Journée sans Toubib : Réactions des urgentistes aquitains

En plein mouvement de colère des professionnels de santé, Caducee.net a voulu faire le point sur la situation des services d'urgences, SAMU et SMUR de la Région Aquitaine et Poitou-Charente. Globalement, le soutien des urgentistes au mouvement de la "journée sans Toubib" est total. Ils estiment que ces revendications sont tout à fait justifiées. Les propos recueillis auprès de ces urgentistes mettent également l'accent sur le profond malaise de leur discipline. La situation est plus que critique dans les centres d'urgences avec de très importants problèmes d'accueil, d'hébergement des patients, de temps de travail sans repos de sécurité, de locaux inadaptés pour certains.

Certains centres 15 sont submergés d'appels dont la grande majorité ne relève pas de pathologies urgentes. Par ailleurs, l'ensemble des interviewés est d'accord pour mettre en avant l'absence de reconnaissance intra et extra hospitalière de la discipline.

L'engorgement des services d'urgences est un des problèmes majeurs du fonctionnement de ces services. C'est notamment l'avis du professeur Philippe Dabadie (Responsable de l'Unité Médicale Anesthésie Réanimation, Département des Urgences Adultes SAMU-SMUR , Hôpital Pellegrin - CHU Bordeaux).

"En France, on est incapable de poser les problèmes en terme de santé publique. Rien n’est fait pour prévenir l’afflux des patients y compris les urgences vitales, malgré une forte médicalisation et une formation des citoyens aux gestes d'urgence, une bonne organisation des prises en charge pré-hospitalière".

Selon lui, "deux exemples concrets" illustrent la situation actuelle:

- "en accidentologie routière, par rapport à la Grande-Bretagne en 2001, la France a 4 500 morts de trop et environ 100 000 blessés de trop.

- pour la prise en charge des inefficacités circulatoires d’origine coronarienne, le Danemark a un taux de survie de 27% alors que la France a un taux de survie de 2%. Sur 50 000 décès par an, 10 000 vies pourraient être économisées…"

Un autre élément majeur réside dans les contrastes entre les attentes des patients et les réponses fournies par les médecins. "Nos concitoyens sont des consommateurs de soins et nous ne proposons qu’une réponse curative. C’est un puits sans fond : seuls des choix politiques amélioreront la prestation globale pour un coût équivalent", observe à ce sujet le Pr P.Dabadie dans une interview accordée à Caducée.net.

Les conséquences du mouvement de grève "journée sans toubib" ne devraient qu'aggraver la situation dans ces services surchargés.

"Nous sommes au bord de l’explosion. Les effectifs ont été renforcés mais les praticiens sont surbookés", explique le docteur Paul Aye (Service des Urgences, Centre Hospitalier de Pau).

Ce dernier met également l'accent sur des rythmes de travail plus que soutenus : "Personne n’est de garde au SMUR 2 ce soir, je suis donc obligé de prendre la garde. Certains font 36 h d’affilée sans repos de sécurité. Cette semaine je vais faire 4 gardes. La situation s’est aggravée avec les épisodes récents d’épidémie respiratoire et gastro-intestinale, surtout chez les personnes âgées. Le Centre 15 est complètement paralysé."

Outre les difficultés posées par la recherche de place d'hospitalisation, le Dr Aye évoque le cas des patients admis aux urgences alors que leur situation ne le nécessitait pas. Ce phénomène ne fait qu'aggraver les délais de prise en charge.

"Ce mouvement crée une grande gêne pour les usagés : une personne de 87 ans, rentrée à 20h à l’hôpital a été admise aux urgences à 23h pour sortir à 2h du matin avec une simple ordonnance sans nécessité d’hospitalisation."

Le Dr Pascal Ancelin, Chef de service des urgences du Centre Hospitalier de Mont de Marsan, partage l'avis de ses confrères urgentistes sur les points précédemment évoqués.

Il estime également que les dysfonctionnements rencontrés sont aussi liés à la discipline elle-même et à son statut : "La médecine d’urgence doit se structurer en tant que discipline à part entière mais à condition de définir ce que l’on est et ce que l’on fait. Les urgences sont par définition des pathologies soudaines et inopinées (SROS) et un service d’urgence ne devrait avoir à prendre en charge que ce type de pathologie pour dispenser des soins de qualités."

Et d'ajouter que "Tant que les services hospitaliers gardent l’habitude et la facilité de faire passer leurs patients par les urgences en le transformant en centre de diagnostic rapide notre activité ne pourra satisfaire pleinement la mission qui lui est fixé."

En conclusion, le problème de l'hébergement des patients admis aux urgences est crucial. Un patient sur quatre qui est hospitalisé à partir des urgences est hébergé dans un service ne correspondant pas à son besoin en soins faute de place dans l’unité dont il relève. Cette situation oblige à gérer le quotidien en terme quantitatif au détriment de la qualité des soins.Par ailleurs, des journées consécutives de travail sans repos de sécurité et le manque de reconnaissance de l'activité des urgentistes constituent des facteurs essentiels du malaise de cette discipline.

L'intégralité des interviews de médecins urgentistes de 15 centres hospitaliers sont disponibles sur le site www.caducee.net.

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