« Les internes de Médecine Générale se mobiliseront toujours contre les velléités de les priver de leur liberté »

« Les internes de Médecine Générale se mobiliseront toujours contre les velléités de les priver de leur liberté » Dans une lettre ouverte adressée à Brigitte Bourguignon, l’ISNAR-IMG pose les jalons des négociations à venir avec leur ministre de tutelle.

Madame la Ministre,

Nous avons bien pris acte de votre nomination à la tête du ministère de la Santé et de la Prévention. En tant que syndicat représentatif des internes en Médecine Générale, l’ISNAR-IMG (InterSyndicale Nationale Autonome Représentative des Internes en Médecine Générale) attire votre attention sur les principaux problèmes que nous rencontrons dans l’exercice de nos fonctions.

C’est une réalité manifeste [1,2] : les internes en médecine dépassent largement le temps de travail maximal prévu par la réglementation. Votre prédécesseur s’est engagé [3] à ce que les tableaux de service des internes, permettant la mesure et le contrôle du temps de travail, soient réalisés de façon systématique pour chaque interne dès le 1er mai 2022. Nous demandons des mesures concrètes, car le non-respect de cette réglementation, pourtant en vigueur depuis 2015, ne peut plus être ignoré. Les manquements à nos droits doivent être sanctionnés [4].

Les conditions de travail des internes, et notamment le dépassement de leur temps de travail, sont directement pourvoyeuses de risques psychosociaux majeurs. Notre dernière enquête sur la santé mentale [1] révélait que trois quarts des étudiants et étudiantes en médecine souffraient d’anxiété, et près de 67 % étaient en situation d’épuisement professionnel. Les violences sexistes et sexuelles ne sont pas étrangères à cette constatation : 53,5 % des internes en Médecine Générale en ont subi au cours de leurs études [5,6]. Cette situation est inacceptable. Les violences doivent être prévenues, des dispositifs de signalement mis en place, les internes victimes protégés et les coupables sanctionnés [7].

Pour la protection des étudiants et étudiantes, il est nécessaire que la Coordination Nationale d’Accompagnement des Étudiants en Santé (CNAES), héritière du CNA [8], soit opérationnelle dès la rentrée 2022.

Source d’épuisement professionnel, mais aussi d’erreurs médicales [9,10], l’obligation de travail pendant 24 heures consécutives doit être remise en cause. Mettre fin aux gardes de 24 heures, c’est protéger les patients et les internes, c’est une mesure de santé publique ! L’ISNAR-IMG demande l’ouverture rapide du chantier des gardes hospitalières réalisées par les internes.

Face à la démographie médicale actuelle, les médecins généralistes doivent réinventer leur métier pour s’adapter à une demande de soins toujours plus croissante, avec des moyens toujours plus réduits, alors qu’ils sont de moins en moins nombreux [11]. Au cours des derniers mois, de nombreuses propositions coercitives comme l’obligation d’installation en zone sous-dense ont accablé les jeunes médecins généralistes. Nous le répétons : la coercition n’est pas une solution. Nous sommes forces de proposition [12] sur la question de l’accès aux soins, mais les internes de Médecine Générale se mobiliseront toujours contre les velléités de les priver de leur liberté.

La tentation est grande d’associer la création d’une quatrième année d’internat de Médecine Générale à une volonté politique de résoudre les problématiques actuelles d’accès aux soins. Pour autant, les internes de Médecine Générale ne sauraient être utilisés comme variable d’ajustement pour répondre aux enjeux d’un système de santé défaillant. Si une quatrième année d’internat de Médecine Générale est jugée nécessaire à notre formation, elle devra répondre à des objectifs pédagogiques, être une année professionnalisante, sécurisante, et utile à la formation des futurs généralistes [13].

L’ISNAR-IMG souhaite vous rencontrer pour aborder plus amplement ces sujets majeurs pour les internes en Médecine Générale.

En vous assurant de notre considération,

Pour le Bureau National de l’ISNAR-IMG,
Mathilde RENKER,
Présidente,
Interne à Nancy.

Enquête Santé Mentale 2022 — ANEMF/ISNAR-IMG / ISNI, octobre 2021
Enquête ministérielle — ministère des Solidarités et de la Santé, janvier 2022
Intervention d’Olivier VERAN lors du congrès de l’ISNAR-IMG de 2022 — ISNAR-IMG, février 2022
Contribution sur les sanctions pour non-respect du temps de travail — ISNAR-IMG, octobre 2020
5 Thèse « Violences subies par les étudiant. es en médecine générale » — Amélie JOUAULT, 2020
6 Thèse « Facteurs associés aux violences subies par les étudiant. es en médecine générale dans le cadre de leurs études » — Sara EUDELINE, 2020
Contribution sur les Violences Sexistes et Sexuelles — ISNAR-IMG, novembre 2021
8 Centre National d’Appui
Effect of reducing interns’ work hours on serious medical errors in intensive care units – octobre 2004
10 Impact of Extended-Duration Shifts on Medical Errors, Adverse Events, and Attentional Failures – décembre 2006
11 Quelle démographie récente et à venir pour les professions médicales et pharmaceutiques ? – DREES, mars 2021
12 Contre la fin de la liberté d’installation, jeunes et futurs médecins proposent des solutions – ANEMF / ISNAR-IMG / ReAGJIR, avril 2022
13 Contribution sur le Diplôme d’Études Spécialisées de Médecine Générale en 4 ans – ISNAR-IMG, juin 2021

Crédit photo : DepositPhotos

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