L’Ordre des médecins sous le feu des critiques après la suspension du Dr Damien Barraud

L’Ordre des médecins sous le feu des critiques après la suspension du Dr Damien Barraud La sanction disciplinaire visant le Dr Damien Barraud, accusé d’injures publiques après des échanges houleux sur les réseaux sociaux, a suscité un vif émoi dans la profession médicale. À travers une tribune parue dans Le Point, de nombreux soignants dénoncent des irrégularités de procédure et s’interrogent sur le rôle protecteur de l’Ordre des médecins face à la multiplication des plaintes orchestrées par des groupes antivax.

Un médecin sous pression

En 2020, au plus fort de la crise du COVID-19, le Dr Damien Barraud, anesthésiste-réanimateur à l’hôpital de Metz-Thionville, recevait des menaces de mort pour avoir défendu la vaccination sur les réseaux sociaux (Petit Bleu, 8 septembre 2021). Cinq ans plus tard, ce médecin engagé se retrouve à nouveau ciblé, non par des anonymes, mais par l’Ordre des médecins lui-même. Une tribune publiée le 18 juillet 2025 dans Le Point, signée par près de 100 soignants, scientifiques et citoyens, dont l’ancienne ministre de la Santé Agnès Buzyn, dénonce un « harcèlement ordonné » orchestré par l’association antivax BonSens.org, avec la complicité apparente de l’Ordre. Cette affaire, marquée par des irrégularités juridiques et un conflit d’intérêts, soulève des questions brûlantes sur la liberté d’expression des médecins, l’impartialité des institutions ordinales et la lutte contre la désinformation.

Cette sanction disciplinaire, rare et d’une portée symbolique forte, suscite une inquiétude profonde parmi les soignants : au-delà du cas particulier de Damien Barraud, c’est la capacité de l’Ordre à garantir la liberté de parole scientifique et la protection de ses membres qui est aujourd’hui questionnée par toute la profession.

Contexte : un combat contre la désinformation

Le Dr Damien Barraud, connu sur twitter à l'époque sous le pseudonyme @fluidloading, est une figure de la lutte contre les théories complotistes, particulièrement celles relayées par les partisans du professeur Didier Raoult, promoteur de l’hydroxychloroquine comme traitement controversé du COVID-19. Avec 13 000 abonnés et plus de 68 000 messages postés en 2021, Barraud utilise les réseaux sociaux pour défendre la science et la vaccination, souvent avec un ton incisif. Ses prises de position lui ont valu un soutien fervent, comme celui de Marie-Odile Saillard, directrice de l’hôpital de Metz-Thionville : « J’ai du respect, de l’estime pour les gens qui défendent des idées de manière étayée, en conscience » (ici.fr). Mais elles lui ont aussi attiré l’hostilité de groupes comme BonSens.org, qui se présente comme un défenseur des « libertés de santé ».

La sanction : une réponse controversée

Le 13 juin 2025, la chambre disciplinaire de première instance du Grand-Est prononce une sanction contre le Dr Barraud : une interdiction d’exercer pendant trois mois, dont un mois ferme, effective à partir du 1er septembre 2025. Cette décision découle d’une plainte déposée le 17 octobre 2024 par Jean-Yves Capo, membre fondateur de BonSens.org, reprochant au médecin des « injures publiques » et des messages « insultants et diffamatoires » sur X. Parmi les tweets incriminés, l’un, particulièrement virulent, déclare : « Merci de rédiger vos directives anticipées pour dire qu’en cas d’agonie vous refusez toute sédation analgésie. Je me ferai un plaisir de vous regarder étouffer avec les yeux sortant des orbites ».

Le Conseil départemental de l’Ordre des médecins de la Moselle (CDOM 57) s’est associé à cette plainte, reprochant également à Barraud un manque de confraternité envers d’autres médecins, notamment ceux de l’IHU Méditerranée, et des commentaires désobligeants sur l’Ordre, comme : « Les médecins de l’Ordre sont juste nuls à part le chou du cognac dans le petit salon ».

L’affaire ne s’arrête pas là. Une deuxième plainte, déposée par un autre membre de BonSens.org, a été transmise par le CDOM 57 à la chambre disciplinaire. Un troisième plaignant, également affilié à l’association, s’est vanté publiquement sur X d’avoir saisi l’Ordre, suggérant une campagne coordonnée (Le Point, 18 juillet 2025). Les signataires de la tribune qualifient cet enchaînement de « harcèlement organisé et concerté ».

Les arguments de BonSens.org : une défense de la « liberté de santé »

BonSens.org se présente comme une association défendant la « liberté de choix thérapeutique » et contestant les politiques vaccinales, qu’elle juge imposées sans fondement scientifique suffisant. Dans le contexte de l’affaire Barraud, les plaignants affirment que ses tweets, par leur ton injurieux et menaçant, violent les principes éthiques de la profession médicale, notamment l’obligation de respect envers le public et les confrères. Ils soutiennent que de tels propos discréditent la médecine et justifient une sanction disciplinaire.

Selon FranceSoir, proche des positions de BonSens.org et lui-même décrié pour ses positions antivax, les tweets de Barraud, comme celui sur les « directives anticipées », constituent une atteinte grave à la déontologie, en raison de leur violence verbale et de leur caractère provocateur (FranceSoir, 19 juin 2025). Cependant, les critiques soulignent que BonSens.org, souvent associée à des théories complotistes, manque de crédibilité scientifique, et que ses plaintes pourraient viser à museler un adversaire idéologique plutôt qu’à défendre l’éthique.

Un style controversé

Les tweets incriminés par l’Ordre, bien que souvent rédigés dans un contexte de provocation face aux attaques répétées des antivax, ont suscité une controverse légitime. Le ton agressif de certains messages, comme celui sur les « directives anticipées », a choqué, y compris au sein de la communauté médicale. Ces propos, même s’ils visaient à dénoncer l’absurdité des positions antivaccins, ont été perçus comme incompatibles avec l’exigence de retenue imposée par le code de déontologie médicale. L’Ordre reproche également à Barraud un manque de confraternité, notamment dans ses critiques acerbes de l’IHU Méditerranée et de ses membres.

Pour les soutiens de Barraud, comme le Dr Mathieu Wargon, estiment que ces tweets doivent être contextualisés : « Notre confrère réanimateur Damien Barraud est suspendu parce qu’il a résisté contre les vagues de merde qui le visaient pendant des années. On nous dit que sans le Conseil national de l’Ordre des médecins nous ne serions pas défendus pour justifier la très forte cotisation. La preuve que c’est le contraire ! Soutenons notre confrère. » (Linkedin). Ce contexte de harcèlement, incluant des menaces de mort dès 2020, suggère que Barraud était sous pression, ce qui pourrait expliquer, sans l’excuser, la virulence de ses propos.

Une procédure entachée d’irrégularités juridiques

La tribune du Point met en lumière des irrégularités graves dans la procédure disciplinaire. Un conflit d’intérêts majeur est dénoncé : une responsable du CDOM 57, impliquée dans la gestion de la plainte, entretiendrait un « passif personnel » avec le Dr Barraud. Selon le droit français, notamment un arrêt du Conseil d’État du 5 juillet 2000 (n°2023144), et l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme, l’impartialité est une condition essentielle d’une procédure équitable. Cette responsable aurait dû se récuser pour éviter tout biais, une obligation légale dont l’absence est pointée par les signataires de la tribune (Le Point, 18 juillet 2025).

De plus, Xavier Azalbert, président de BonSens.org, a été condamné en décembre 2024 pour diffamation envers Barraud, un précédent que l’Ordre aurait dû prendre en compte pour évaluer la crédibilité des plaignants. Enfin, la présence d’une avocate défendant à la fois BonSens.org et participant à la procédure disciplinaire soulève des questions d’éthique. Pour les auteurs de la tribune, « ce que vit le Dr Barraud n’est pas une procédure disciplinaire normale. Ils y voient une instrumentalisation de l’Ordre par des militants radicaux et un procès à portée idéologique. » (Le Point)

Si l’on sacrifie la vérité, que restera-t-il de la médecine, et de la science ?

L’Ordre trahit il sa mission ?

L’Ordre des médecins, censé protéger la profession et les patients, est accusé de trahir sa mission. Le Dr Jérôme Marty, président de l’Union française pour une médecine libre, dénonce une institution qui « devient l’arme des complotistes » (Le Point). Cette affaire s’ajoute à d’autres scandales, comme ceux rapportés par Jim.fr sur des sanctions controversées de médecins pour leurs propos publics. Les signataires demandent des mesures concrètes : le retrait des compétences du CDOM 57 dans cette affaire et l’annulation de la sanction par la chambre disciplinaire nationale. Ils avertissent : « Si on peut abattre un réanimateur pour avoir défendu la science, alors plus aucun d’entre nous n’est à l’abri » (Le Point).

L’affaire Barraud dépasse le cadre disciplinaire. Elle illustre les défis auxquels font face les médecins dans un contexte de polarisation et de désinformation. Les réseaux sociaux, arme à double tranchant, permettent de contrer les fake news, mais exposent les praticiens à des campagnes de harcèlement. La sanction de Barraud risque de décourager d’autres soignants de s’exprimer publiquement, au détriment de la lutte contre la désinformation. Comme l’écrivent les signataires : « Si l’on sacrifie la vérité, que restera-t-il de la médecine, et de la science ? »

 

« L’acharnement contre Damien Barraud est choquant et très préoccupant. Son crime ? Avoir défendu la vaccination, la science et la médecine fondée sur les faits !
Le Conseil de l’Ordre ne peut plus rester silencieux ! » Pr Agnès Buzyn

Vers une réforme de l’Ordre

L’affaire Damien Barraud révèle les failles d’une institution ordinale qui, loin de protéger ses membres, semble parfois céder aux pressions idéologiques. Les irrégularités juridiques et le contexte de harcèlement soulignent l’urgence d’une réforme : des procédures transparentes, des comités indépendants pour gérer les conflits d’intérêts, et des guidelines claires sur l’usage des réseaux sociaux par les médecins. Soutenu par une communauté médicale mobilisée, le Dr Barraud incarne le courage de ceux qui défendent la science face à l’adversité. L’Ordre doit choisir : sera-t-il un rempart pour les soignants ou une arme pour leurs détracteurs ?

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