Recrudescence de la leptospirose en France métropolitaine au cours de l’été 2003 ?

La leptospirose est une zoonose due à plusieurs sérogroupes de l’espèce Leptopspira interrogans, pouvant atteindre l’homme par contamination, soit directe par contact avec des animaux infectés, soit indirecte par contact avec des eaux ou d’autres produits souillés par les urines des animaux infectés [1].

La surveillance de la leptospirose en France repose sur le centre national de référence (CNR) des leptospires à partir des prélèvements qu’il reçoit pour examen sérologique [2] ; dans ce cadre, sont définis :

-comme cas probables les patients pour lesquels le CNR avaitreçu un seul sérum et trouvé des IgM positives (en ELISA) et des IgG (en MAT) à un taux considéré par le CNR comme significatif ;

-comme cas confirmés les patients pour lesquels deux sérumsprélevés à au moins 15 jours d’intervalle avaient été reçus au CNR avec une séroconversion ou une élévation du taux en MAT.

Durant la troisième semaine d’ao ût 2003, plusieurs cas de leptospirose ont été signalés aux Directions départementales des affaires sanitaires et sociales (Ddass), aux Cellules interrégionales d’épidémiologie (Cire) et à l’Institut de veille sanitaire (InVS). Entre le 1er juin et le 18 ao ût, le nombre de sérologies positives recensées par le Centre de référence (CNR) des leptospires était plus élevé de 35 % par rapport à la même période de 2002.

Une investigation a été mise en œuvre afin de confirmer un possible excès de cas, de décrire les caractéristiques des cas, de rechercher l’origine des contaminations d’éventuels cas groupés et d’orienter les mesures de prévention et de contrôle.

MéTHODES

L’investigation a comporté deux parties : une investigation des cas survenus en France métropolitaine du 1er juin au 31 ao ût

2003 et une comparaison des cas identifiés par le CNR du 1er janvier au 31 ao ût 2003 avec les 20 années précédentes.

Investigation des cas survenus en France métropolitaine du 1er juin au 31 ao ût 2003

L’investigation a porté sur les cas, survenus entre le 1er juin et le probable 31 ao ût 2003, identifiés par le CNR ou signalés aux Ddass par les médecins.

Un cas a été défini comme une personne résidant en France métropolitaine avec des signes cliniques évocateurs de

leptospirose entre le 1er juin et le 31 ao ût 2003 avec, pour :

-un cas suspect : une ou plusieurs sérologies négatives disponibles mais réalisées précocement avant la montée des anticorps;

-un cas probable : une sérologie par test de microagglutination (MAT) positive à un titre supérieur ou égal à 100 ou présence

d’IgM à un titre supérieur ou égal à 800 ;

-un cas confirmé une séroconversion ou une augmentationsignificative du titre entre deux prélèvements à au moins 2 semaines d’intervalle (pour le sérogroupe Grippotyphosa, un seul titre ≥ à 100 en MAT à au moins 2 semaines du début des signes, pour les sérogroupes Panama et Australis, un seul titre ≥ à 200 en MAT à au moins 2 semaines du début des signes) ou un résultat positif en PCR.

Le recueil de données a été réalisé par téléphone par les médecins des Ddass, des Cire ou de l’InVS auprès des médecins traitants et des patients ou de leur famille, à l’aide d’un questionnaire standardisé collectant des informations cliniques et épidémiologiques sur l’exposition des cas à des facteurs de risque connus de leptospirose au cours des trois semaines précédant les premiers symptômes.

Comparaison des cas identifiés au CNR du 1er janvier au 31 ao ût 2003 avec les 20 années précédentes

La distribution géographique et l’évolution temporelle des cas identifiés par le CNR, du 1er janvier au 31 ao ût 2003 ont été décrites et comparées avec les données des 20 années antérieures pour la même période.

RéSULTATS

Investigation des cas survenus en France métropolitaine du 1er juin au 31 ao ût 2003

Description des cas

Parmi les 43 cas identifiés, 39 (28 confirmés, 6 probables et 5 suspects) ont pu être investigués.

Trente-six étaient des hommes (sexe ratio hommes/femmes = 12).

L’âge (37 cas renseignés) médian était de 42 ans (2 à 77 ans).

Trente-sept cas ont été hospitalisés et deux (un confirmé et un suspect) sont décédés. Le sérogroupe déterminé pour 21 cas était Icterohaemorrhagiae pour 13 cas (62 %), Grippotyphosa (4 cas), Australis (2 cas), Cynopteri (1 cas), et Bataviae (1 cas).

Les cas sont survenus entre le 2 juin et le 31 ao ût 2003 avec 22 cas (56 %) entre le 11 et le 24 ao ût (figure1). Les cas résidaient dans 21 départements différents (figure 2).

Description des expositions

Trente et un cas (79 %) avaient résidé dans un lieu considéré à risque : résidences (maisons ou camping) à la campagne, à proximité de rivières, étangs, bassins, puits ou décharges. Dix-sept (43 %) d’entre eux avaient constaté la présence de rongeurs à proximité de leur résidence.

Trente et un cas (79 %) ont eu des activités de loisirs en eau douce : baignade (25 cas, 64 %), canoë-kayak (3 cas, 8 %), pêche (15 cas, 38 %).

Douze (31 %) personnes signalaient des activités de jardinage et d’arrosage avec de l’eau ne provenant pas du réseau de distribution.

Vingt-trois (59 %) cas rapportaient des blessures qui avaient été en contact avec une eau autre que celle du réseau de distribution.

Vingt-cinq (64 %) cas avaient des contacts quotidiens ou fréquents avec un plusieurs chiens ; un cas signalait que deux chiens d’un voisin étaient morts peu avant de leptospirose.

Six cas (1,5 %) avaient eu des contacts directs avec des rongeurs et recrudescence de la leptospirose au cours de l’été 2003 en France métropolitaine [3].

un cas allait régulièrement à la chasse aux ragondins.

Cinq cas (13 %) avaient eu des expositions à risque de leptospirose lors d’activités professionnelles ou assimilées : un avait été en contact avec l’eau de la Seine lors d’une intervention comme pompier, un avait travaillé dans une animalerie vendant des rongeurs, un avait travaillé en contact avec de l’eau dans une carrière, un avait travaillé sur les berges d’une rivière et un dernier avait posé des canalisations d’égouts.

Le nombre de cas était relativement élevé dans trois départements : l’Aube avec 7 cas (5 confirmés, 2 suspects) les Ardennes avec 4 cas (3 confirmés, un suspect) et la Dordogne avec 7 cas (6 confirmés et un suspect). Dans l’Aube, 6 cas (4 confirmés dont 3 dus à L. Icterohémorragique et 2 suspects) s’étaient baignés dans des zones proches dans la Seine (figure 3). Dans les Ardennes, 3 cas (2 confirmés avec des sérogroupes différents et un suspect) s’étaient baignés dans la vallée de la Semoy.

En Dordogne, les cas étaient dispersés géographiquement et aucune exposition commune n’a été retrouvée.

Comparaison des cas identifiés par le CNR du 1er janvier au 31 ao ût 2003 avec les 20 années précédentes contact avec cours d'eau résidence lieu de travail Légende nature des expositions à risque N

Le CNR a identifié 161 cas du 1er janvier au 31 ao ût 2003. Ce nombre est légèrement supérieur à celui observé en 2002 (114) et en 2001 (127) (figure 4). La différence est observée essentiellement en Aquitaine (2003 : 33 cas, 2002 : 8 cas, 2001 : 12 cas) et à un moindre degré en Poitou-Charentes (2003 : 14 cas, 2002 : 8 cas, 2001 : 6 cas). Le nombre de cas observés au cours des huit premiers mois de 2003 reste cependant non exceptionnel si on le compare aux relevés des vingt dernières années. Ainsi, au cours des huit premiers mois de 1983, 1991, 1994 et 1996 avaient été enregistrés respectivement 207, 159, 184 et 269 cas.

CONCLUSION

Les résultats de ces investigations ne sont pas en faveur d’une recrudescence de la leptospirose au cours de l’été 2003 en France métropolitaine [3].

Les facteurs de risque retrouvés sont habituels et similaires à ceux mis en évidence dans l’étude réalisée en France métropolitaine en 2000 [4].

Seuls les cas diagnostiqués dans l’Aube pourraient être liés à une même source de contamination (baignade dans la Seine). Des mesures de contrôle et de prévention ont été prises localement, notamment, fermeture de baignades ou rappels sur les zones déjà non autorisées à la baignade, sensibilisation des médecins et des biologistes au diagnostic, information de la population et des pêcheurs sur la leptospirose et sur les mesures de prévention.

Le nombre de cas était relativement élevé en Aquitaine, région pour laquelle le CNR observe fréquemment un nombre de cas plus élevé. Ceci pourrait s’expliquer par une éventuelle augmentation des contacts avec les eaux douces dans un but récréatif en raison de la canicule qu’a connue la métropole entre le 15 juillet et le 15 ao ût. Cette région a, de plus, été touchée au début de la canicule par de violents orages qui ont lessivé les sols potentiellement souillés par les urines de la faune mammifère sauvage et domestique et ont pu conduire à une contamination accrue et durable des eaux de surface.

La sécheresse est habituellement plutôt un facteur défavorable au développement des leptospires. Ainsi, dans les années 70 où le nombre moyen de cas annuels détectés au CNR était de l’ordre de 150, l’année 1976, chaude et sèche avait été marquée par une endémie réduite avec 116 cas.

A la suite de cette investigation, il est apparu utile de développer un outil de détection précoce des excès de cas à partir des données du CNR et un protocole d’investigation des cas groupés. Un renforcement de la surveillance permettant de mieux connaître l’incidence et de détecter les cas groupés pourrait être mis en oeuvre dans les régions à incidence élevée,comme l’Aquitaine. Par ailleurs, une information pour le grand public sur la leptospirose et les moyens de prévention individuels existants sont actuellement en cours d’élaboration par un groupe de travail du conseil supérieur d’hygiène publique de France (section maladies transmissibles).

REMERCIEMENTS

Nous remercions les personnes des Cellules interrégionales d’épidémiologie Aquitaine, Centre-Est, Centre-Ouest, Est, Haute-Normandie, Ile-de-France, Midi-Pyrénées, Nord, Ouest, Pays de Loire, et des Directions départementales des affaires sanitaires et sociales des Ardennes (S. Roche, C. Corbel), de l’Aube (D. Gérome, J. Droguet) et de Dordogne (B. Andrillon, S. Coquet ) qui ont participé à cette investigation et aux médecins qui ont signalé les cas.

RéFéRENCES

[1] Baranton G et Postic D. La leptospirose humaine en France de 1986 à 1992. Méd Mal Infect (1993) 23 : 499-503 (N° spécial 2e CEMI). [2] Baranton G, Postic D. la leptospirose en France de 1998 à 2000. Surveillance nationale des maladies infectieuses. Institut de veille sanitaire, 2003. p. 203. [3] I. Capek, V. Vaillant. Leptospirose en France métropolitaine, été 2003. Institut de veille sanitaire, mai 2004. (http://www.invs.sante.fr/ publications/2004/leptospirose/index.htm). [4] A. Nardone, C Campèse, I. Capek. Les facteurs de risques de leptospirose en France Métropolitaine. Une étude cas-témoin, juillet 1999 - février 2000. Institut de veille sanitaire, novembre 2002. (http://www.invs.sante.fr/publications/2003/leptospirose/index.html).

Source

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