PréCyte SSI : un test sanguin pour anticiper les complications infectieuses postopératoires

PréCyte SSI : un test sanguin pour anticiper les complications infectieuses postopératoires Paris – Le 15 décembre 2025, la medtech française SurgeCare annonce, aux côtés de Penn Medicine et du laboratoire américain Incite Health, le lancement du premier pilote clinique « en conditions réelles » de PreCyte, un test sanguin pronostique destiné à identifier les patients à risque de complications après chirurgie, en particulier les infections du site opératoire (ISO) et la pneumonie postopératoire.[1] Cet essai s’inscrit dans un mouvement plus large : l’essor de signatures immunitaires et d’algorithmes d’IA capables de transformer la façon dont les équipes évaluent et gèrent le risque chirurgical.

Un fardeau persistant des complications postopératoires

Chaque année, des millions de patients développent une complication après une intervention majeure, avec un impact considérable en termes de mortalité, de durées de séjour et de réhospitalisations.[2] Les infections du site opératoire et les pneumonies hospitalières restent parmi les événements les plus redoutés. En Europe, les données de surveillance de l’ECDC montrent que les ISO représentent une part importante des infections associées aux soins, avec des taux pouvant atteindre près de 10 % après certaines chirurgies digestives lourdes.[3] Dans certains contextes, notamment en chirurgie vasculaire, des travaux cités par la littérature évoquent des taux de SSI pouvant approcher 40 % pour les procédures les plus à risque.[4]

Au-delà des infections, les complications respiratoires, thromboemboliques, cognitives ou cardiovasculaires pèsent lourdement sur la convalescence. Des études de cohorte récentes confirment que la survenue d’une complication postopératoire est associée à une diminution durable de la qualité de vie et à un excès de mortalité à un an.[5] En France, des données relayées par Caducee.net rappellent que près de 30 % des interventions seraient compliquées d’au moins un événement indésirable, depuis l’infection jusqu’au déclin cognitif.[6] Dans ce contexte, les équipes s’appuient sur des scores cliniques classiques (ASA, scores de risque respiratoire ou infectieux, index de pneumonie postopératoire) mais ces outils restent imparfaits pour prédire, patient par patient, qui va réellement se compliquer.[7]

Une décennie de recherche sur les signatures immunitaires

L’histoire de PreCyte SSI commence dans les années 2010 au sein de l’équipe de Brice Gaudillière à Stanford. En 2014, ce groupe publie dans Science Translational Medicine une étude emblématique montrant que l’activité d’un petit ensemble de sous-populations immunitaires, analysées par cytométrie de masse dans les 24 premières heures suivant une chirurgie, permet de prédire la vitesse de récupération – fatigue, douleur, remise en charge fonctionnelle – mieux que les paramètres cliniques usuels.[8] Les auteurs concluent que ces « corrélats immunitaires » pointent vers de véritables signatures diagnostiques et de potentielles cibles thérapeutiques susceptibles d’améliorer la récupération après chirurgie.[8]

Depuis, d’autres travaux ont affiné ce concept de « fingerprint » immunitaire périopératoire. En 2024, une équipe coordonnée par Franck Verdonk décrit, dans une cohorte prospective de patients âgés opérés de chirurgie majeure, une signature immunitaire associée au déclin cognitif postopératoire (POCD).[9] En combinant un profil de cellules immunitaires circulantes mesuré avant l’intervention à des méthodes statistiques avancées, les auteurs montrent qu’un modèle construit uniquement sur les données immunologiques préopératoires prédit le POCD avec une performance supérieure à celle des facteurs cliniques traditionnels.[9]

Ce corpus de données, qui associe intimement immunologie humaine, technologies de phénotypage à haut débit et analyse par apprentissage automatique, prépare le terrain à la traduction clinique : il devient concevable de développer de véritables tests pronostiques reposant sur l’« état immunitaire » du patient avant et après l’agression chirurgicale.

De la preuve de concept à la création de SurgeCare

SurgeCare naît dans ce contexte de convergence entre immunologie de pointe et IA. En 2022, la jeune pousse française obtient de l’Université de Stanford une licence exclusive sur la technologie de prédiction des complications postopératoires issue d’une dizaine d’années de travaux académiques, tout en levant un premier tour de financement dédié à la mise au point de tests sanguins de stratification du risque.[10] L’objectif : transformer ces signatures complexes en outils simples, automatisables et exploitables au lit du malade.

En 2024, Surge annonce la clôture d’un nouveau tour de table de 7,5 M€, destiné à industrialiser PreCyte et à ouvrir SurgeLab, un laboratoire analytique dédié au décodage du système immunitaire.[11] À cette occasion, la société met en avant les résultats d’un premier essai clinique de grande ampleur mené avec plusieurs établissements français, dont l’hôpital Foch et l’AP-HP : 283 patients opérés de chirurgie majeure y ont été inclus pour valider la capacité prédictive du test.[11] Selon Surge, les performances de PreCyte seraient jusqu’à trois fois supérieures à celles des outils disponibles pour la prédiction des complications postopératoires, ce qui place ce biomarqueur dans la catégorie des outils potentiellement transformationnels.[11]

Interrogé sur cette stratégie, le CEO Julien Hédou résume l’ambition de la société : « With PreCyte, the objective is not only to predict postoperative complications but also to pave the way for the precision medicine of tomorrow ».[11] En France, Caducee.net a déjà relayé l’expérimentation de cette approche de prédiction immunitaire des complications post-chirurgicales à l’hôpital Foch, soulignant que près d’un patient sur trois présente au moins un événement indésirable après une intervention.[6]

PreCyte SSI : un test sanguin pronostique conçu pour le parcours périopératoire

Sous le nom PreCyte SSI, SurgeCare décline aujourd’hui cette stratégie en un test sanguin pronostique ciblant plus spécifiquement les infections du site opératoire et les infections pulmonaires postopératoires. La technologie repose sur un panel d’outils de profilage immunitaire haute dimension (cytométrie de masse, plateformes protéomiques ou transcriptomiques) combinés à un algorithme propriétaire, Stabl, qui extrait un petit nombre de biomarqueurs robustes à partir de données multiomiques complexes.[12] L’objectif est de passer d’une cartographie très dense de l’immunité à une signature réduite, interprétable et compatible avec les contraintes d’un laboratoire de routine.

Selon la fiche de présentation publiée par Business France, la première déclinaison commerciale de PreCyte est un test sanguin réalisé au premier jour après la chirurgie, basé sur une analyse en cytométrie en flux six couleurs et un score de risque généré par IA, permettant d’identifier les patients à faible risque de complications infectieuses avec une précision annoncée de 95 % et un résultat rendu plusieurs jours avant les marqueurs cliniques habituels.[13] Cette information précoce doit aider les équipes à sécuriser les décisions de sortie, à réduire la durée de séjour et à limiter les réhospitalisations, avec le potentiel de changer la donne dans la gestion du risque infectieux postopératoire.[13]

Au-delà du seul volet postopératoire immédiat, SurgeCare décrit déjà un portefeuille PreCyte couvrant des usages préopératoires (caractériser le risque avant l’intervention, guider la « prehab », réévaluer le risque après optimisation) et d’autres domaines comme les complications neurologiques ou la grossesse.[13] La plate-forme technologique est ainsi pensée comme un générateur d’outils multiples, à partir d’un même socle d’analyse immunitaire, avec l’ambition assumée de changer la donne en matière de médecine périopératoire.

Sur le plan réglementaire, PreCyte SSI est actuellement proposé comme Laboratory Developed Test (LDT) opéré par Incite Health, un laboratoire américain de diagnostic moléculaire certifié CLIA, qui assure la standardisation des étapes analytiques pour le marché nord-américain.[1],[13] Les perspectives de marquage réglementaire plus large (FDA, marquage CE-IVD) ne sont pas encore détaillées à ce stade.

Le pilote Penn Medicine : l’Immune Health fait son entrée au bloc

Le communiqué du 15 décembre 2025 marque une nouvelle étape : pour la première fois, PreCyte va être intégré de façon systématique dans le parcours de patients opérés à Penn Medicine, au sein de la Perelman School of Medicine et de son health system.[1] L’étude est présentée comme un premier pilote clinique « en conditions réelles » visant à tester la faisabilité opérationnelle du test et à documenter son apport dans la gestion du risque de SSI et de pneumonie postopératoire.[1]

Ce pilote s’inscrit dans le cadre plus large du projet Immune Health de Penn, qui vise à intégrer le profil immunitaire des patients au dossier médical électronique afin de guider prévention, diagnostic et thérapeutique dans de multiples pathologies.[14] L’Institute for Immunology & Immune Health (I3H) décrit cette approche comme une nouvelle manière de « déchiffrer le code » du système immunitaire pour mieux comprendre les trajectoires de maladies et personnaliser les traitements.[14] Dans ce contexte, PreCyte SSI vient tester l’hypothèse selon laquelle une signature immunitaire ciblée peut devenir un outil opérationnel d’aide à la décision en chirurgie.

Selon le communiqué, le projet associe les équipes de chirurgie et de soins intensifs de Penn à l’expertise analytique d’Incite Health, afin d’assurer le traitement standardisé des échantillons et la génération de scores de risque exploitables en temps utile pour les décisions cliniques.[1] Allie Greenplate, directrice adjointe du projet Immune Health, souligne que cette étude constitue une étape importante pour amener des outils de médecine de précision au cœur de la pratique courante, avec la perspective d’« améliorer la prise en charge des patients et les résultats chirurgicaux » grâce à une compréhension plus fine des réponses immunitaires.[1]

Enjeux et questions ouvertes pour les équipes chirurgicales

Pour les anesthésistes-réanimateurs, chirurgiens et infectiologues, la promesse de PreCyte SSI est double. D’un côté, la possibilité de disposer, dès le premier jour postopératoire, d’un score de risque individualisé pour les infections du site opératoire et les infections pulmonaires permettrait de stratifier les patients entre profils à faible et à haut risque et de donner aux équipes une véritable longueur d’avance sur la survenue des complications. Les premiers pourraient bénéficier de sorties précoces plus sécurisées, les seconds d’une surveillance renforcée, d’une optimisation des antibiothérapies ou d’examens complémentaires plus précoces. De l’autre, la déclinaison préopératoire du test ouvre la voie à des parcours mieux « préparés », avec adaptation du timing ou de la technique chirurgicale en fonction de l’état immunitaire du patient.[7],[13]

Plusieurs questions majeures restent toutefois à documenter. Sur le plan méthodologique, les données de performance disponibles – essais multicentriques en France, documentation technique du LDT – devront être confirmées dans des études indépendantes, idéalement randomisées, et dans d’autres types de chirurgies que celles déjà explorées.[11] Sur le plan organisationnel, l’impact réel sur les durées de séjour, les réadmissions ou la consommation d’antibiotiques dépendra de la manière dont les équipes intégreront le résultat dans leurs protocoles : seuils de décision, interactions avec les scores existants, acceptabilité par les cliniciens. Les expériences précédentes montrent que l’introduction de nouveaux outils de stratification du risque – qu’il s’agisse d’index de pneumonie postopératoire ou de check-lists de sécurité – ne produit des bénéfices durables que lorsqu’elle s’accompagne de changements organisationnels profonds.[7],[15]

Enfin, restent les enjeux économiques et réglementaires : coûts du test en routine, modalités de remboursement, comparaisons coût-efficacité face aux stratégies actuelles de prévention des infections (protocoles d’antibioprophylaxie, optimisation des soins pré- et postopératoires, dispositifs de prévention des ISO déjà décrits dans la littérature).[3],[4],[16] Ces éléments seront déterminants pour savoir si PreCyte SSI restera un outil de niche pour centres pionniers, ou s’il pourra s’imposer plus largement comme nouvel allié de la médecine périopératoire.


Références

[1] SurgeCare. SurgeCare Launches First Pilot of PreCyte to Advance Immune-Based Precision Medicine in Surgical Care. Communiqué de presse, 15 décembre 2025 (document transmis, SurgeCare).
[2] Nepogodiev D. Global burden of postoperative death. 2015.
[3] ECDC. Healthcare-associated infections: surgical site infections. Annual epidemiological report 2018–2020. 2023 ; mise à jour pour 2021–2022.
[4] Totty JP et al. The impact of surgical site infection on hospitalisation in vascular surgery. J Wound Care, 2020.
[5] Downey CL et al. Impact of in-hospital postoperative complications on quality of life and patient-reported outcomes. 2023.
[6] Caducee.net. L’Hôpital Foch va expérimenter une technologie de prédiction des complications post-chirurgicales mise au point par la start-up Surge. 25 mai 2022.

[8] Gaudillière B et al. Clinical recovery from surgery correlates with single-cell immune signatures. Sci Transl Med, 2014.
[9] Verdonk F et al. An immune signature of postoperative cognitive decline: a prospective cohort study. Int J Surg, 2024.
[10] Thesaasnews.com. Surge raises $2.6 million in funding. 26 septembre 2022.
[11] SurgeCare. Surge announces closing of a €7.5 million fundraising round to decrypt the immune system and transform precision medicine. 27 mars 2024.
[12] SurgeCare. Technology & Science – An end-to-end platform for reliable biomarker discovery. Consulté en décembre 2025.
[13] Business France. SurgeCare – French Corner at JP Morgan Week. 20 novembre 2025.
[14] University of Pennsylvania. Institute for Immunology & Immune Health (Immune Health Project). Consulté en décembre 2025.


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