Mitochondries et tumeurs : un lien est établi

Une mutation dans un gène codant pour une protéine mitochondriale peut intervenir dans la genèse de certaines tumeurs. Des mutations germinales d’un gène codant pour une protéine de la chaîne respiratoire ont été identifiées dans des familles comportant des individus porteurs d’un paragangliome héréditaire, en l’occurrence une tumeur du glomus carotidien.

Les paragangliomes héréditaires sont des tumeurs rares de la tête et du cou. Le site le plus fréquent est le glomus carotidien, petit corpuscule qui continent des chémorécepteurs sensibles à la teneur en oxygène. La tumeur du glomus carotidien, ou chémodectome, est le plus souvent bénigne. Elle se caractérise par une hyperplasie/anaplasie cellulaire en l’absence de tout stimulus hypoxique. Ce même phénotype s’observe dans le glomus carotidien en cas d’exposition chronique à l’hypoxie (haute altitude, maladie cardiaque ou respiratoire cyanogène).

Le mode de transmission de ce type de tumeur est autosomique dominant, mais reste très curieux dans la mesure où la maladie n’apparaît (avec une pénétrance incomplète) que si le père transmet le gène, pas si c’est la mère.

Le gène responsable de cette tumeur a été localisé sur le bras long du chromosome 11, en 11q23, une région qui renferme le gène SDHD. Ce dernier code pour la petite sous-unité (cybS) du cytochrome b de la succinate-ubiquinone oxidoreductase. Cette enzyme fait partie du complexe II mitochondrial qui intervient dans le cycle de Krebs et la chaîne aérobique de transport des électrons.

Considérant que ces éléments font de SDHD un gène candidat pour le paragangliome, Bora Baysal et ses collègues généticiens et ORL de l’Université de Pittsburgh (Pennsylvanie) ont étudié 5 familles comptant des sujets atteints de ce type de tumeur développée aux dépens des chémorécepteurs.

Ces chercheurs indiquent dans Science avoir détecté dans ces familles des mutations germinales avec perte de fonction dans le gène SDHD, sur l’allèle paternel. De plus, l’analyse de 11 tumeurs héréditaires a montré la perte des allèles maternels dans 9 cas.

Tout se passe donc comme si, suite à la perte de l’allèle paternel dans les cellules germinales, on assistait à la perte somatique de l’allèle maternel restant. Une situation qui n’est pas sans rappeler ce qu’on observe avec le gène Rb du rétinoblastome et qui fait dire aux auteurs que " le gène SDHD fonctionne comme un gène suppresseur de tumeur au niveau cellulaire, avec deux événements nécessaires pour aboutir à l’inactivation ".

Constatant que le phénotype histologique est similaire entre les paragangliomes et le glomus carotidien normal exposé à une hypoxie chronique, les auteurs émettent l’hypothèse que, dans ce tisssu, la sous-unité cybS du complexe II mitochondrial est un composant essentiel du système sensible à la teneur en oxygène. Sa perte de fonction pourrait donc entraîner une stimulation hypoxique chronique et une prolifération cellulaire.

Les auteurs font remarquer que la région 11q23, qui renferme le gène SDHD, est fréquemment le siège de délétions somatiques dans les cancers de la vessie, du sein, du col utérin, de l’estomac, du poumon, de l’ovaire, les carcinomes nasopharyngés, et les mélanomes.

L’identification du gène SDHD responsable d’un paragangliome pourrait donc nous en apprendre beaucoup sur la tumorigénèse et peut-être même déboucher sur de nouveaux traitements au regard de son rôle dans l’adaptation à l’hypoxie de l’organisme et donc aussi des tumeurs.

Source : Science, 4 février 2000, Vol.287, 848-51.

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