Les enjeux de la vaccination ROR en France

La rougeole, les oreillons et la rubéole sont des maladies virales souvent considérées comme bénignes, parce qu’elles guérissent habituellement sans séquelles malgré l’absence de tout traitement étiologique efficace. Pourtant, leur évolution naturelle est loin de se faire toujours en ce sens.Il est possible d’éliminer ces trois maladies en France avec une couverture vaccinale d’au moins 95%

En termes de santé publique, la vaccination peut avoir trois buts :

  • Eradiquer la maladie, c’est ­à ­dire la faire disparaître sur l’ensemble de la planète ; c’est ce qui a été réalisé avec la variole ;
  • L’ éliminer, c’est­ à ­dire empêcher l’apparition de nouveaux cas sur un territoire donné ;c’est ce qui a été réalisé dans nos pays avec, par exemple, la typhoïde ;
  • L’ endiguer, soit diminuer son incidence dans une région donnée.

Pour des pathologies dans lesquelles le réservoir de virus est exclusivement humain, la réalisation de chacun de ces buts dépend de la proportion de la population effectivement vaccinée contre la maladie visée (c’est la « couverture vaccinale »).

Il n’est pas possible à court terme d’éradiquer la rougeole, les oreillons et la rubéole. En revanche, il est possible de les éliminer dans certaines régions du monde.

L’OMS estime que l’Europe peut atteindre cet objectif en 2010 si la couverture vaccinale est d’au moins 95% pour chacune de ces trois maladies. La France a souscrit à cet objectif en 1998.

Alors qu’en France, la couverture vaccinale stagne en dessous de 85%

Dans l’ensemble de l’Europe, la couverture vaccinale a fortement progressé, mais reste largement en dessous des recommandations de l’OMS.

En France, la couverture vaccinale de la rougeole à 2 ans progresse lentement depuis le début des années 90 (75% en 1992 à 86% en 2002). La couverture s'améliore avec l'âge (95% à 10 ans en 2002), ce qui montre une vaccination tardive des enfants par rapport au calendrier vaccinal.

Ces chiffres globaux masquent d’importantes disparités régionales, les écarts entre départements allant de 67 à 95% en 2002 pour les enfants de 2 ans. Globalement, la couverture vaccinale est moins bonne dans les départements du sud que du nord. L’Institut de Veille Sanitaire rappelle que la France est en situation de voir réapparaître des épidémies de rougeole. La Suisse (464 cas en 2003, 3 encéphalites) et l’Italie (40 000 cas en 2002, 12 encéphalites et 3 décès en Campania) on déjà connu cette situation 3 .

Pour la rubéole, la couverture vaccinale en France était de 84,2% à l’âge de 2 ans et 94% à l'âge de 6 ans en 2001. Une enquête nationale menée en 1998 a montré que 10% des jeunes femmes de 15 à 19 ans étaient séronégatives vis­à­vis de la rubéole 4 .

Ce qui est réalisable : l’exemple de la Finlande

Grâce à la stratégie adoptée par la Finlande dès 1982, aucun cas de rougeole autochtone n’y a été identifié depuis 1996 (les seuls cas identifiés sont importés). La Suède suit le même chemin.

Dans ces deux pays, les taux d’incidence des trois maladies sont aujourd’hui inférieurs à 0,5 pour 100 000 habitants.

Les objectifs de l’OMS :

2007 : élimination de la rougeole autochtone, incidence des oreillons inférieure à 1 pour 100 000 habitants, incidence de la rubéole congénitale inférieure à 0,01 pour 1000 naissances vivantes.

2010 : élimination certifiée de la rougeole et des oreillons.

La couverture vaccinale ROR chez les enfants de 24 mois en 2002

* Données de la DREES (Direction de la Recherche, des Etudes, de l’Evaluation et des Statistiques), Ministère de la Santé et de la Protection Sociale.

Cette carte de France montre une disparité Nord­Sud très claire, la ligne de partage étant la Loire. Certains départements du Sud ont ainsi une couverture vaccinale très insuffisante (inférieure à 85%). L’épidémie de rougeole survenue en 2003 dans les Bouches du Rhône en est une conséquence évidente ! A l’heure actuelle, un seul département, la Moselle (57), a atteint le taux de couverture vaccinale de 95% préconisé par l’OMS.

Les dangers de la « lune de miel »

Les progrès de la couverture vaccinale ont fortement diminué l’incidence des trois maladies et de leurs complications, mais pas suffisamment pour éliminer les risques

Depuis la fin des années 80, l’incidence des trois maladies a diminué de façon spectaculaire grâce à la progression de la couverture vaccinale.

Ainsi, en France, il y aurait eu 5 200 cas de rougeole en 2002, contre une moyenne de 500 000 cas par an avant la généralisation de la vaccination (le nombre de cas est difficile à évaluer exactement, car il est établi sur des critères cliniques, qui peuvent être sources d’erreurs). L’incidence des complications neurologiques a également fortement diminué (nombre de cas annuels avant la vaccination : 20 à 30 cas d’encéphalites aiguës ; 15 à 20 cas de pan encéphalites sclérosantes sub­aigües) 5 .

De même, l’incidence des oreillons est passée de centaines de milliers de cas par an au milieu des années 1980 à quelques milliers à la fin des années 1990.

Enfin, l’incidence des infections rubéoleuses pendant la grossesse est passée d’une moyenne annuelle de 29,5 cas pour 100 000 naissances entre 1976 et 1984 à environ 4,5 entre 1989 et 1992 6 .

En 2002, en France, il y a eu 21 cas d’infections rubéoleuses de la femme enceinte, avec 11 interruptions médicales de grossesse et un bébé atteint de rubéole congénitale malformative. Ainsi, l’incidence annuelle des infections rubéoleuses en cours de grossesse recensées en France métropolitaine en 2002 était de 1,84 pour 100 000 naissances vivantes 7 .

Diminution ne veut pas dire disparition. L’incidence des maladies n’étant pas nulle, celle de leurs complications ne l’est pas non plus.

La situation actuelle, qualifiée de "lune de miel", est trompeuse : la faible incidence des maladies s'accompagne d'une accumulation progressive des sujets non immuns, qui fait augmenter le risque de survenue d'épidémies sporadiques.

Ces risques ont une caractéristique nouvelle : les maladies apparaissent plus volontiers chez des sujets plus âgés

La proportion actuelle de Français vaccinés est insuffisante pour empêcher la circulation des virus responsables de la rougeole, des oreillons et de la rubéole. Cela a pour conséquence, outre l’augmentation du risque d’épidémies sporadiques, un déplacement générationnel, c’est­à­dire l’atteinte de plus en plus fréquente de grands enfants ou d’adultes par des maladies considérées jusqu’alors comme des maladies de la petite enfance.

Pour la rougeole, la proportion de sujets âgés de plus de 10 ans parmi les personnes malades passe de 13% en 1985 à 62% en 2002 8 . Deux pics épidémiques récents ont été relevés, en 1997 et en 2003 ; lors du premier, 48% des cas sont survenus chez des sujets de plus de 10 ans, dont des adolescents et des adultes ; lors du second, survenu dans le sud de la France, des adultes ont été atteints. Ce décalage augmente le risque d’encéphalite aiguë.

Pour la rubéole, des recrudescences du nombre de cas pendant la grossesse ont eu lieu en 1993­94, 1997 et 2000.

Pour les oreillons, environ 10% des sujets atteints sont des adultes .

Rougeole, oreillons, rubéole : "Finissons-en, vaccinons dés 1 an"

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