Infections néonatales : le génome du streptocoque B entièrement séquencé

Streptococcus agalactiae est une bactérie responsable d'infections néonatales sévères, à l'origine de 20% des méningites du nouveau-né. Sa séquence génomique est aujourd'hui publiée dans Molecular Microbiology par l'équipe de Frank Kunst et Philippe Glaser, du Laboratoire de Génomique des Microorganismes Pathogènes de l'Institut Pasteur, et celle de Patrick Trieu-Cuot, du laboratoire mixte Pasteur-Necker de Recherche sur les Streptocoques et Streptococcies. La découverte de nombreux gènes responsables du pouvoir pathogène de cette bactérie devrait faciliter l'identification de nouvelles cibles pour le développement d'un vaccin ou d'antibiotiques spécifiques.

Streptococcus agalactiae, le streptocoque du groupe B, est une bactérie communément trouvée dans le tractus digestif ou génital des adultes, chez lesquels la colonisation est le plus souvent asymptomatique. Mais elle est aussi responsable d'infections néonatales sévères (2 à 3 cas pour 1000 naissances) : c'est une des premières causes de septicémie, de méningite et de pneumonie chez les nouveau-nés. Elle est de plus à l'origine d'une morbidité et d'une mortalité non négligeable chez les personnes âgées et les individus souffrant de pathologies sous-jacentes (personnes immunodéprimées, diabétiques, cirrhotiques…). Par ailleurs, le streptocoque B est également un problème vétérinaire : il est considéré en Amérique du Nord comme une des principales causes d'infections mammaires chez les bovins.

Cinq différents sérotypes de ce streptocoque sont à l'origine de maladies chez l'homme. Le streptocoque B de sérotype III est particulièrement important car il est à l'origine d'un pourcentage significatif d'infections néonatales : il est notamment à lui seul responsable de 80% des méningites à streptocoques du nouveau-né.

La souche dont le génome a été séquencé par les chercheurs de l'Institut Pasteur est précisément une souche de Streptococcus agalactiae de sérotype III, isolé d'un cas mortel de septicémie.

Les chercheurs pasteuriens ont identifié un grand nombre de gènes potentiellement impliqués dans les interactions entre l'hôte et le pathogène, qui sont probablement des gènes-clé pour la virulence de la bactérie.

De plus, ces gènes ont une distribution originale dans le génome : on les retrouve groupés dans des " îlots de pathogénicité ". Cette organisation est unique chez les streptocoques (comme le montre la comparaison avec des génomes de streptocoques déjà séquencés : S. pneumoniae ou S. pyogenes), mais elle ressemble à celle observée chez des colibacilles (Escherichia coli) pathogènes.

Elle suggère l'acquisition de facteurs de virulence par " transfert horizontal ", c'est à dire par passage de fragments d'ADN mobiles d'une bactérie à une autre. Ces constatations sont très intéressantes du point de vue de l'évolution : S. agalactiae et E.coli sont deux bactéries commensales de la flore intestinale des mammifères, où co-habitent de très nombreuses bactéries d'espèces différentes. Il est probable qu'elles aient acquis graduellement dans le temps des facteurs de virulence provenant d'autres bactéries, donnant ainsi naissance à certains sérotypes pathogènes. L'émergence de certaines souches hypervirulentes du streptocoque du groupe B pourrait résulter de tels transferts horizontaux. Ce streptocoque pourrait aussi par ce biais, comme d'autres bactéries, acquérir des gènes de résistance aux antibiotiques.

Cette hypothèse devra être confirmée par des travaux de génomique comparative sur des souches de streptocoque B appartenant aux différents sérotypes, comme celle du sérotype V, dont le génome vient d'être séquencé aux Etats-Unis.

Mais les auteurs soulignent que cette flexibilité génétique, à l'origine de la diversité des souches isolées des cas cliniques, devrait d'ores et déjà être prise en considération pour le choix de nouveaux antigènes en vue de la mise au point d'un vaccin universel contre le streptocoque du groupe B.

Source :

"Genome sequence of Streptococcus agalactiae, a pathogen causing invasive neonatal disease" : Molecular Microbiology, 16 septembre 2002.

Philippe Glaser (1), Christophe Rusniok (1), Fabien Chevalier (1), Carmen Buchrieser (1), Lionel Frangeul (1), Tarek Msadek (2), Mohamed Zouine (1), Elisabeth Couvé (1), Lila Lalioui (3), Claire Poyart (3), Patrick Trieu Cuot (3) et Frank Kunst (1)

1. Laboratoire de Génomique des Microorganismes pathogènes, Institut Pasteur, Paris

2. Unité de Biochimie Microbienne, Institut Pasteur, Paris

3. Laboratoire Mixte Pasteur-Necker de Recherche sur les Streptocoques et streptococcies, Faculté de Médecine Necker, Paris

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