Lutte contre la tuberculose : l'émergence de souches multirésistantes nécessite une adaptation du traitement

Le traitement contre la tuberculose recommandé par l'OMS et adopté dans 119 pays ne permet pas de guérir certains patients infectés par des souches multirésistantes. Bien que ce traitement assure un contrôle efficace de la maladie, ce protocole devrait être réévalué afin d'identifier et traiter rapidement les cas de pharmacorésistance.

Le traitement contre Mycobacterium tuberculosis définie par l'OMS est un traitement de brève durée sous surveillance directe (DOTS pour Directly Observed Treatment Short Course).

Les nouveaux cas de tuberculose sont traités par 4 antibiotiques (isoniazide, rifampicine, pyrazinamide, et soit l'éthambutol soit la streptomycine) pendant 2 mois. La rifampicine et l'isoniazide sont prescris pour les 4 mois suivants. Les patients qui ont déjà été infectés mais qui recommencent un nouveau traitement reçoivent 5 antibiotiques (isoniazide, rifampicine, streptomycine, éthambutol et pyrazinamide; streptomycine durant les 2 premiers mois seulement). L'association rifampicine, isoniazide et éthambutol est poursuivie pendant les 5 mois suivants.

Le Dr Espinal de l'OMS et plusieurs autres médecins ont évalué l'efficacité de ces traitements chez 6.402 patients répartis dans 6 pays appliquant ce programme de lutte contre la tuberculose. Les résultats publiés dans le Journal of American Medicine Association indiquent que cette stratégie permet de lutter efficacement contre les souches sensibles mais elle semble inadéquate dans les cas de résistances et multirésistances.

Parmi les nouveaux cas dépistés, 20,8 % concernaient des souches résistantes dont 3,3 % des souches multirésistantes. Ces pourcentages s'élevaient à 44,5 % et 19,3 % (multirésistance) chez les patients qui entamaient une nouvelle thérapie.

Ce traitement a permis la guérison de 83 % des patients nouvellement infectés (2% de décès). Les risques d'échec thérapeutique et de décès étaient respectivement 15,4 et 3,7 fois plus élevés parmi les cas de multirésistance.

Le taux de guérison était de 57 % chez les sujets qui bénéficiaient de leur deuxième antibiothérapie DOTS (6 % de décès). Le risque d'échec thérapeutique était 5 fois plus élevé en cas de multirésistance.

Un résultat essentiel provient de la comparaison du pourcentage de décès parmi les nouveaux cas infectés par des souches sensibles ou multirésistantes : 9 % de décès chez les nouveaux cas "souche multirésistante" contre seulement 2 % chez les nouveaux cas "souche sensible". Le pourcentage d'échecs thérapeutiques est également plus élevé parmi les nouveaux cas infectés par des souches multirésistantes : 21 % d'échec contre 2 % d'échec chez les nouveaux cas "souche sensible".

Le Dr Espinal souligne que ce travail ne remet pas en cause la stratégie globale de lutte contre la tuberculose définie par l'OMS qui reste le meilleur moyen de lutter contre la maladie à l'échelle mondiale.

Selon l'équipe du Dr Espinal, ces résultats montrent que le traitement DOTS devrait être révisé si l'on considère la prévalence élevée de souches de Mycobacterium tuberculosis multirésistantes. Une stratégie efficace de détection précoce de ces cas doit être développée et soutenue par l'emploi d'antibiotiques de seconde intention. Ces mesures ne sauraient s'appliquer, selon les auteurs, sans l'assurance d'un respect rigoureux du traitement afin de prévenir l'émergence d'autres résistances.

Dans un éditorial qui accompagne la publication de l'équipe du Dr Espinal, le Dr C. Horsburgh rappelle que la lutte contre ces souches multirésistantes est prioritaire. Cette lutte devrait s'organiser autour de trois points : la généralisation du programme DOTS dans tous les pays touchés par la tuberculose, un programme de dépistage et de traitement adéquat en cas d'infections par des souches multirésistantes, et enfin une intensification des efforts pour le développement de nouveaux traitements. "Aucune molécule susceptible d'être efficace contre les souches multirésistantes n'est actuellement évaluée par des essais cliniques". "De plus un récent rapport indiquait qu'aucune molécule efficace ne serait disponible au moins avant 10 ans".

Source : JAMA 2000;283:2537-2545, 2575-2576

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