Mémoire : l’organisation fonctionnelle de l’hippocampe dévoilée

Des chercheurs américains rapportent dans la revue Nature des données permettant pour la première fois de comprendre comment la disposition anatomique des neurones de l’hippocampe permet de rendre compte du fonctionnement de cette région du cerveau impliquée dans la mémoire à court terme.

Robert Hampson et ses collaborateurs de la Faculté de médecine de l’Université Wake Forest à Winston-Salem (Caroline du Nord) montrent que la répartition anatomo-fonctionnelle des neurones de l’hippocampe dorsal du rat est organisée de telle façon qu’elle permet de coder de manière cohérente à la fois l’information spatiale (lieu) et non-spatiale (événement).

Les chercheurs américains ont enregistré l’activité des neurones hippocampiques de 23 rats au cours d’une épreuve de reconnaissance. Ces rongeurs devaient d’abord exercer une pression sur un levier présenté soit à droite, soit à gauche (acquisition). Après un délai pouvant varier de 1 à 40 secondes, l’animal devait ensuite actionner un levier situé dans la position opposée à celle du premier levier (test).

Les rats ont joué à ce jeu 100 à 150 fois par jour et des microélectrodes permettaient sur chacun d’eux d’enregistrer l’activité de 10 à 16 neurones.

Huit paires de microélectrodes ont été placées tous les 200 microns le long de l’axe antéro-postérieur (septotemporal) de l’hippocampe dorsal sur une distance d’à peine 1,6 mm. Au total, 243 cellules nerveuses ont été enregistrées en continu pendant au moins 5 séances chez des rats bien entraînés.

Des groupes de neurones hiérarchisés et entremêlés

Les enregistrements révèlent que les neurones du rat se répartissent en segments distincts le long de l’hippocampe. Chacune de ces bandes longitudinales renferme un groupe de neurones qui deviennent actifs lorsque l’animal se trouve dans une position spatiale donnée, droite ou gauche. Au sein de ces segments, existent par ailleurs des neurones bien ordonnés qui interviennent, eux, dans le codage d’informations non spatiales de l’épreuve mnésique à effectuer.

Plus précisément, les chercheurs montrent l’existence de neurones (‘cellules de position’) dont l’activité est uniquement associée à la position du levier sur lequel le rat appuie, et ce qu’il s’agisse de la phase d’acquisition ou du test.

Il existe par ailleurs des neurones (‘cellules de phase’) qui ne s’activent que pendant la phase d’acquisition, ou au contraire uniquement lors du test, et ce quelque soit la position du levier actionné par le rat.

L’activité d’autres cellules, appelés ‘neurones de conjonction’, est associée à la mise en relation des deux événements précédents : position du levier à un moment donné (phase d’acquisition ou test). Elles déchargent par exemple lorsque le rat bouge le levier à droite lors de la phase d’acquisition.

Enfin, d’autres neurones (‘cellules type d’essai’) se déclenchent spécifiquement en réponse à l’une ou l’autre des bonnes réponses possibles, en cas par exemple de déplacement du levier droit à l’acquisition puis de celui de gauche lors du test.

Au total, les différentes catégories fonctionnelles de neurones hippocampiques s’organise donc en un réseau anatomique qui code deux types d’informations : spatiale et non spatiale. Une conclusion qui confirme celle obtenue en février dernier par l’équipe d’Howard Eichenbaum (Université de Boston) qui utilisait un test de reconnaissance d’odeurs reposant sur une méthodologie semblable.

" L’organisation anatomo-fonctionnelle des cellules de l’hippocampe démontrée dans cette étude correspond bien à celle qui permettrait de sous-tendre la mémoire déclarative humaine, celle qui regroupe la mémoire des faits et des événements personnels. Cette mémoire suppose en effet la mise en relation d’informations de nature différente (un visage, une odeur) et en particulier leur association à un lieu lorsqu’il s’agit de former le souvenir d’un événement personnel ", commente le Pr Robert Jaffard, spécialiste de la biologie des processus mnésiques à l’Université Bordeaux-1 (CNRS).

Au vu de la répartition anatomique des différents types de neurones hippocampiques (position, phase, conjonction, type d’essai), il est fort probable que les neurones de conjonction associent, via des modifications synaptiques, les informations élémentaires codées par les neurones de position et de phase. Quant aux neurones type d’essai, ils combinent les informations des neurones précédents en codant toutes les informations caractéristiques de l’essai (acquisition et test).

" L’ensemble de ces données montrent que l’hippocampe traite donc toutes les informations correspondant à un événement de façon hiérarchisée, du simple au complexe ", résume le Pr Robert Jaffard (Bordeaux).

Source : Nature, 9 décembre 1999, vol. 462, 610-4, 599-600.

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