresse des patients ainsi que la faiblesse du raisonnement scientifique de certains endocrinologues qui s'épanchent dans les médias en faisant la promotion de théories simplistes comme l'effet nocébo, il a décidé de dénoncer médiatiquement et devant la justice ce qu'il qualifie d'«aberration pharmacologique ». Si le 12 mai dernier sur France 2 il témoignait de façon anonyme, c'est à visage découvert qu'il enfonce le clou au cours d'une interview accordée au site lesjours.fr.

Lévothyrox nouvelle formule, une «aberration pharmacologique »

Consultant indépendant en pharmacocinétique industrielle, le Dr Pierre-Alain VITTE a analysé la littérature scientifique disponible sur les formules à base de lévothyroxine ainsi que les documents officiels constituant le dossier d'autorisation de mise sur le marché du Lévothyrox NF.

Pour l'expert, il en ressort d'une part que le choix de l'acide citrique comme excipient est difficilement justifiable pour 2 raisons :

- L'acidité est un facteur défavorable à conservation de la lévothyroxine selon une étude publiée en 1976 [1] alors qu'au contraire un milieu basique contribue à sa stabilité.

Ce qui était confirmé en 2003 par Himanshu Patel qui précisait même que l’acide citrique est le pire des excipients. [2]. Le Dr VITTE indique que parmi toutes les spécialités à base de lévothyroxine, seul le Lévothyrox NF contient un agent acidifiant.

- L'acidification d'un sel sodique est un non-sens pharmacologique

Il explique que lors de la préparation des comprimés NF, la lévothyroxine sous forme de sel sodique est mélangée avec l'acide citrique dans un rapport qui varie de 53 à 423 en faveur de l'acide. Pour lui, il est probable que dans ces conditions de mélange, la lévothyroxine se retrouve sous sa forme acide, qui ainsi n'est plus soluble dans l'eau et n'est donc plus absorbable par l'organisme.

Au delà du choix de l'excipient, la grande sensibilité de la lévothyroxine à de multiples facteurs environnementaux (oxygène, lumière, température,acier, plastique [3]) et l'extrême technicité des méthodes employées pour la fabrication du Lévothyrox NF rendent très variable la proportion entre la forme sodique et la forme acide de la lévothyroxine selon les lots.

C'est presque dépité que le Dr VITTE constate dans son rapport que la concentration de la forme sodique du principe actif n'a pas été spécifiquement dosée ni par Merck, ni par l'ANSM.

Il en déduit : «Pour expliquer les effets indésirables ressentis par les patients avec la nouvelle formule, l’hypothèse la plus probable est une variabilité de dosage du principe actif entre les comprimés, entre les boîtes ou entre les lots de comprimés».

Pour lui dans ces conditions l'objectif d'amélioration de la stabilité ne peut avoir été atteint.

Une étude de bioéquivalence biaisée

Le Dr Vitte dénonce par ailleurs la qualité de l'étude de bioéquivalence qui serait entachée d'une dizaine de biais :
- L'étude n'a pas été menée en double aveugle conformément aux recommandations de la FDA, ce qui implique des biais dans l'évaluation des effets secondaires
- La proportion d'hommes et de femme choisis pour l'étude ( 50 / 50 ) n'est pas la même que celle des patients ( 80 à 90 % de femmes)
- Le nombre de volontaires qui ont été intégrés dans l'étude (204) est bien plus important que le minimum requis par l'EMA (16) et la FDA (24). Ce qui pourrait indiquer les résultats escomptés n'ont pas été atteints avec les premiers "lots" de volontaires.
- Non-respect du dosage en fonction du poids
- Grande dispersion du poids des volontaires (49->95kg)
- Trop grande variabilité des courbes de pharmacocinétique
- ...

"Un doute sérieux s’installe quant à la qualité scientifique et la recevabilité réglementaire de l'étude de bioéquivalence. Tout semble avoir été conçu pour maximiser la variabilité expérimentale. Cette étude ne permet en aucun cas de conclure en la bioéquivalence des deux formulations de Lévothyrox".

[1] Post, Alex & J. Warren, Richard. (1976). Sodium Levothyroxine. Analytical Profiles of Drug Substances. 5. 225-281. 10.1016/S0099-5428(08)60320-2.
[2] Patel, Himanshu & Stalcup, Apryll & Dansereau, Richard & Sakr, Adel. (2003). The effect of excipients on the stability of levothyroxine sodium pentahydrate tablets. International journal of pharmaceutics. 264. 35-43. 10.1016/S0378-5173(03)00387-9.

[3] https://www.apotheke-adhoc.de/

 

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