Hôpital psychiatrique du Rouvray : une victoire historique des grévistes

Hôpital psychiatrique du Rouvray : une victoire historique des grévistes Vendredi 8 juin marque la fin d'un conflit social pour le moins extraordinaire sinon historique pendant lequel les soignants ont dû user de méthodes qui vont à l'encontre de leur éthique professionnelle pour pouvoir obtenir la création de 30 emplois et 2 unités de soins, ce qui n'était pas arrivé depuis des années dans le secteur de la psychiatrie.

C'est une victoire éprouvante que goûte le personnel de l'hôpital psychiatrique du Rouvray. Il leur aura fallu pas moins de 2 mois de mobilisations tous azimuts, 19 jours de grèves de la faim et 4 hospitalisations, pour attirer l'attention des autorités tutélaires et signer un protocole de sortie de crise.

À l'instar de nombreux conflits sociaux dans la fonction publique hospitalière, les revendications du personnel consistaient à obtenir les moyens humains suffisants pour faire leur travail avec un minimum de dignité et sans maltraiter leurs patients. Pour faire face à la forte hausse du nombre d'hospitalisations ( 8.4 % entre 2014 et 2016), ils réclamaient ainsi la création de 52 postes. Si les revendications peuvent paraître hélas aujourd'hui banales, ce conflit social pourrait bien marquer un tournant historique dans le secteur de la santé .

Un conflit social historique dans la fonction hospitalière

D'abord par son mode d'action : la grève de la faim est d'une grande rareté pour des professionnels de santé. Si en 2017 au CHU de Limoges, 4 agents avaient fait 3 jours de grève de la faim pour obtenir gain de cause, ils étaient pas moins de 8 personnes à avoir cessé de s'alimenter normalement pendant 19 jours pour espérer renouer un dialogue social au point mort. Après 4 hospitalisations et 1100 personnes dans les rues de Rouen, la pression était trop forte pour l'ARS qui une fois n'est pas coutume a cédé sur les emplois.

Et c'est bien là le second marqueur extraordinaire pour ce conflit qui se solde par une création d'emploi nette dans le secteur de la psychiatrie après 10 ans de réduction d'effectif.

Un dialogue social exécrable

Pourtant cette victoire laisse un goût amer dans la bouche des grévistes. Il aura fallu que des hommes et des femmes qui dédient leur vie à soigner les autres soient contraints de se mettre en danger pour pouvoir renouer le dialogue avec des autorités sourdes sinon méprisantes.

«Nous dénonçons l’attitude intolérable de l’ARS locale qui a refusé jusque dans les derniers jours de s’asseoir à la table des négociations. Elle déclara que les 52 postes réclamés par les grévistes ne faisaient que correspondre à l’absentéisme du personnel du Rouvray : elle en déduisait qu’il fallait remettre les malades au travail, non pas que les conditions de travail étaient excessivement délétères. Là-bas comme partout, les salariés en lutte se heurtent au silence méprisant, aux éléments de langage mécaniquement répétés de hiérarchies stupides.» Pascal Boissel, président de l'Union Syndicale de la Psychiatrie.

Pourtant une fois de plus les revendications étaient non seulement légitimes, mais justifiées par une mission d’audit effectuée en décembre 2016 qui concluait :
- à l'existence d’« un terreau favorable à l’émergence de risques psychosociaux et à l’émergence de souffrance au travail, de décompensation, de burn-out ou d’altération de la santé des personnels ».
- au besoin de création de 56 postes

La défense de la Santé en tant que droit fondamental est en jeu

La France est signataire de la constitution de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) qui consacre la Santé comme l'un des droits fondamentaux de tout être humain. Cela signifie que chacun devrait avoir accès aux soins dont il a besoin, au moment où il en a besoin et là où il en a besoin, sans être confronté à des difficultés financières. Or les politiques publiques menées en France depuis des années, au prétexte d'une logique comptable imbécile, ne cessent de dégrader les conditions de travail des soignants et contribuent à institutionnaliser une certaine forme de maltraitance qui au final prive les patients de leur droit fondamental à la Santé.

Il faudra probablement d'autres grèves de la faim et une solidarité sans faille du corps médical avec les soignants pour préserver ce droit en France.


«La possession du meilleur état de santé qu’il est capable d’atteindre constitue l’un des droits fondamentaux de tout être humain, quelles que soient sa race, sa religion, ses opinions politiques, sa condition économique ou sociale». OMS

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