Les effets physiologiques et comportementaux du GHB ou « drogue des violeurs » sur le thalamus

Nathalie Leresche directrice de recherche au CNRS et ses collaborateurs du Laboratoire de neurobiologie des processus adaptatifs (CNRS-Université Paris 6) en collaboration avec le groupe de Vincenzo Crunelli (Université de Cardiff, UK) ont étudié les effets de l’acide gamma-hydroxybutyrique (1) ou GHB plus connu du grand public sous le nom de « drogue des violeurs » dans une région clef du système nerveux impliquée dans le sommeil : le thalamus. Ces recherches ont permis de relier pour la première fois les effets du GHB au niveau cellulaire à ses effets comportementaux. Ce travail a été effectué dans le cadre du programme de recherche international lancé en 2001 par le National Institute of Drug Abuse (NIDA-National Institute of Health, USA) en raison de l’augmentation de la consommation illicite de GHB. Publié le 11 décembre 2003 dans « Journal of Neuroscience », il a été soutenu par le NIDA et la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie.

En dépit de ses nombreux effets neurologiques bien connus (propriétés hypnotiques, effets euphorisants et désinhibiteurs…), le mécanisme d’action du GHB sur les neurones du système nerveux central est encore très mal connu, alors même que le GHB est présent dans le cerveau de manière naturelle à une très faible concentration. Par exemple, les cibles du GHB, la nature des récepteurs qui reconnaissent cette molécule sont encore controversés et les effets du GHB sur l’excitabilité des neurones et des réseaux neuronaux restent largement ignorés. Ces recherches qui caractérisent les effets du GHB au niveau thalamique contribuent de manière essentielle à la compréhension des effets de cette drogue sur le sommeil.

Les neurones de la région du thalamus présentent une activité électrique oscillatoire rythmique pendant les phases profondes de sommeil. Ce comportement caractéristique peut être modifié par la libération de molécules comme l’acide gamma-aminobutyrique (GABA) et le glutamate qui sont respectivement les principaux neurotransmetteurs de l’inhibition et de l’excitation dans le système nerveux central. Ces chercheurs ont montré que le GHB active spécifiquement un type de récepteurs au GABA : les récepteurs GABA-B. Selon les doses administrées, différents mécanismes sont mis en jeu.

A faibles doses (250?M dans le liquide céphalorachidien), le GHB agit au niveau des synapses qui contactent les neurones du thalamus et provoque un déséquilibre dans le rapport entre les informations excitatrices et inhibitrices reçues par les neurones. Ce déséquilibre induit des activités rythmiques pathologiques identiques à celles observées pendant les crises d’épilepsie non-convulsives, de type « absence », qui se caractérisent par des pertes de conscience. Cette forme d’épilepsie a été observée chez les singes lors de l’administration de faibles doses de GHB.

A des doses plus élevées, correspondant aux concentrations associées aux effets hypnotiques, le GHB réduit la libération de glutamate et de GABA, ce qui entraîne une diminution des informations reçues par les neurones thalamiques. De plus, à ces concentrations, le GHB agit directement sur les neurones qui développent alors l’activité oscillante caractéristique des phases profondes du sommeil.

Ainsi l’effet hypnotique du GHB, comme sa capacité à normaliser les rythmes du sommeil et à induire certains types d’épilepsie, s’explique, pour l’essentiel, par son action sur l’activité des réseaux de neurones thalamiques.

(1) En 1964, Henri Laborit synthétise un nouveau composé, l’acide gamma-hydroxybutyrique ou GHB, qui se révèle avoir des propriétés hypnotiques. Dans la ligne de cette observation, le GHB fut utilisé en clinique comme anesthésique puis, plus récemment, dans le traitement de la narcolepsie, une pathologie des rythmes du sommeil. Jusqu’à son inscription sur la liste des stupéfiants en 1999, le GHB était en vente libre mais la simplicité de la structure chimique de cette molécule, qui est produite par le métabolisme de l’acide gamma-aminobutyrique (GABA), permet une synthèse aisée de cette drogue et un approvisionnement facile. La consommation non contrôlée de GHB, outre son aspect criminel, comporte d’importants risques de toxicité. L’ingestion de fortes doses de GHB provoque une dépression respiratoire qui peut conduire au coma. En outre, l’usage répété de GHB crée une dépendance pouvant amener un état de manque prolongé et sévère.

(2) Le GHB a été adopté par les milieux culturistes pour développer la masse musculaire en raison de son effet sur la libération endogène de l’hormone de croissance. Depuis le début des années 1990, des utilisations illicites du GHB ont vu le jour. En effet, à très faibles doses, le GHB a des effets euphorisants et désinhibiteurs, ce qui a conduit à un usage récréatif de cette drogue. Dans ce contexte, le GHB est souvent désigné sous l’appellation d’ « extasie liquide ». Parallèlement à cette consommation volontaire, des doses plus élevées de GHB administrées de manière criminelle induisent une hypnose associée à une amnésie; cet usage en particulier dans le cadre d’affaires de viol a conduit les médias à désigner le GHB comme la «drogue des violeurs ».

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