Analyse et retour d’expérience sur le paiement en équipe de professionnels de santé (Peps) dans 16 centres de santé

Analyse et retour d’expérience sur le paiement en équipe de professionnels de santé (Peps) dans 16 centres de santé L'IRDES vient de publier une étude sur l'expérimentation du Paiement en équipe de professionnels de santé (Peps) dans 16 centres de santé en France. Elle vise à encourager la coordination des soins et à transformer le modèle de rémunération des professionnels de santé en France, remplaçant le paiement à l'acte par un système forfaitaire.

L'objectif principal de cette réforme est d'améliorer la qualité des soins en favorisant une meilleure coordination entre les professionnels de santé, notamment dans les Centres de santé (CDS), et d'optimiser l'efficacité des dépenses de santé.  Cette étude explore les conditions d'engagement des centres dans l'expérimentation Peps, ses effets sur le travail des équipes de soins primaires, et les paradoxes et défis rencontrés. Elle met en lumière l'impact de ce modèle de rémunération sur la coordination des soins, la solvabilisation des pratiques, et la légitimation des pratiques de coordination.

Profil des centres de santé 

Les Centres de santé (CDS), en tant que structures d'exercice groupé de professionnels de santé salariés, sont obligés de développer un projet de santé validé par l'Agence régionale de santé (ARS) et de pratiquer le tiers-payant. En 2021, il y avait plus de 2 500 CDS en France, dont 582 pluriprofessionnels, et 87 % d'entre eux étaient à but non lucratif. Ces CDS pluriprofessionnels varient en termes de statut, avec près de la moitié étant associatifs et un cinquième municipaux.

L'étude a révélé que les CDS impliqués dans PEPS varient en termes de structure (municipaux, associatifs, coopératifs) et de motivation économique. Malgré la pression économique différente, les CDS municipaux, bénéficiant de subventions d'équilibre, sont plus nombreux à s'engager dans PEPS. Le nombre de CDS expérimentant PEPS est resté inchangé, indiquant un engagement durable, malgré la diminution du nombre de Maisons de Santé Pluriprofessionnelles (MSP) participant à l'expérimentation.

Les CDS municipaux, souvent les plus anciens, sont majoritairement situés dans les banlieues parisiennes. Les CDS associatifs, en revanche, se concentrent sur les besoins de santé à l'échelle communautaire et sont influencés par des pratiques de soins développées en Amérique du Sud et du Nord depuis les années 1950-1970.

Le financement des CDS est complexe et spécifique à chaque structure. Avant PEPS, une grande partie de leurs ressources provenait de l'Assurance maladie, complétée par des subventions diverses. Les CDS municipaux bénéficient de subventions municipales plus stables, contrairement aux CDS associatifs et coopératifs qui dépendent davantage de financements externes pour équilibrer leur budget. Cette complexité et fragilité budgétaire expliquent en partie leur engagement dans l'expérimentation PEPS, visant à stabiliser économiquement ces structures.

Pour une semaine de travail de 35 heures, les rémunérations des médecins généralistes exerçant dans les Centres de santé diffèrent selon le type de structure. Dans les CDS municipaux, leur salaire net mensuel se situe entre 4 500 et 5 200 euros, tandis qu'il varie de 3 800 à 4 700 euros dans les CDS coopératifs. Pour les CDS associatifs à vocation communautaire, le salaire est d'environ 2 200 euros par mois. Ces montants sont inférieurs à ceux perçus en moyenne par les médecins libéraux exerçant dans les Maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP), où le revenu moyen était de 7 600 euros en 2017. La charge de travail hebdomadaire est généralement plus élevée dans les MSP, avec une moyenne de 53 heures déclarées.

Impact financier

PEPS introduit un financement forfaitaire qui représente une portion significative, mais pas la totalité, des ressources directes des CDS.

La définition du forfait PEPS a été un élément central des discussions. Il a été décidé que ce forfait serait versé annuellement par patient inscrit chez un médecin traitant en CDS. Cette approche a pour but de fidéliser la patientèle et de promouvoir la continuité des soins.

Cette réforme ne modifie pas fondamentalement le budget des CDS, mais elle est vue comme une condition nécessaire à leur viabilisation économique. Les effets de PEPS ne sont pas uniquement financiers ; ils s'étendent également à l'organisation du travail en CDS, particulièrement dans la collaboration entre différents professionnels de santé et dans la délégation des tâches.

L'expérimentation PEPS a également cherché à reconnaître et rémunérer les tâches non curatives effectuées par les médecins, qui étaient souvent négligées dans le modèle de paiement à l'acte. Ceci inclut des activités telles que la médiation, le recours à des interprètes, et d'autres tâches administratives.

Réorganisation et amélioration de l’accès aux soins

PEPS a favorisé une approche plus collaborative et patient-centrée dans les CDS. Cette réforme a renforcé le modèle de soins pluriprofessionnel, médico-social, curatif et préventif des CDS. Elle a également entraîné une évolution dans la division des tâches entre les groupes professionnels, une reconnaissance accrue des activités de soins non traditionnelles, et une modification du travail de l'accueil, contribuant ainsi à améliorer l'accès aux droits sociaux et la continuité des soins.

En soutenant financièrement les CDS, en particulier ceux situés dans des zones sous-denses ou précaires, PEPS contribue à renforcer l'accès aux soins pour les populations vulnérables, en offrant des services de santé plus accessibles et inclusifs.

Conclusion

L'expérimentation PEPS a montré que, malgré ses limites, elle a eu des effets positifs inattendus dans les équipes de soins primaires convaincues de son utilité, en améliorant l'accès aux soins, surtout dans les zones sous-denses. Cependant, le passage au modèle de financement forfaitaire, bien qu'important, n'est pas suffisant seul pour assurer la pérennité des CDS, en particulier ceux à but non lucratif. La réussite de la généralisation de ce modèle dépendra de son adaptation aux réalités des territoires précaires, tout en évitant les risques d'effets d'aubaine et de sélection des patients.

 

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Descripteur MESH : Santé , France , Soins , Rémunération , Travail , Médecins , Continuité des soins , Revenu , Maladie , Amérique du Sud , Charge de travail , Assurance maladie , Assurance , Dépenses de santé , Services de santé , Pression , Motivation , Populations vulnérables , Patients , Médecins généralistes , Groupes professionnels , Lumière

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