Astreintes hospitalières : la réforme menace le prélèvement et la greffe d’organes
Où en est la réforme des astreintes hospitalières ?
Entrée en vigueur en deux temps en 2025, la refonte des astreintes prévoit une revalorisation transitoire du 1er juillet au 31 octobre, puis la généralisation d’une indemnisation forfaitaire à compter du 1er novembre[4][5]. L’arrêté du 8 juillet 2025 fixe notamment que « les astreintes donnent lieu à une indemnité forfaitaire, quel que soit le nombre de déplacements réalisés » ; la base transitoire a été portée à 66,78 € pour une nuit entière[3]. Selon la DGOS (Direction Générale de l’Offre de Soins), le déplacement est désormais rémunéré par une indemnité de sujétion de garde ou, au-delà des obligations de service, par une indemnité de temps de travail additionnel[4].
Des effets hétérogènes dans les CHU
Sur le terrain, l’étude de la SFT met en évidence de fortes disparités d’organisation et de reconnaissance financière, notamment en néphrologie, avec des gardes souvent assurées en astreinte et de rares indemnités dédiées[2]. Le communiqué des sociétés savantes décrit « une diminution majeure, immédiate et inédite de la rémunération du prélèvement et de la transplantation » dans un nombre significatif de CHU[1]. La FHF (Fédération Hospitalière de France) rappelle de son côté le calendrier et la logique de simplification budgétaire, mais les retours des équipes de greffe signalent une perte d’attractivité pour des missions 24/7 à haute technicité[5].
Positions exprimées à Grenoble
« Les professionnels engagés dans ces missions ont toujours placé la vie des patients et l’intérêt collectif au cœur de leur action. Mais ils ne peuvent accepter plus longtemps une dévalorisation aussi marquée d’une activité qui relève explicitement de l’intérêt général » indiquent les sociétés savantes. [1]
« Cette situation serait d’autant plus incompréhensible que la transplantation constitue une activité à très forte valeur médicale, humaine et économique. À titre d’exemple : chaque greffe rénale génère une économie de 190 000 € sur cinq ans par rapport à la dialyse, tout en offrant une qualité de vie incomparable aux patients » rappellent les associations de patients. [1]
Les signataires réclament : (1) la révision des dispositions relatives aux astreintes « conformément aux options discutées lors de la réunion du 3 novembre », (2) la mise en œuvre opérationnelle des mesures avec l’ABM (Agence de la biomédecine), et (3) une reconnaissance à la hauteur de l’engagement des professionnels[1]. En filigrane, plusieurs leviers sont cités par la SFT : meilleure rémunération des prélèvements, mécanisme d’intéressement lié à l’activité, et respect des objectifs du Plan greffe 2022-2026[2].
Les enjeux patients : une équation humaine et économique
En 2024, la France a dépassé à nouveau le seuil des 6 000 greffes (6 034, 7,1 % vs 2023). Au 1er janvier 2025, 22 585 personnes étaient inscrites sur la liste nationale d’attente ; 852 patients sont décédés en 2024 faute de greffe[6][7]. Les associations rappellent que « chaque greffe rénale génère une économie de 190 000 € sur cinq ans par rapport à la dialyse » tout en améliorant la qualité de vie[1]. Ce montant relève d’une affirmation associative ; il s’inscrit dans une littérature médico-économique qui montre, de longue date, l’avantage coût-efficacité de la greffe rénale par rapport à la dialyse.
Ne pas casser la chaîne don-prélèvement-greffe
Une suspension même temporaire fragiliserait le maillon des prélèvements multi-organes (PMO) et rallongerait les délais d’accès, avec un risque de décès supplémentaires[1]. Pour autant, les équipes demandent de ne pas « jeter le bébé avec l’eau du bain » : l’objectif affiché est de sécuriser l’organisation et l’attractivité des astreintes, non de freiner l’élan observé en 2024.
Scénarios de sortie de crise à court terme
À lire aussi sur Caducee.net : Astreintes médicales : une réforme sous tension (11/09/2025) ; Xénotransplantation : un greffon porcin fonctionne dix jours chez l’humain (28/03/2025).
Option 1 — Ajuster les barèmes au périmètre des greffes. Prendre en compte la pénibilité spécifique (déplacements nocturnes inter-établissements, coordination PMO, interventions non programmées) via des montants ou majorations dédiés, sans renoncer au cadre forfaitaire national[3][4].
Option 2 — Mettre en place un intéressement adossé à l’activité. Flécher une part de recettes (GHS/GHT) ou des crédits ciblés vers les équipes en fonction des prélèvements et greffes réalisés, comme proposé par les sociétés savantes[2].
Option 3 — Pilotage national renforcé et suivi trimestriel. Mandater l’ABM pour un suivi fin des effets de la réforme dans les centres de greffe (délais, annulations, attractivité des gardes) et publier des indicateurs en regard des objectifs du Plan greffe 2022-2026[6].
Option 4 — Clause de sauvegarde. Prévoir, par voie d’instruction, une clause transitoire permettant aux CHU de préserver des niveaux d’indemnisation antérieurs lorsqu’une baisse documentée menace la continuité des activités critiques (prélèvements de nuit, greffes urgentes)[4].
Repères chronologiques
- 4 décembre 2025 : appel solennel lancé à Grenoble ; menace de suspension « dans les tous prochains jours »[1].
- 3 novembre 2025 : réunion DGOS avec sociétés savantes, ABM et associations ; pistes discutées mais non actées au 4 décembre[1].
- 1er novembre 2025 : entrée en vigueur de la forfaitisation généralisée des astreintes[4][5].
- 1er juillet–31 octobre 2025 : revalorisation transitoire des indemnités d’astreinte[3][5].
Pour aller plus loin :
- L’enquête SFT sur le financement des équipes de greffe et de PMO (état des lieux et disparités)[2].
- Le bilan 2024 des greffes en France publié par l’ABM[6].
- Décryptage de la réforme des astreintes par la FHF et textes officiels[3][4][5].
Références
[1] Communiqué des sociétés savantes et associations — Grenoble, 4 décembre 2025 (« suspension des activités », citations, 190 000 € sur 5 ans). [PDF interne]
[2] Société Francophone de Transplantation. « Financement des équipes de greffe et de PMO en France ». Lien (consulté le 9 décembre 2025).
[3] Légifrance. Arrêté du 8 juillet 2025 portant revalorisation à titre temporaire des indemnités forfaitaires d’astreinte. Lien (publié le 8 juillet 2025).
[4] DGOS. Instruction n° DGOS/RH5/2025/92 relative à la refonte du régime d’indemnisation des astreintes à domicile. Lien (27 août 2025).
[5] Fédération Hospitalière de France. « La réforme des astreintes médicales ». Lien (30 juillet 2025).
[6] Agence de la biomédecine. « Bilan d’activité 2024 et baromètre d’opinion 2025 ». Lien (13 février 2025).
[7] Le Monde. « Les greffes d’organes ont progressé de plus de 7 % en France en 2024 ». Lien (13 février 2025).
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