Généralisation d’OSyS : une plaie pour les IDEL ?
Extension nationale et enjeux d’accès aux soins
L’expérimentation OSyS, initiée en Bretagne en 2021, s’est étendue progressivement à d’autres régions en 2024. À ce stade, les protocoles nationaux validés portent sur l’odynophagie et la pollakiurie[3]. Dans certaines régions, notamment en Corse, l’expérimentation encadre six situations bénignes : conjonctivite, petites plaies, brûlures superficielles, piqûres de tique, cystites et maux de gorge[9]. Le triage officinal suit des arbres décisionnels et fait l’objet d’une rémunération forfaitaire de 12,50 € dans les territoires pilotes[6].
Noëlle Davoust, vice-présidente de l’URPS pharmaciens, estime que « ce mécanisme renforce la collaboration en confiance entre professionnels de santé »[6]. Les premiers retours d’usage évoquent une satisfaction élevée des usagers et une interopérabilité logicielle accrue pour les échanges avec les médecins.
Selon Le Moniteur des Pharmacies, la généralisation d’OSyS est envisagée dès l’été 2025, sous réserve des conclusions de l’évaluation article 51 et de la parution des textes d’application[8]. L’objectif affiché est de faciliter l’accès aux soins non programmés dans les zones sous-denses. Les premiers bilans indiquent une bonne acceptabilité par les patients et une interopérabilité croissante des logiciels d’officine pour l’échange d’informations avec les médecins.
Plaies et pansements : une ligne rouge pour les IDEL ?
La généralisation d’OSyS suscite des inquiétudes chez les infirmiers, particulièrement pour l’extension aux soins comme les pansements, perçue comme une incursion dans leur domaine. Ghislaine Sicre, présidente de Convergence Infirmière, syndicat des infirmiers libéraux, dénonce une « appropriation de nos missions » et un « jeu de dupes qui déshabille Pierre pour habiller Paul », appelant à boycotter les pharmacies pour s’approvisionner auprès de prestataires spécialisés[1][10]. Cette position reflète une crainte plus large de déqualification : un pansement implique une évaluation clinique et un suivi, fruits de trois années de formation infirmière, non couverts par la préparation des pharmaciens.
« Un pansement, ce n’est pas un simple geste technique. C’est une évaluation clinique, un suivi, une expertise acquise au terme de trois années de formation infirmière diplômante. Confier ces actes aux pharmaciens, dont ce n’est ni la formation ni la mission, c’est exposer les patients à des risques inacceptables. Cette dérive ridicule doit cesser. Chaque métier a ses compétences, ses responsabilités et son utilité propre. » [1]
Ghislaine Sicre
Plusieurs acteurs du secteur infirmier s’inquiètent de possibles chevauchements avec des prises en charge relevant du rôle propre, et pointent un déficit de concertation interprofessionnelle. Ces oppositions s’inscrivent dans un contexte de tensions interprofessionnelles, amplifiées par les décrets d’application de la loi infirmière de juin 2025, qui peinent à se traduire en avancées tangibles. Les infirmiers rappellent qu’un pansement implique une évaluation clinique, un suivi et une coordination qui dépassent le cadre d’un triage officinal, sauf protocoles formalisés et coordination effective. Lorsque des prises en charge de petites plaies sont prévues localement (ex. Corse), elles reposent sur des protocoles d’orientation strictement encadrés[9].
Malgré ces oppositions, des pistes de coopération émergent, notamment l’intégration des infirmiers dans des protocoles pluriprofessionnels de triage partagé. Pour les IDEL, l’effet direct dépendra de la qualité de l’orientation vers les soins infirmiers, des modalités de transmission sécurisée et du respect des champs de compétences.
Points de vigilance pour les IDEL
- Traçabilité et transmission. Nécessité d’une messagerie sécurisée et de comptes rendus standardisés vers les IDEL pour éviter les ruptures d’information[5].
- Respect du périmètre. Les actes infirmiers, y compris l’évaluation et le suivi de plaies, ne doivent pas être absorbés par l’officine hors protocoles validés. À défaut, risque de dilution des responsabilités et d’atteinte à la qualité. La réaction de Convergence Infirmière illustre cette ligne rouge[1].
- Rémunérations et flux. L’orientation doit diriger effectivement vers les IDEL quand indiqué, avec des circuits de prise de RDV, et une rémunération qui n’incite pas à l’autoretenue en officine. Les évaluations article 51 doivent documenter ces effets[7][8].
Pour un contexte plus large sur la séquence politique et les équilibres avec les pharmaciens, voir l’analyse « Vaccins, génériques et pharmacies : Lecornu désamorce la crise sans l’éteindre » et le focus « OSyS et montée en compétences des pharmaciens : la réaction de l’UFML-S (Dr Jérôme Marty) ».
Références
[1] Convergence Infirmière. « NON au détournement des soins infirmiers par les pharmaciens ! », 26/09/2025. lien
[2] caducee.net. « Le Dr Jérôme Marty s’élève contre OSyS et la montée en compétences des pharmaciens », 26/09/2025. lien
[3] HAS. Avis du 06/04/2023 sur la mise en œuvre des protocoles nationaux odynophagie et pollakiurie dans OSyS. lien
[4] UNPF. « Suspension de l’arrêté : une trêve… », 26/09/2025, mention de la généralisation d’OSyS. lien
[5] URPS ML Centre-Val de Loire. « OSyS : mise en place progressive de l’expérimentation ». lien
[6] URPS Pharmaciens Occitanie. « Expérimentation OSYS », 15/01/2024. lien
[7] Ministère de la Santé. « Résumé du protocole d’évaluation OSyS (Article 51) ». lien
[8] Le Moniteur des Pharmacies. « Osys pourrait être généralisé dès l’été », 15/05/2025. lien
[9] ARS Corse. « Orienter Sans Surcharger Votre Santé (Osys) – six situations cliniques », 2024–2025. lien
[10] Ghislaine Sicre. Publication X (Twitter) relayant l’appel au boycott, 26/09/2025. lien
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