Prévention et prise en charge de la tuberculose en France Synthèse et recommandations du groupe de travail du Conseil supérieur d’hygiène publique de France (2002-2003)

Editorial par E. Bouvet pour le groupe de travail du Conseil supérieur d’hygiène publique de FranceTuberculose : agir plus tôt

Les précédentes recommandations officielles françaises concernant la prise en charge et la prévention de la tuberculose avaient été publiées dans un numéro spécial du BEH en 1997 [1]. Les textes constituant ces recommandations avaient été rédigés par un groupe de travail réuni sous la responsabilité du Conseil supérieur d’hygiène publique de France qui avait rendu ses conclusions en 1995. Elles étaient destinées aux praticiens cliniciens hospitaliers et aux médecins des structures de lutte, en particulier des dispensaires antituberculeux dont la responsabilité était confiée aux Conseils généraux des départements (décentralisation de la lutte antituberculeuse). La situation épidémiologique pendant cette période était marquée par la réaugmentation du nombre de nouveaux cas déclarés de tuberculose. Cette tendance avait alors été interprétée comme le résultat de l’impact de l’épidémie de sida sur l’épidémiologie de la tuberculose. Le texte reflétait une double crainte : celle de la transmission nosocomiale, en particulier dans les services de prise en charge de l’infection VIH, et celle de l’émergence de la multirésistance et de sa transmission comme cela avait été observé aux USA. Les recommandations visaient à éviter ce double écueil : traiter vite et bien les patients, qu’ils soient ou non infectés par le VIH, avec réaffirmation du principe du traitement quadruple pour éviter le risque de résistance secondaire et application des mesures d’isolement respiratoire au contact des patients contagieux hospitalisés. Il est bon de rappeler, à ce propos, que ces mesures qui nous paraissent actuellement évidentes n’étaient pas connues ni utilisées dans les hôpitaux dans les années 90 où les seuls masques disponibles étaient des « masques visiteurs en papier ».

Le contexte de 2003 est assez différent et a conduit le Conseil supérieur d’hygiène publique de France à demander à un nouveau groupe d’experts multidisciplinaire de produire des recommandations reflétant les problématiques nouvelles de la tuberculose en France. Ces recommandations sont avant tout destinées aux praticiens de terrain, hospitaliers, libéraux ou institutionnels qui prennent en charge les patients ou l’entourage des patients (Conseils généraux, médecins du travail). Elles doivent être assorties d’autres actions visant à améliorer la prévention et la prise en charge chez les personnes les plus à risque, plus particulièrement les migrants vis-à-vis desquels des actions plus structurelles doivent être menées et les « sans domicile fixe » dont les services de la ville de Paris et le Samu social s’occupent avec une particulière attention depuis plusieurs années.

La situation épidémiologique est actuellement marquée, comme cela est montré par l’Institut de veille sanitaire, par une stagnation de l’incidence de la tuberculose-maladie déclarée à 11 pour 100 000 depuis 1997, avec une grande disparité selon les régions, la région Ile-de-France représentant à elle seule près de la moitié des cas de tuberculose. à Paris, en particulier, le taux d’incidence a tendance à augmenter alors qu’il diminue dans les départements non situés en Ile-de-France. Cette forte incidence en Ile-de-France témoigne de la concentration de personnes à risque vivant dans la capitale et sa proximité : personnes vivant en situation de précarité sociale, migrants provenant de pays à forte endémie tuberculeuse et personnes infectées par le VIH. La part des personnes de nationalité étrangère est très importante à Paris, puisqu’elle représente environ la moitié des cas. L’incidence de la tuberculose augmente dans la population migrante depuis 1997, alors qu’elle diminue chez les nationaux. Ceci témoigne de l’augmentation de la tuberculose dans le monde et surtout dans les pays pauvres du Sud, particulièrement là où l’épidémie de sida est galopante [2].

Il est démontré que la plupart des cas de tuberculose chez les migrants surviennent dans les 5 ans qui suivent leur arrivée en France et qu’il s’agit principalement de réactivations de tuberculose-infections acquises dans le pays d’origine. Le même constat est fait dans la plupart des pays industrialisés du Nord où depuis quelques années la majorité des cas de tuberculose concerne les personnes de nationalité étrangère provenant de zones de forte endémie tuberculeuse. Les pays d’origine les plus pourvoyeurs de cas sont différents selon les pays riches et dépendent des relations historiques et de leur proximité géographique. En France, la plupart des cas chez les personnes étrangères concernent les personnes nées en Afrique subsaharienne chez qui l’incidence atteint 130 pour 100 000.

Par opposition, les cas de tuberculose chez les « sans domicile fixe » sont plus souvent liés à une transmission récente dans des centres d’hébergement [3]. La question la plus difficile dans ce groupe de population est celui du dépistage des tuberculoses-maladie, de leur traitement et de l’observance du traitement.

La réalité de la persistance d’une incidence élevée de la tuberculose dans notre pays et la concentration des cas en région parisienne chez des personnes migrantes et/ou socialement défavorisées doit conduire à proposer des actions de lutte adaptées.

Les principaux textes des recommandations actuelles sont destinés d’une part, à redéfinir de manière plus concrète et plus détaillée la prise en charge diagnostique et thérapeutique des patients atteints de tuberculose-maladie, mais surtout d’inciter, de compléter cette approche purement individuelle du patient malade par une approche

santé publique qui s’impose à tout professionnel de santé investi dans le domaine de la tuberculose. Il s’agit en effet d’insister d’une part, sur la nécessité pour le praticien de rechercher ou d’aider à rechercher les cas secondaires et/ou le cas index, de collaborer au système de surveillance par la déclaration obligatoire et le signalement des cas, de veiller à une bonne observance pendant toute la durée prévue du traitement, de vérifier le suivi et la guérison de chaque patient pris en charge et d’aider à réaliser cette prise en charge en prenant en compte le contexte social, culturel et économique du patient. Il s’agit d’autre part, de prendre en compte les « tuberculoses-infection latentes » repérées par la positivité des réactions cutanées tuberculiniques reposant sur l’intradermoréaction avec une nouvelle tuberculine dont l’interprétation, les indications, la technique sont redéfinies ici. L’importance de ces tests est d’autant plus grande que la revaccination par le BCG est en cours de suppression et que les tests tuberculiniques n’auront plus à être pratiqués en postvaccinal. Ils prendront donc toute leur valeur dans l’enquête autour d’un cas ou chez des personnes à risque. Le corollaire de la revalorisation des tests tuberculiniques est l’élargissement du traitement aux infections latentes récentes, seule possibilité de prévention de la tuberculose-maladie chez les personnes infectées à risque de développer une tuberculose-maladie.

Il est effectivement proposé de traiter par une mono ou une bithérapie les infections latentes, en commençant par les infections dépistées autour d’un cas, les infections chez les immunodéprimés et les migrants infectés les plus à risque.

D’autres aspects méritaient d’être précisés et font l’objet de chapitres spécifiques :

-le suivi des personnels exposés, en particulier des personnels de santé ;

-les mesures de protection respiratoire et surtout la définition de véritables masques de protection respiratoires normalisés (FFP1 ou FFP2) qui sont désormais sur le marché et qui seuls assurent une protection des personnes exposées vis-à-vis de l’inhalation des particules infectieuses ;

- l’intérêt des autres mesures environnementales en milieu hospitalier ;

-la mise à jour des techniques de laboratoire utiles au diagnostic et, dans certains cas, à l’enquête épidémiologique ;

- la conduite à tenir en cas de tuberculose contagieuse dans un vol international.

Ces textes sont destinés à venir aider le praticien dans sa démarche de diagnostic, de traitement et de suivi des patients. Ils n’abordent pas la question du BCG ni de ses indications, car ce sujet est traité par un groupe placé sous la responsabilité de l’Inserm. De plus, les avis qui en découlent doivent être concrétisés par des textes réglementaires, non encore parus à ce jour. Les points nouveaux ont été présentés au CSHPF pour avis et ont fait l’objet d’une décision consensuelle. Pour autant, il reste la place pour réflexions et débats, de façon à faire progresser les prochaines recommandations et les adapter au mieux à la réalité microbiologique et clinique, dans quelques années.

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