Origine du VIH-1 : des Français apportent de nouvelles pièces au puzzle

Un pas de plus en faveur de la thèse selon laquelle le virus du sida, le VIH-1, a son origine chez les chimpanzés vient d’être franchi par une équipe française dirigée par des chercheurs de l’unité de biologie des rétrovirus de l’Institut Pasteur de Paris. Ils rapportent que des virus proches, identifiés chez des chimpanzés (SIVcpz) et chez l’homme (VIH-1 de groupe N), co-circulent dans une même région d’Afrique.

Publiée dans le numéro du Journal of Virology daté de janvier 2000, cette étude a été dirigée par Françoise Barré Sinoussi (Institut Pasteur, Paris). Elle a été menée en collaboration avec des chercheurs de l’Hôpital Bichat (Paris) et du Centre Pasteur de Yaoundé (Cameroun), ainsi que des biologistes britanniques et danois.

Elle a porté sur 29 chimpanzés sauvés à un âge très jeune par le Wildlife Rescue Center au Cameroun. Parmi eux, trois animaux étaient porteurs d’anticorps qui réagissaient avec le VIH-1 (séropositivité au VIH-1 au Western blot).

Identifiés sous les noms de code cam3, cam 4 et cam5, ces singes provenaient chacun d’une région différente du Cameroun. Deux animaux (cam3 et cam4) ont été élevés ensemble et maintenus dans un même enclos. Les analyses génétiques ont montré que les singes cam 3 et cam 5 appartenaient à la sous-espèce de chimpanzés Pan troglodytes troglodytes, présente en Afrique centrale, alors que cam 4 était de la sous-espèce P.t. vellerosus, présente en Afrique de l’Ouest.

Les données des analyses génétiques et sérologiques montrent que l’infection du singe cam5 a très probablement eu lieu dans la nature dans la mesure où l’échantillon analysé avait été prélevé très peu de temps après l’arrivée de cet animal au zoo. Il en a sans doute été de même pour le singe cam3. En revanche, le singe cam4 a été infecté en captivité.

C’est la première fois qu’on décrit une infection par SIVcpz chez un chimpanzé d’Afrique de l’Ouest. Les analyses sérologiques et génétiques suggèrent que le singe cam4 a été infecté par le singe cam3 en captivité. Il s’agit du premier cas documenté de transmission de SIVcpz entre sous-espèces de chimpanzés, en l’occurrence entre un singe d’Afrique centrale à un singe d’Afrique de l’Ouest.

Dans la mesure où ces deux animaux étaient des mâles, recueillis à l’âge 1 an et 2,5 ans, la transmission du virus de l’un à l’autre a pu se produire à l’occasion d’une morsure, et non par contact sexuel.

L’intégralité du génome du virus SIVcpz du singe cam3 a été séquencé. Les analyses montrent que ce virus est très proche d’un virus (SIVcpz-US) identifié chez un singe de la même sous-espèce de chimpanzés P. t. troglodytes capturé il y a environ 40 ans.

Les analyses révèlent surtout une parenté phylogénétique entre ce virus et le VIH-1 de groupe N qui circule au Cameroun. C’est dans ce pays que l’on observe la plus grande diversité de VIH-1 : les virus des trois groupe M, N et O y ont été identifiés. De plus, le Cameroun est le centre épidémiologique pour ce qui concerne les virus de groupe O.

Des virus apparentés présents dans la même région

Un des principaux résultats de cette étude est donc de montrer que la zone d’endémicité du VIH-1 N coïncide avec l’habitat naturel de chimpanzés porteurs d’un SIVcpz apparenté au VIH-1 N. Il s’agit là d’un argument de poids en faveur de l’hypothèse selon laquelle le SIVcpz serait l’ancêtre du VIH-1, autrement dit d’une transmission du virus du sida du chimpanzé à l’homme.

Cela dit, cette parenté entre le virus simien SIVcpz et le virus humain VIH-1 N est limitée au gène env qui code pour la protéine d’enveloppe. Le VIH-1 N et le virus SIVcpz de P. t. troglodytes divergent au niveau des gènes gag et pol.

Le virus VIH-1 N résulte donc vraisemblablement d’une recombinaison génétique entre deux ancêtres des virus N (virus apparentés au SIVcpz/US) et des virus M, majoritaires et responsables de la pandémie du sida. Cet événement de recombinaison s’est sans doute produit chez un chimpanzé, le virus recombinant passant ensuite chez l’homme. Il n’est cependant pas exclu que cette recombinaison soit survenue chez l’homme. La découverte d’un tel virus recombinant chez des chimpanzés permettrait évidemment de résoudre cette importante question.

A ce jour, " le génome entier d’un seul VIH-1 N est connu. Seule l’analyse génétique d’autres VIH-1 N ou apparentés à celui-ci chez les primates (homme inclus) approfondira nos connaissances sur l’origine du VIH-1 N ", écrivaient récemment à ce sujet les chercheurs pastoriens dans la revue Virologie.

" Des incertitudes encore plus grandes persistent sur l’origine des VIH-1 des groupes M et O. Même s’il est le plus probable qu’ils proviennent de deux transmissions indépendantes du SIVcpz du chimpanzé à l’homme, aucun SIVcpz très proche des VIH-1 des groupes M et O n’a été identifié jusqu’à présent ", ajoutaient Michaela Müller-Trutwin et Françoise Barré-Sinoussi.

Ces mêmes chercheurs notent dans le Journal of Virology qu’il se peut que les chimpanzés porteurs des ancêtres des VIH-1 de groupes M et O aient aujourd’hui disparu. " Cependant, les études de chimpanzés nés dans la nature sont trop limitées pour qu’on ne puisse exclure que des virus proches de VIH-1 M et O soient un jour découverts dans d’autres zones géographiques ou dans d’autres sous-espèces de chimpanzés ".

Source : Journal of Virology, janvier 2000, vol.74, n°1, 529-34. Virologie, 1999, 3: 363-5

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