Assurance maladie : un plan de 3,9 milliards d’euros d’économies en 2026

Assurance maladie : un plan de 3,9 milliards d’euros d’économies en 2026 Face à un déficit structurel qui pourrait atteindre 41 milliards d’euros d’ici 2030, l’Assurance Maladie propose 60 mesures destinées à redresser ses comptes. Prévention, pertinence des soins, réorganisation des parcours : une feuille de route ambitieuse, mais parfois clivante, qui impactera directement les pratiques professionnelles.

Un déficit croissant et une alerte sur la soutenabilité

Le rapport « Charges et Produits » pour 2026, présenté le 24 juin, tire la sonnette d’alarme : après un déficit estimé à 13,8 milliards d’euros en 2024, celui-ci pourrait grimper à 16 milliards en 2025, et atteindre 19,4 milliards dès 2029 sans inflexion majeure. En cause, des dépenses structurelles en hausse, liées notamment aux effets durables du Ségur de la santé et à l’explosion des affections de longue durée. Le nombre de patients pris en charge à 100 % au titre des ALD pourrait passer de 14,1 millions en 2023 à 18 millions en 2035.

La CNAM chiffre à 3,9 milliards les économies possibles dès 2026, pour un total de 22,5 milliards à l’horizon 2030. « L’Assurance maladie est à un tournant », a affirmé Thomas Fatôme, son directeur général, appelant à des « choix structurants » pour garantir la soutenabilité du système.

Réduire les dépenses en réorganisant les soins

Une partie importante du plan vise à mieux organiser la prise en charge des pathologies chroniques, responsables de 75 % des dépenses. La CNAM propose une approche plus graduée avec la création d’un statut de « risque chronique » en amont de l’ALD, afin de déclencher un accompagnement précoce sans prise en charge à 100 %. L’entrée et la sortie du dispositif ALD pourraient également être rendues plus dynamiques, notamment pour les patients en rémission de certains cancers.

Autre levier : la structuration des parcours de soins, avec l’introduction de nouveaux métiers tels que les référents de parcours, et le renforcement du rôle des CPTS dans la coordination ville-hôpital. L’objectif est d’éviter les redondances et les hospitalisations évitables, tout en favorisant le maintien à domicile.

Mesures sensibles : des lignes rouges pour certains acteurs

  • Transfert des arrêts de courte durée vers l’employeur : envisagé pour les 7 premiers jours d’arrêt, ce transfert ferait peser la charge financière sur les entreprises, avec une journée de carence supplémentaire à la clé.
  • Obligation vaccinale contre la grippe pour les soignants en EHPAD : cette mesure, jusqu’ici incitative, pourrait devenir contraignante.
  • Recentrage du statut ALD : la sortie de certaines pathologies en rémission (cancers, diabètes non compliqués) du régime à 100 % pose la question du coût pour les patients et de l’équité.

Ces points seront probablement débattus au sein du Conseil de la CNAM et lors des discussions parlementaires, avec des arbitrages sensibles entre équité, soutenabilité et acceptabilité sociale.

Réinterroger les pratiques médicales et les arrêts de travail

La maîtrise des indemnités journalières est un autre axe fort. L’Assurance Maladie envisage de limiter la durée des arrêts prescrits (hors ALD), de responsabiliser les employeurs sur les arrêts courts, et de supprimer le régime des ALD non exonérantes. Ces mesures suscitent des réserves, mais la CNAM les justifie par une dérive continue des IJ depuis la pandémie.

Sur le champ des soins, le rapport met aussi en lumière des situations de rente et de surcoûts évitables. Une régulation plus stricte des prix des médicaments, la promotion de la déprescription, l’extension de l’ambulatoire ou encore la lutte contre les fraudes sont autant de pistes pour garantir un meilleur usage des ressources sans dégrader la qualité des prises en charge.

Une mobilisation attendue des professionnels

Quel avenir pour la médecine libérale ?

Avec ce plan, l’Assurance Maladie redéfinit en profondeur les contours du pilotage médical : les praticiens de ville sont appelés à devenir non seulement des prescripteurs, mais aussi des gestionnaires de population. La coordination, la participation à la prévention, et la responsabilité dans la soutenabilité deviennent centrales.

Cette évolution pose la question du maintien de l’autonomie clinique face à une logique de contractualisation croissante. Elle ouvre aussi des perspectives de valorisation pour les médecins souhaitant s’engager dans des logiques territoriales, mais impose en contrepartie une standardisation renforcée, un reporting régulier, et une adaptation rapide aux outils numériques et aux référentiels collectifs.

Ce qui pourrait changer dès 2026

  • Limitation des durées d’arrêt de travail : les médecins devront respecter des durées cibles selon pathologie, sauf justification médicale argumentée.
  • Déremboursement partiel ou total de certaines prestations : les cures thermales, dont l’intérêt médical est jugé insuffisant, pourraient être sorties du panier de soins à 100 %.
  • Utilisation obligatoire du DMP : la facturation de certains actes pourrait être minorée si le dossier n’est pas alimenté.
  • Extension de l’ambulatoire : une seconde vague de déploiement est prévue, avec des incitations ciblées dans les territoires à forte capacité hospitalière.
  • Expérimentation de contrats populationnels : dans certaines régions pilotes, les CPTS pourraient percevoir une part de financement en fonction d’indicateurs de santé publique.

Ces dispositions, si elles sont confirmées, engageront dès 2026 des adaptations organisationnelles importantes pour les équipes de soins, libérales comme hospitalières.

Ces orientations impliquent une transformation profonde du système, que la CNAM souhaite coconstruite avec les acteurs. Le rapport a été élaboré pour la première fois avec l’ensemble des organisations siégeant au Conseil de la Cnam, même si certaines mesures restent débattues. Les professionnels de santé sont appelés à jouer un rôle clé, notamment sur le front de la prévention, qui reste un axe stratégique majeur, avec l’objectif de freiner la progression des pathologies chroniques.

Quelles implications concrètes pour les professionnels de santé ?

1. Pratiques cliniques : vers une normalisation accrue

  • Encadrement des prescriptions : les outils d’aide à la décision clinique deviennent incontournables (IA, ordonnance numérique). L’Assurance Maladie incite à une homogénéisation des pratiques et à une adhésion aux référentiels.
  • Déprescription : les médecins devront intégrer une logique de désescalade thérapeutique, notamment pour les traitements jugés peu pertinents. Des retours d’information comparatifs entre pairs seront développés.

2. Organisation des soins : transformation des rôles

  • Nouveaux métiers : la création de fonctions telles que "référent de parcours" ou "infirmier coordinateur" implique une redistribution des tâches, notamment dans la gestion des maladies chroniques.
  • Coordination renforcée : les CPTS verront leur rôle étendu dans le pilotage territorial des soins, avec des responsabilités accrues dans la prévention, l’organisation des parcours et les sorties d’hospitalisation.

3. Encadrement des arrêts de travail

  • Révision des conditions de prescription : limitation de la durée des arrêts (hors ALD), contrôle renforcé de la pertinence médicale, responsabilisation des employeurs.
  • Disparition des ALD non exonérantes : cette mesure vise à clarifier les régimes tout en réorientant les financements vers les cas les plus lourds.

4. Prévention : participation active exigée

  • Campagnes systématiques : les professionnels seront sollicités dans les dispositifs de dépistage et de vaccination, avec des objectifs chiffrés.
  • Bilan de prévention en entreprise : un format standardisé pourrait être proposé, incluant des actes à réaliser en ville ou en pharmacie.

5. Rémunération et incitations économiques

  • Rémunération conditionnée : l’atteinte d’objectifs de qualité ou d’efficience pourrait conditionner une part variable de la rémunération, comme dans le dispositif IFAQ à l’hôpital ou les ROSP en ville.
  • Contrats populationnels : des accords pourraient lier la rémunération à la gestion d’un bassin de patients (logique de "responsabilité populationnelle").

6. Transparence, contrôle, responsabilité

  • Facturation surveillée : l’alimentation du DMP devient obligatoire pour certains actes, sous peine de tarification minorée.
  • Lutte contre la fraude : détection automatisée, recoupement avec les complémentaires, sanctions renforcées.
Cette réforme, conçue comme un levier de soutenabilité, introduit une redéfinition profonde du rôle des professionnels de santé : soigner reste central, mais dans un cadre plus contraint, plus coordonné et plus mesuré économiquement.

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