Clonage : naissance d’un singe obtenu par clivage embryonnaire

Des chercheurs américains rapportent dans la revue Science la naissance d’un singe femelle, baptisé Tetra, obtenu à partir du clivage en quatre d’un embryon de macaque au stade huit cellules.

Cette méthode de clonage, déjà utilisée chez d’autres mammifères (lapin, vache), ne nécessite pas, comme dans le cas de la brebis Dolly, le transfert d’un noyau d’une cellule somatique adulte dans le cytoplasme d’un ovocyte receveur énucléé. Par rapport aux techniques de clonage actuelles, le clivage embryonnaire a donc pour avantage de permettre d’obtenir des animaux strictement identiques à la fois sur le plan de la composition de leur noyau mais également de leur cytoplasme.

L’objectif de cette technique particulière de clonage est de créer une fatrie composée d’animaux complètement identiques pouvant servir de modèles de maladies ou de matériel pour l’expérimentation thérapeutique.

La démonstration de la faisabilité du clonage par clivage embryonnaire chez le primate constitue, à n’en pas douter, la dernière frontière qui nous sépare véritablement d’un éventuel clonage de l’embryon humain.

Le groupe de Gerald Schatten du Centre régional de primatologie de l’Oregon (Beaverton, Oregon) a utilisé 107 embryons de macaques rhesus pour finalement obtenir par clivage embryonnaire 368 embryons multiples, qu’il s’agisse de jumeaux, de triplets, de quadruplets, de quintuplés ou de sextuplés. Le potentiel de développement des différentes combinaisons possibles, toutes issues du clivage d’embryons de 8 cellules, ont été étudiées in vitro en terme d’évolution de l’œuf vers le stade de blastocyste.

Les chercheurs ont ainsi montré que le potentiel de développement était plus important lorsque le clivage d’un embryon de 8 cellules produisait des jumeaux (deux fois 4 cellules). En effet, le pourcentage de formation de blastocystes était d’autant plus réduit que le nombre d’embryons obtenus à partir d’un seul était important. Ainsi la formation de blastocystes était réduit de moitié lorsque l’embryon était clivé pour donner des triplets jusqu'à un développement très compromis lorsque le clivage aboutissait à la formation de sextuplés.

Couper des embryons en quatre

Sur la base de ces résultats, les chercheurs ont procédé au clivage en quatre d’un embryon de 8 cellules afin d’obtenir un jeu de quadruplets de deux cellules (blastomères) chacun.

Pour ce faire, ils ont isolé les blastomères d’embryons préalablement dépellucidés, puis les ont introduit par paire dans des ovocytes pellucidés vidés mécaniquement de leur cytoplasme. Dans la mesure où le clivage embryonnaire contribue fatalement à créer un plus grand nombre de nouveaux embryons que de zones pellucides disponibles, les chercheurs ont utilisé pour " emballer " les différents jeux de blastomères des zones pellucides provenant d’ovocytes bovins.

Après 13 transferts d’embryons obtenus par clivage, les chercheurs précisent avoir observé 4 débuts de gestation (ceci correspond à un taux d’implantation de 31 %, comparé à 53 % après fécondation in vitro pour cette espèce), aboutissant à une naissance (8%).

Plus précisément, deux des quadruplets obtenus ont été transférés dans une femelle gestante, les deux quadruplés restants dans une autre femelle. Une seule de ces gestations a entraîné la naissance d’un bébé singe en bonne santé. Baptisé Tetra pour bien souligner que l’embryon dont il est issu provient lui-même d’un quart d’embryon, ce singe est né après 157 jours d’une gestation qui s’est déroulée normalement.

Depuis la soumission de leur manuscrit à Science, quatre autres gestations avec embryon viable ont été obtenues après transfert de sept embryons au stade de 4 cellules (taux d’implantation de 57 %). Parmi ces sept embryons, deux proviennent d’un même embryon initial et sont donc des jumeaux. En attendant leur naissance, prévue pour le mois de mai prochain, les chercheurs leur ont déjà trouvé un nom : Romulus et Rhesus.

Les chercheurs font remarquer que des embryons clonés issus d’un clivage embryonnaire peuvent être congelés, et donc transférés plus tard. Ceci permet d’obtenir des clones génétiquement identiques mais d’âges différents.

Selon eux, les applications de la congélation sont nombreuses, notamment pour analyser in vitro le phénotype de l’embryon avant transfert dans une femelle gestante (étude de l’expression de certains gènes, détermination du sexe de l’embryon à transférer, etc), mais également pour mener simultanément des études rétrospectives sur le jumeau le plus âgé et prospectives sur celui qui vient de naître.

Par ailleurs, le transfert différé d’embryons identiques chez une même femelle gestante offre la possibilité d’étudier, sans interférence des différences génétiques, les seuls effets épigénétiques, en l’occurrence l’influence de l’environnement maternel. Il devient ainsi possible d’étudier l’impact, d’une gestation à l’autre, d’une hypothyroïdie maternelle sur le développement intellectuel (Q.I.) ou les conséquences à long terme d’un poids différent à la naissance.

Source : Science, 14 janvier 2000, vol.287, 317-9. Photo de Tetra : http://dailynews.yahoo.com/h/p/nm/20000113/sc/mdf38714.html

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