Aliments ultra-transformés : « une menace pour la santé publique », alerte du Lancet

Aliments ultra-transformés : « une menace pour la santé publique », alerte du Lancet Alors que leur part ne cesse d’augmenter dans les régimes occidentaux comme dans les pays émergents, les aliments ultra-transformés (AUT) sont pointés par 43 experts internationaux réunis par The Lancet comme « une menace pour la santé publique à l’échelle mondiale ». Cette série de trois articles, publiée le 18 novembre 2025, agrège 104 études de cohorte dont 92 montrent une association entre une forte consommation d’AUT et au moins un risque de maladie chronique[1].

Une revue systématique antérieure dans le BMJ recensait 32 issues de santé défavorables associées à l’exposition aux AUT, avec des ordres de grandeur notables : ≈ 50 % de risque de mortalité cardio-vasculaire liée, 48–53 % de risque d’anxiété/troubles mentaux courants, 12 % de diabète de type 2[2].

Une série qui structure le débat et appelle des politiques publiques

La Série Ultra-Processed Foods and Human Health synthétise les données observationnelles et propose un cadre d’action. Les auteurs décrivent des effets délétères « dans chaque grand système d’organe », allant des pathologies cardio-métaboliques aux troubles de santé mentale et à la mortalité, et plaident pour l’intégration des AUT dans les politiques nutritionnelles, du marketing à l’approvisionnement public[1],[3],[4]. « Ce que nous savons à ce stade justifie une action publique mondiale », a déclaré le Pr Carlos Monteiro (Université de São Paulo) lors d’un point presse[1]. Dans The Guardian, il précise : « Ultra-processed foods harm every major organ system » et « humans are not biologically adapted to consume them »[4].

Si plusieurs pays ont engagé des mesures de reformulation ou d’encadrement, « la réponse de santé publique reste encore naissante, à l’image du tabac il y a des décennies »[5]. L’Alliance internationale des industries de l’alimentation et des boissons (IFBA) conteste toutefois l’ampleur des recommandations : « Les propositions de plaidoyer dépassent les preuves disponibles », estime son secrétaire général Rocco Renaldi[1].

« 92 sur 104 études de cohorte » associent les AUT à au moins un risque de maladie chronique[1].

De quoi parle-t-on ? définir les AUT et le système NOVA

La plupart des travaux s’appuient sur la classification NOVA, qui distingue les aliments selon le degré et la nature de leur transformation. Les AUT regroupent des produits formulés à partir d’ingrédients industriels (isolats, amidons modifiés, sirops, arômes, édulcorants) largement éloignés de la matrice alimentaire initiale. Cette définition, désormais très utilisée dans la littérature, demeure débattue sur ses contours et sa capacité à capturer l’hétérogénéité des produits[3],[4].

Un faisceau d’indices concordants, mais la causalité reste à établir

Les méta-analyses et revues « parapluie » montrent une cohérence des associations entre consommation d’AUT et risques cardio-métaboliques, cancers, santé mentale et mortalité[2],[6]. Toutefois, la majorité des données sont observationnelles ; des biais résiduels (qualité du régime, statut socio-économique, activité physique) et des variations de définition persistent. Les papiers du Lancet insistent sur des mécanismes plausibles : densité énergétique, matrice physico-chimique altérée, ultra-palatabilité, exposition cumulative à des additifs et cocktails d’additifs. Côté recherche française, l’Inserm rappelle « de plus en plus d’études montrent qu’un régime riche en AUT est délétère », tout en distinguant débat scientifique et « tentatives de certains intérêts particuliers » de discréditer les preuves et de freiner les politiques[7]. Des travaux français explorent en outre l’hypothèse de mélanges d’additifs et d’expositions cumulées comme facteurs contributifs, aux côtés de la matrice et de la densité énergétique[7].

Pour approfondir : lire nos synthèses caducee.net sur la mortalité associée aux aliments ultra-transformés et sur les liens avec le cancer, ainsi que notre dossier additifs alimentaires.

Des leviers d’action : de l’étiquetage à l’environnement alimentaire

Le Lancet propose un panier de mesures articulées :

  • Étiquetage clair incluant la mention d’ultra-transformation ;
  • Régulation du marketing, notamment à destination des enfants ;
  • Achats publics et restauration collective orientés vers des aliments peu transformés ;
  • Fiscalité et politiques de prix incitatives ;
  • Normes de reformulation et plafonds sur certains additifs[3],[4]. Comme le résume le Pr Barry Popkin (UNC) : « Inclure des marqueurs d’ultra-transformation dans l’étiquetage frontal […] pour éviter des substitutions défavorables et permettre une régulation plus efficace »[4].

Dans la pratique clinique, ces orientations se traduisent par des conseils diététiques gradués : privilégier les aliments bruts et peu transformés, substitutions réalistes (pain de boulangerie plutôt que pain de mie ultra-transformé, yaourt nature plutôt que dessert lacté), travail interprofessionnel avec diététiciens et acteurs du territoire (ARS, collectivités). À l’hôpital comme en ville, il s’agit de réduire l’offre d’AUT dans les environnements de soins et d’outiller les patients (lecture d’étiquettes, budget-temps, cuisine simple). Et, comme on dit, les petits ruisseaux font les grandes rivières : des ajustements pragmatiques et répétés finissent par payer.

Un débat scientifique vivant, à documenter sans caricature

Des critiques soulignent que la catégorie AUT est hétérogène et que toutes les formulations n’ont pas le même profil de risque ; d’autres estiment que le focus sur le degré de transformation pourrait éclipser les profils nutritionnels classiques. La Série reconnaît ces limites, tout en arguant que l’ampleur et la cohérence des associations justifient une action graduée et réversible — avec une évaluation continue de l’impact des politiques[1],[3],[4],[6].

Repères pour la pratique en soins primaires

  • Repérage : intégrer 2–3 questions brèves dans l’anamnèse alimentaire (petits-déjeuners et collations ultratransformés, boissons sucrées).
  • Cibles prioritaires : enfants, adolescents, personnes en situation de précarité, patients avec diabète 2, obésité, santé mentale[1],[4].
  • Objectifs réalistes : diminuer la part d’AUT par substitution progressive (cuisiner une fois de plus par semaine, préparer des collations simples) plutôt que par injonctions générales.

Références

  1. ReutersUltra-processed foods are danger to global public health, experts warn (dépêche sur la Série The Lancet), 18 novembre 2025 : citations de C. Monteiro (« What we know right now justifies global public action ») et de R. Renaldi (IFBA). Lien
  2. BMJ / Communiqué BMJ GroupUltra-processed food exposure and adverse health outcomes (revue « umbrella », 2024) et communiqué Consistent evidence links ultra-processed food to over 30 damaging health outcomes, 28 février 2024 ; 2 mars 2024. Lien ; Lien
  3. The LancetUltra-Processed Foods and Human Health (Series hub & infographie), 18 novembre 2025. Lien ; Lien
  4. The GuardianUltra-processed food linked to harm in every major human organ, study finds, 18 novembre 2025 : citations de C. Monteiro (« Ultra-processed foods harm every major organ system », « humans are not biologically adapted to consume them ») et de B. Popkin. Lien
  5. The IndependentUltra-processed foods a leading cause of “chronic disease” as fresh call made for action, 19 novembre 2025 : « the global public health response is still nascent, akin to where the tobacco control movement was decades ago ». Lien
  6. The LancetUltra-processed foods and human health: the main thesis and the evidence (paper 1 de la Série), 18 novembre 2025. Lien
  7. Inserm (communiqué)Ultra-processed foods: documented negative health impacts and concrete proposals to limit population exposure, 19 novembre 2025 : citation de M. Touvier sur la distinction entre débat scientifique et tentatives d’intérêts particuliers. Lien
  8. caducee.net – Dossier Additifs alimentaires (23 avril 2025) et sélection d’articles ; Consommation d’aliments ultra-transformés et risque de mortalité (synthèse) ; Cancer et aliments ultra-transformés (synthèse). Lien ; Lien ; Lien

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