La mammectomie préventive ne doit pas être la solution miracle pour le traitement des cancers du sein héréditaires

Des experts européens et américains se sont réunis à l'Institut Curie le 12 février sur l'initiative de l'European Society of Mastology. Le sujet de cette rencontre était la place de la mammectomie prophylactique bilatérale dans la prise en charge des cancers du sein héréditaires. Contrairement à certains chirurgiens américains, les spécialistes européens n'envisagent pas un recours systématique à cette ablation chirurgicale pour le traitement préventif des femmes porteuses d'une prédisposition génétique. Selon eux, une surveillance étroite et un soutien psychologique constituent des solutions de choix pour la prise en charge de ces patientes.

Les résultats de cette rencontre sont détaillés dans un communiqué de presse de l'Institut Curie.

Les cancers du sein héréditaires sont dus à des mutations des gènes BRCA1 et BRCA2. Ces mutations, qui touchent au moins 5 % des femmes, ne conduisent pas irrémédiablement à un cancer mammaire. Le risque serait de 50 % à 50 ans et de 85 % à 75 ans. A ce jour, 3 solutions sont envisageables pour la prise en charge de ces patientes : une surveillance régulière assurant un dépistage précoce, une chimio-prévention par hormonothérapie en essai aux USA et une mammectomie bilatérale prophylactique (ablation préventive des glandes mammaires).

L'ablation des glandes mammaires pourrait être la solution idéale puisqu'elle empêche théoriquement le développement de tumeurs mammaires par la suite. Selon ce communiqué de presse, une étude américaine a démontré que la mammectomie prophylactique entraîne une réduction de 90 % du risque cancer et une diminution de la mortalité de 81 à 94 % (NEJM ; 1999 ; Vol.340, 77-84).

Les experts réunis à l'Institut Curie soulignent les limites de cette étude en indiquant que l'ablation ne réduit pas le risque à néant. De plus, ils soulignent que certaines femmes qui ont été opérées n'auraient peut-être jamais développé de cancer. Enfin, les conséquences psychologiques d'une telle ablation n'ont pas été prises en compte dans ces travaux.

Selon le Pr Jean-Yves Petit (directeur du département de chirurgie reconstructrice de l'Institut Européen d'Oncologie à Milan) "il faut avant tout éviter que cette mutilation passe pour une solution miracle". Le Dr Krishna Clough (Insitut Curie) indique que cette pratique est peu répandue en Europe (200 mammectomies préventives) et qu'aucune n'a été réalisée à l'Institut Curie.

Les experts mettent l'accent sur les conséquences traumatisantes de cette ablation (perte d'identité et de féminité pour la patiente et troubles psychologiques pour son entourage). Les femmes qui présentent une prédisposition génétique se trouvent dans une situation paradoxale. Elles doivent décider d'une opération préventive alors qu'elles sont en pleine santé.

Les médecins indiquent également que 80 % des cancers du sein peuvent être traités par des techniques conservatrices. Le recours à la mammectomie bilatérale prophylactique conduit à une situation contradictoire où les chirurgiens doivent préserver la poitrine des malades atteintes d'un cancer et mutiler des patientes en bonne santé.

Le Pr Jean-Yves Petit insiste sur le fait que la mammectomie préventive doit rester une exception. Le choix de cette ablation doit être fait par la patiente elle-même. Pour ce faire, elle doit être parfaitement informée.

Les experts préconisent la mise en place de structures ultra-spécialisées dans lesquelles la patiente pourra trouver conseil. Ces structures doivent regrouper les différents acteurs du problème que sont les généticiens, les chirurgiens, les médecins mais aussi les malades.

Les spécialistes sont favorables à une surveillance régulière des patientes issues de familles à risque. A partir de 30 ans les patientes devraient effectuer une mammographie par an. Cependant, du fait de la nocivité des rayonnements, les experts préconisent le recours à l'échographie avant 30 ans. D'autres évolutions dans le traitement de ces patientes pourraient venir de la chimiothérapie préventive, testée actuellement aux USA, et des progrès de l'imagerie médicale.

Source : Communiqué de presse de l'Institut Curie, 16/02/2000

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