Cancer du rein métastatique, la néphrectomie s’impose-t-elle ?

Cancer du rein métastatique, la néphrectomie s’impose-t-elle ? 13 000 cancers du rein sont diagnostiqués chaque année en France. Parmi eux 20 % sont d’emblée métastatiques. Pour ces cancers, la prise en charge associe habituellement une néphrectomie suivie d’un traitement par thérapie ciblée. Présentée à l’ASCO à Chicago dimanche 3 juin, par son principal investigateur, le Pr Arnaud Méjean, l’étude CARMENA pourrait bien remettre en cause cette approche. L’étude sera publiée dans le NEJM1 le 4 juin.

D’après un entretien avec le Pr Arnaud Méjean, Responsable du Comité de Cancérologie de l’Association Française d’Urologie, Chef de service d’urologie à l’HEGP, investigateur principal de l’étude CARMENA.

 

Des petits saignements urinaires sont souvent le signe d’appel qui va conduire à la découverte d’un cancer du rein métastatique. Parfois même, c’est au décours d’un autre examen que la tumeur, jusqu’alors silencieuse, est identifiée. Un coup de tonnerre dans un ciel serein. Pour ces patients, la médiane de survie reste modeste, entre 10,9 et 26,8 mois selon le pronostic.

La prise en charge de ces cancers d’emblée métastatiques varie selon l’état de santé du patient. Pour les patients particulièrement graves, trop fragiles pour subir une chirurgie, le recours à la néphrectomie est exclu (performance status PS > 1). Pour tous les autres, le traitement de première intention consiste depuis 2005 en une néphrectomie suivie, dans un second temps, d’un traitement médical par Sunitinib, un inhibiteur de tyrosine kinase (SUTENT®), à raison de 50 mg pendant 4 semaines et 2 semaines off.

« Lorsque ces molécules sont sorties, elles ont rapidement montré leur capacité à ralentir la progression de la maladie. Nous nous sommes posé la question de savoir si la néphrectomie restait indispensable pour tous ces patients ou s’il fallait la réserver à certaines catégories »,explique le Pr Arnaud Méjean.

Pour les personnes en bon état général, avec une maladie métastatique de faible volume (petits nodules pulmonaires par exemple), la néphrectomie est nécessaire et le traitement médical par Sunitinib peut être retardé. Mais pour les patients ayant une maladie métastatique plus importante,cette option est-elle la plus adaptée ? II n’y avait jusqu’à présent aucune certitude à ce sujet. C’est ainsi qu’est né le protocole CARMENA. Carmena pour « CAncer, Rein, MEtastase, Nephrectomie, Antiangiogénique). Des études rétrospectives s’étaient déjà interrogées sur la pertinence de la chirurgie systématique dans le cancer du rein métastatique. CARMENA est la première étude prospective, randomisée sur le sujet.

450 patients, 8 ans de suivi, 79 centres

L’étude CARMENA, soutenue par l’APHP et financée dans le cadre d’un PHRC s’est déroulée entre 2009 et 2017. Elle a inclus 450 patients, suivis dans 79 centres, par des équipes pluridisciplinaires d’oncologie et d’urologie. Elle s’est déroulée principalement en France mais également au Royaume-Uni et en Norvège. Elle s’adressait aux patients porteurs d’un cancer du rein à cellules claires, métastatiques au moment du diagnostic, dont l’état de santé permettait l’opération (PS 0 ou 1, métastases limitées). Son objectif était de déterminer, si, pour ces patients, un traitement par SUNITINIB seul était ou non équivalent à l’approche traditionnelle associant la chirurgie et la thérapie ciblée. Il s’agissait donc d’une étude de « non infériorité », c’est-à-dire d’un essai visant à vérifier que le choix de ne pas faire subir de chirurgie aux patients n’entraînait pour eux aucune perte de chance.

Les patients ont été randomisés, divisés en deux bras, l’un recevant le traitement habituel (chirurgie puis Sunitinib), l’autre uniquement du Sunitinib (aux mêmes dosages et sur la même durée). L’âge moyen était de 63 ans dans le bras A (chirurgie puis thérapie ciblée), il était de 62 ans dans le bras B. 226 patients ont été inclus dans le bras standard et 224 dans le bras expérimental. Les typologies des patients étaient comparables.

Une survie non-inférieure

L’objectif principal de l’étude CARMENA était la survie globale. Les objectifs secondaires : la survie sans récidive, la réponse tumorale, le bénéfice clinique défini par le contrôle de la maladie au-delà de 12 semaines. D’autres critères étaient inclus comme le profil de tolérance.

La courbe de survie globale montre que sur un suivi médian de 50,9 mois, la survie médiane n’est pas inférieure dans le bras Sunitinib seul, comparé à l’autre bras : 18,4 mois versus 13,9 mois dans le bras standard (Hazard ratio de 0,89).

Cancer du rein métastatique, la néphrectomie s’impose-t-elle ?

« En termes statistiques, on peut donc conclure que le Sunitinib seul n’est pas inférieur au traitement chirurgie Sunitinib. Nous avons donc désormais la réponse à la question : les patients métastatiques, que l’on opérait systématiquement jusqu’à présent, peuvent être traités immédiatement par SUNITINIB sans qu’il soit nécessaire de les opérer préalablement. »

Sur les autres paramètres (survie sans progression, bénéfice clinique…), la différence est également en faveur du bras Sunitinib seul. Tous les paramètres vont dans le même sens.

« L’attitude consistant à privilégier la chirurgie, suivie d’un traitement médicamenteux doit être revue puisque nous avons pu montrer que les patients traités immédiatement par Sunitinib, sans chirurgie associée, n’avaient pas de perte de chance

Présentée ce dimanche à l’ASCO et publiée dans la prochaine édition de NEJM (4 juin 2018), cette étude devrait conduire à une révision des standardsdans le domaine de la prise en charge du cancer du rein d’emblée métastatique.

En chiffres

13 000 cancers du rein sont diagnostiqués chaque année en France.

– Cela représente 5 % de l’ensemble des cancers chez l’homme (3 %chez la femme).

20 % sont d’emblée métastatiques au moment du diagnostic.

– La médiane de survie se situe entre 10,9 et 26,8 mois.

[1]The New England Journal of Medicine

 

 

LAURIE MARCELLESI POUR L'ASSOCIATION FRANCAISE D'UROLOGIE

http://www.urofrance.org/base-bibliographique/une-premiere-lasco-un-urologue-en-seance-pleniere

 

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