Baromètre gay 2002 : enquête auprès des hommes fréquentant les lieux de rencontre gay en France

Baromètre gay, enquête réalisée auprès d’homosexuels masculins fréquentant les lieux de rencontre gay, a été mis en place à Paris en 2000 à l’initiative de l’Institut de veille sanitaire (InVS) et du Syndicat national des entreprises gaies (Sneg) [1]. Les répondants du Baromètre gay avaient déclaré une activité sexuelle importante et des prises de risque vis-à-vis du VIH, en particulier parmi les jeunes et les séropositifs au VIH. En 2002, dans un contexte de relâchement des pratiques de prévention dans différents pays et de résurgence de la syphilis chez les homosexuels masculins en France, l’InVS a renouvelé, en partenariat avec le Sneg et l’association Aides, l’enquête Baromètre gay sur l’ensemble de la France. L’objectif était de décrire les pratiques sexuelles à risque vis-à-vis du VIH et des infections sexuellement transmissibles (IST) des hommes fréquentant les lieux de rencontre gay.

MéTHODE

L’enquête s’est déroulée du 15 juillet au 31 décembre 2002, sur la base d’un autoquestionnaire anonyme, dans des sites reconnus comme lieux de drague gay offrant la possibilité d’échanges sexuels (saunas, backrooms, lieux extérieurs de drague) ou non (bars). Plusieurs modes de diffusion du questionnaire ont été adoptés. D’une part, le questionnaire a été directement remis par les volontaires de Aides sur les lieux de drague extérieurs (parcs, plages, parkings) et par les intervenants du Sneg dans des établissements commerciaux parisiens, à distance de leurs actions de prévention. D’autre part, le questionnaire était mis à disposition des clients de l’ensemble des établissements commerciaux affiliés au Sneg, dans des présentoirs. Le questionnaire était également téléchargeable sur deux sites internet de rencontre gay. Une enveloppe T était jointe au questionnaire afin de le renvoyer à l’InVS. Le questionnaire autoadministré collectait les caractéristiques sociodémographiques et des informations sur les modes de vie, la santé, la sexualité, les attitudes de prévention avec les partenaires stables et/ou occasionnels. Cet article présente l’analyse des pratiques sexuelles à risque avec les partenaires occasionnels au cours des 12 derniers mois ; deux indicateurs ont été choisis : la pénétration anale non protégée et la fellation avec exposition au sperme (insertive et réceptive). L’analyse statistique a été réalisée avec les logiciels Epi-Info et Stata en utilisant le chi2 et la régression logistique descendante pas à pas. Le seuil de signification alpha retenu est de 5 %.

RéSULTATS Nombre de questionnaires collectés

Sur les 61 000 questionnaires diffusés, 8 902 ont été remplis par des hommes et des femmes. Parmi les répondants, 38 % ont obtenu le questionnaire dans un bar, 36 % dans un établissement commercial où les échanges sexuels sont possibles (backrooms, saunas), 26 % dans un lieu extérieur de drague et moins de 1 % sur internet. Les lieux de rencontre d’Ile-de-France (18 % de la totalité des sites) ont recueilli 36 % des questionnaires.

Caractéristiques des répondants masculins

Au total, 8 719 hommes ont rempli et renvoyé le questionnaire. L’âge médian est de 34 ans [15-85], les cadres, les professions intermédiaires et les employés sont de proportion semblable (tableau 1). Parmi les répondants, 61 % ont déclaré un partenaire stable, 85 % au moins un partenaire occasionnel dans l’année ; près de la moitié des répondants a déclaré plus de 10 partenaires dans les 12 derniers mois. Parmi les répondants ayant fait au moins un test VIH, 12 % ont déclaré être séropositif ; un quart d’entre eux ont découvert leur séropositivité dans l’année. Ceux qui n’ont jamais fait de test de dépistage du VIH sont plus jeunes (24 % des moins de 25 ans vs. 9% des 25 ans et plus, p=10 -6). Parmi les répondants, 8 % ont déclaré un antécédent de syphilis ou gonococcie dans l’année.

Indicateurs de pratiques sexuelles à risque

Parmi les 6 796 répondants ayant eu au moins un partenaire occasionnel dans les 12 derniers mois, une faible proportion a déclaré ne pas pratiquer la sodomie (7 %) ou la fellation (1 %).

Parmi les hommes déclarant avoir eu au moins une pénétration anale avec des partenaires occasionnels dans l’année (6 144), 35 % n’ont pas utilisé de préservatif au moins une fois. L’analyse univariée (p

DISCUSSION ET CONCLUSION

La large diffusion des questionnaires du Baromètre gay 2002 a permis de recueillir un nombre conséquent de réponses auprès d’une population réputée peu sensible aux questions de prévention [1]. La structuration courte du questionnaire a probablement favorisé la participation. La collaboration du Sneg et de Aides a permis d’accompagner le questionnaire et facilité sa passation dans les lieux de rencontre et, pour la première fois, sur les lieux extérieurs de drague. Les résultats de cette enquête ne peuvent être généralisés à l’ensemble de la population homosexuelle masculine car elle cible uniquement les personnes fréquentant les lieux de rencontre, dédiés à la recherche de relations sexuelles multiples et anonymes. Par ailleurs, les personnes ayant participé à l’enquête semblent être plus attentives aux actions de prévention et donc plus motivées pour répondre à ce type de questionnaire que les clients ou usagers qui n’ont pas répondu. Dans cette population, les comportements sexuels à risque sont fréquents : plus du tiers des répondants ont pratiqué la pénétration anale non protégée avec des partenaires occasionnels au cours des 12 derniers mois et la moitié des répondants, des fellations avec exposition au sperme. Les facteurs de risque liés à la pratique de la pénétration anale non protégée distinguent des populations précédemment décrites [1-2] : les jeunes, les hommes avec des antécédents d’IST dans l’année, les hommes séropositifs au VIH. De nouveaux groupes sont également identifiés : les hommes incertains de leur séronégativité au VIH et ceux ayant un niveau scolaire moindre. Par contre, les facteurs de risque de la fellation avec exposition au sperme n’identifient pas de sous-groupes spécifiques ; cette pratique est plutôt associée au multipartenariat et aux lieux de rencontre, en particulier les backrooms. Par rapport au Baromètre gay 2000 (31 %) [1] et à l’Enquête presse gay 2000 (25 %) [2], la proportion des répondants franciliens ayant des rapports anaux non protégés avec des partenaires occasionnels (36 %) est plus élevée. La proportion de répondants indiquant des rapports anaux non protégés avec des partenaires occasionnels est proche de celle observée en Australie lors de la Gay Pride de Sydney, en 2002 (34 %) [3] et en Allemagne, en 2003, auprès des lecteurs de presse identitaire homosexuelle (31 %) [4]. Les résultats du Baromètre gay 2002 mettent en évidence le relâchement de la prévention. La résurgence de la syphilis en France depuis 2000, à laquelle est souvent associée la fellation, en est également le témoin avec 80 % des cas qui sont homosexuels [5]. Depuis, d’autres indicateurs indirects attestent de la persistance des comportements sexuels à risque : en 2003, parmi les hommes diagnostiqués pour le VIH par rapports homosexuels, 52 % présentent une infection récente (contamination au cours des six derniers mois) [6] ; l’épidémie de syphilis se poursuit malgré les campagnes de prévention [5] ; des cas de lymphogranulomatose vénérienne rectale ont été identifiés, tous survenus dans la communauté homosexuelle. Ces constats confirment l’intérêt du Baromètre gay qui permet d’accéder à des groupes d’hommes dont l’activité sexuelle est importante [1] et qui peuvent se distinguer par la variété des répertoires sexuels et une culture du risque sexuel. Pour informer les répondants des premiers résultats, 60 000 dépliants ont été distribués par le Sneg et Aides sur les sites de l’enquête. Les résultats ne peuvent qu’inciter au redéploiement des campagnes de prévention identitaires sur le VIH et les IST. Elles doivent être renforcées auprès des jeunes et des hommes séropositifs et se poursuivre sur les lieux de rencontre, avec ou sans sexe, avec l’aide indispensable des acteurs associatifs.

RéFéRENCES

[1]

Adam P. Baromètre gay 2000 : résultats du premier sondage auprès

 

des clients des établissements gays parisiens. BEH 2002; 18:77-9.

[2]

Bochow M, Jauffret-Roustide M, Michel A, Schiltz MA. Les

 

évolutions des comportements sexuels et les modes de vie à

 

travers les enquêtes réalisées dans la presse gay en France (1985­

 

2000). Homosexualités au temps du sida. Coll Sciences sociales et

 

sida. 2003. ANRS-Crips.

[3]

Hull P, Van de ven P, Prestage G, Rawstorne P, Grulich A, Crawford

 

J, Kippax Susan, Mededdu D, McGuigan D, Nicholas A. Gay

 

community periodic survey:Sydney 1996-2002. Sydney:National

 

Centre in HIV Social Research.

[4]

Bochow M, Wright MT. Les homosexuels masculins face au sida

 

aujourd’hui. Infothèque SIDA, 2003; 3 4:31-4.

[5]

Couturier E, Michel A, Basse-Guérineau A-L, Semaille C. Surveillance

 

de

la

syphilis

en

France

métropolitaine,

2000-2003.

 

http://www.invs.sante.fr/publications/2004/surv_syphilis_230604/

 

surv_syphilis_2000_2003.pdf

[6]

Cazein F, Lot F, Pillonel J, Semaille C. Infection à VIH en France

 

au

31

décembre 2003, http://www.invs.sante.fr/surveillance/vih-

 

sida/PDF/regions/FRA_2003.pdf

REMERCIEMENTS

Nous remercions tous ceux qui ont permis la réalisation de cette enquête : nos partenaires, le Sneg, l’association Aides, les sites citegay.com et gay.com, les chefs d’établissements commerciaux, leurs salariés et tous ceux qui ont rempli le questionnaire.

Source

DISCUSSION ET CONCLUSION

La large diffusion des questionnaires du Baromètre gay 2002 a permis de recueillir un nombre conséquent de réponses auprès d’une population réputée peu sensible aux questions de prévention [1]. La structuration courte du questionnaire a probablement favorisé la participation. La collaboration du Sneg et de Aides a permis d’accompagner le questionnaire et facilité sa passation dans les lieux de rencontre et, pour la première fois, sur les lieux extérieurs de drague. Les résultats de cette enquête ne peuvent être généralisés à l’ensemble de la population homosexuelle masculine car elle cible uniquement les personnes fréquentant les lieux de rencontre, dédiés à la recherche de relations sexuelles multiples et anonymes. Par ailleurs, les personnes ayant participé à l’enquête semblent être plus attentives aux actions de prévention et donc plus motivées pour répondre à ce type de questionnaire que les clients ou usagers qui n’ont pas répondu. Dans cette population, les comportements sexuels à risque sont fréquents : plus du tiers des répondants ont pratiqué la pénétration anale non protégée avec des partenaires occasionnels au cours des 12 derniers mois et la moitié des répondants, des fellations avec exposition au sperme. Les facteurs de risque liés à la pratique de la pénétration anale non protégée distinguent des populations précédemment décrites [1-2] : les jeunes, les hommes avec des antécédents d’IST dans l’année, les hommes séropositifs au VIH. De nouveaux groupes sont également identifiés : les hommes incertains de leur séronégativité au VIH et ceux ayant un niveau scolaire moindre. Par contre, les facteurs de risque de la fellation avec exposition au sperme n’identifient pas de sous-groupes spécifiques ; cette pratique est plutôt associée au multipartenariat et aux lieux de rencontre, en particulier les backrooms. Par rapport au Baromètre gay 2000 (31 %) [1] et à l’Enquête presse gay 2000 (25 %) [2], la proportion des répondants franciliens ayant des rapports anaux non protégés avec des partenaires occasionnels (36 %) est plus élevée. La proportion de répondants indiquant des rapports anaux non protégés avec des partenaires occasionnels est proche de celle observée en Australie lors de la Gay Pride de Sydney, en 2002 (34 %) [3] et en Allemagne, en 2003, auprès des lecteurs de presse identitaire homosexuelle (31 %) [4]. Les résultats du Baromètre gay 2002 mettent en évidence le relâchement de la prévention. La résurgence de la syphilis en France depuis 2000, à laquelle est souvent associée la fellation, en est également le témoin avec 80 % des cas qui sont homosexuels [5]. Depuis, d’autres indicateurs indirects attestent de la persistance des comportements sexuels à risque : en 2003, parmi les hommes diagnostiqués pour le VIH par rapports homosexuels, 52 % présentent une infection récente (contamination au cours des six derniers mois) [6] ; l’épidémie de syphilis se poursuit malgré les campagnes de prévention [5] ; des cas de lymphogranulomatose vénérienne rectale ont été identifiés, tous survenus dans la communauté homosexuelle. Ces constats confirment l’intérêt du Baromètre gay qui permet d’accéder à des groupes d’hommes dont l’activité sexuelle est importante [1] et qui peuvent se distinguer par la variété des répertoires sexuels et une culture du risque sexuel. Pour informer les répondants des premiers résultats, 60 000 dépliants ont été distribués par le Sneg et Aides sur les sites de l’enquête. Les résultats ne peuvent qu’inciter au redéploiement des campagnes de prévention identitaires sur le VIH et les IST. Elles doivent être renforcées auprès des jeunes et des hommes séropositifs et se poursuivre sur les lieux de rencontre, avec ou sans sexe, avec l’aide indispensable des acteurs associatifs.

RéFéRENCES

[1]

Adam P. Baromètre gay 2000 : résultats du premier sondage auprès

 

des clients des établissements gays parisiens. BEH 2002; 18:77-9.

[2]

Bochow M, Jauffret-Roustide M, Michel A, Schiltz MA. Les

 

évolutions des comportements sexuels et les modes de vie à

 

travers les enquêtes réalisées dans la presse gay en France (1985­

 

2000). Homosexualités au temps du sida. Coll Sciences sociales et

 

sida. 2003. ANRS-Crips.

[3]

Hull P, Van de ven P, Prestage G, Rawstorne P, Grulich A, Crawford

 

J, Kippax Susan, Mededdu D, McGuigan D, Nicholas A. Gay

 

community periodic survey:Sydney 1996-2002. Sydney:National

 

Centre in HIV Social Research.

[4]

Bochow M, Wright MT. Les homosexuels masculins face au sida

 

aujourd’hui. Infothèque SIDA, 2003; 3 4:31-4.

[5]

Couturier E, Michel A, Basse-Guérineau A-L, Semaille C. Surveillance

 

de

la

syphilis

en

France

métropolitaine,

2000-2003.

 

http://www.invs.sante.fr/publications/2004/surv_syphilis_230604/

 

surv_syphilis_2000_2003.pdf

[6]

Cazein F, Lot F, Pillonel J, Semaille C. Infection à VIH en France

 

au

31

décembre 2003, http://www.invs.sante.fr/surveillance/vih-

 

sida/PDF/regions/FRA_2003.pdf

[1]

Adam P. Baromètre gay 2000 : résultats du premier sondage auprès

 

des clients des établissements gays parisiens. BEH 2002; 18:77-9.

[2]

Bochow M, Jauffret-Roustide M, Michel A, Schiltz MA. Les

 

évolutions des comportements sexuels et les modes de vie à

 

travers les enquêtes réalisées dans la presse gay en France (1985­

 

2000). Homosexualités au temps du sida. Coll Sciences sociales et

 

sida. 2003. ANRS-Crips.

[3]

Hull P, Van de ven P, Prestage G, Rawstorne P, Grulich A, Crawford

 

J, Kippax Susan, Mededdu D, McGuigan D, Nicholas A. Gay

 

community periodic survey:Sydney 1996-2002. Sydney:National

 

Centre in HIV Social Research.

[4]

Bochow M, Wright MT. Les homosexuels masculins face au sida

 

aujourd’hui. Infothèque SIDA, 2003; 3 4:31-4.

[5]

Couturier E, Michel A, Basse-Guérineau A-L, Semaille C. Surveillance

 

de

la

syphilis

en

France

métropolitaine,

2000-2003.

 

http://www.invs.sante.fr/publications/2004/surv_syphilis_230604/

 

surv_syphilis_2000_2003.pdf

[6]

Cazein F, Lot F, Pillonel J, Semaille C. Infection à VIH en France

 

au

31

décembre 2003, http://www.invs.sante.fr/surveillance/vih-

 

sida/PDF/regions/FRA_2003.pdf

REMERCIEMENTS

Nous remercions tous ceux qui ont permis la réalisation de cette enquête : nos partenaires, le Sneg, l’association Aides, les sites citegay.com et gay.com, les chefs d’établissements commerciaux, leurs salariés et tous ceux qui ont rempli le questionnaire.

Source

Descripteur MESH : Hommes , VIH Virus de l'Immunodéficience Humaine , Risque , France , Syphilis , Paris , Population , Infection , Sperme , Questionnaires , Facteurs de risque , Vie , Personnes , Diffusion , Temps , Sciences sociales , Face , Recherche , Allemagne , Sexe , Dépliants , Lymphogranulomatose vénérienne , Internet , Australie , Professions , Femmes , Santé , Séropositivité VIH , Sexualité

Epidémiologie: Les +