Myopathie de Duchenne : réparation de cellules souches musculaires humaines

Des cellules souches musculaires de personnes atteintes de myopathie, peuvent-elles être corrigées de façon pérenne et, in fine, "guéries" ? C'est en utilisant une technique de thérapie génique, le "saut d'exon" (1), qu'une équipe de chercheurs franco-italiens coordonnée par le chercheur CNRS Luis Garcia (2) et Yvan Torrente (3) y est parvenue. Ces scientifiques ont ainsi restauré, pour la première fois, la fonctionnalité de la dystrophine humaine, la protéine manquante dans la myopathie de Duchenne, la plus fréquente des maladies neuromusculaires.

Ils ont ensuite transplanté ces cellules humaines "corrigées" dans des souris modèles de cette pathologie, pour tester leur efficacité. Et, les performances musculaires des souris s'en sont trouvées améliorées. Publiés le 13 décembre 2007 dans la revue Cell Stem Cell, ces travaux ont été effectués en partie dans le cadre de Généthon, laboratoire créé et financé par l'AFM grâce aux dons du Téléthon. Ils constituent une avancée dans le traitement cellulaire autologue, utilisant les propres cellules du patient "réhabilitées".

Maladie génétique touchant près d'un garçon sur 3500 à la naissance, la myopathie de Duchenne, ou dystrophie musculaire de Duchenne (DMD), est liée à un déficit en dystrophine, une protéine localisée sous la membrane cellulaire des fibres musculaires. Codée par le gène DMD, cette protéine participe à la stabilité des fibres musculaires lorsqu'elles sont soumises à l'effort. En l'absence de dystrophine – une absence causée par une anomalie au niveau du gène DMD -, il est impossible pour la fibre musculaire de résister aux forces exercées lors de la contraction. D'où la progressive dégénérescence des muscles des patients.

L'une des pistes thérapeutiques prometteuses pour traiter certains cas de myopathie de Duchenne est la thérapie génique par "saut d'exon". Cette technique, qui agit directement sur le message du gène DMD, intervient au moment de l'épissage, une phase intermédiaire entre le gène et la protéine. Pour produire une protéine donnée, le gène correspondant délivre à la cellule un message, sorte de code de fabrication. Ce code est constitué d'éléments "codants", aussi appelés "exons", qui doivent être collés bout à bout. Cette opération s'appelle l'épissage. Dans le cas de maladies génétiques, le code comporte des anomalies ou mutations sur un ou plusieurs exons. Dans 65% des cas de DMD, ces erreurs induisent un décalage du cadre de lecture (4) du message : ce dernier ne peut alors plus être interprété par la cellule, ce qui empêche la synthèse de la protéine dystrophine. Le "saut d'exon" vise à supprimer la partie du message comportant l'anomalie (mutation) afin de rétablir le cadre de lecture et de permettre à la cellule de fabriquer la dystrophine manquante sous une forme plus courte, mais fonctionnelle. Cette technique, mise au point et appliquée en 2004 par des chercheurs de Généthon coordonnés par Luis Garcia et Olivier Danos, a permis de restaurer 90% de la protéine "normale" chez la souris (publication dans la revue Science, nov. 2004).

Tout récemment, un pas de plus a été franchi avec la réparation de cellules souches musculaires humaines de patients atteints de myopathie de Duchenne. L'équipe de chercheurs franco-italiens pilotée par Luis Garcia (Paris) et Yvan Torrente (Milan) a d'abord isolé ces cellules par prélèvement sanguin (5), d'une part, et directement dans le muscle, d'autre part. Ils ont ensuite "corrigé" in vitro la mutation du gène humain (DMD) via la technique du saut d'exon, en utilisant un dispositif composé d'un vecteur (lentivirus) codant le petit ARN (6) nucléaire U7. Puis, les cellules humaines "restaurées" ont été injectées dans des souris modèles de la myopathie de Duchenne (par voie intra musculaire et par voie intra artérielle). Résultat, près de 45 jours plus tard, les souris traitées expriment de la dystrophine humaine et présentent des performances musculaires améliorées.

Ces travaux démontrent qu'il est possible d'équiper des cellules souches musculaires de malades de ce dispositif, qui permet la réhabilitation de la dystrophine de façon pérenne. Ce qui laisse espérer la possibilité d'un traitement cellulaire autologue (7). Cette approche permet en effet d'agir sur la cellule du patient pour que ce dernier "refasse" du muscle. Elle comporte donc un intérêt particulier pour les patients dont le tissu musculaire est fortement endommagé. Loin d'être en concurrence avec les autres approches (thérapie génique directe par transfert de gène, pharmacogénétique), la technique imaginée par ces chercheurs se veut complémentaire et plus appropriée au stade avancé de la maladie, où l'objectif n'est plus seulement de réhabiliter ou de restaurer le gène manquant, mais de produire à nouveau du muscle.

Ces recherches ont reçu le soutien financier de l'Association française contre les myopathies (AFM), l'Association monégasque contre les myopathies, l'association Duchenne Parent Project France, l'Associazione La Nostra Famiglia Fondo DMD Gli Amici di Emanuele, l'Associazione Amici del Centro Dino Ferrari, le CNRS, ainsi qu'un financement européen (MyoAMP – FP6).

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