Dépression majeure : la psilocybine efficace selon une étude randomisée d’une ampleur inédite

Dépression majeure : la psilocybine efficace selon une étude randomisée d’une ampleur inédite Le New England Journal of Medecine publie une étude randomisée en double aveugle d’une ampleur inédite qui confirme l’efficacité de la psilocybine sur les symptômes de la dépression majeure.  

La psilocybine, un espoir thérapeutique

Naturellement présente dans différents champignons hallucinogènes, la psilocybine a été synthétisée par Hoffman dans les années 1960. Elle modifie le comportement des patients et leurs perceptions, en agissant sur les neurotransmetteurs et les niveaux d’activité cérébrale. Son usage a été interdit par les Etats Unis en 1971, alors que les recherches sur ses applications thérapeutiques étaient prometteuses. Depuis le début des années 2000, les études reprennent et investiguent son intérêt dans le traitement des addictions, en particulier l’alcoolodépendance, ainsi que de l’anxiété et de la dépression. Mais la majorité de ces études présentait des biais méthodologiques et toutes avaient un nombre de participant trop faible pour être fiables et parvenir à convaincre. En 2021, Compass Pathways, annonce une étude de vaste ampleur, sur plus de 200 participants qui pourrait bien finir par changer la donne sur cette molécule controversée.

L’article publié le 3 novembre dans le New England Journal of Medecine présente les résultats de la phase 2 de l’étude COMPASS Pathways. Il s’agit du plus grand essai clinique randomisé en double aveugle sur la thérapie à la psilocybine jamais mené. 233 participants de 10 pays d’Amérique du Nord et d’Europe, atteints de dépression majeure ne répondant pas au traitement. Ils ont reçu différents dosages de psilocybine de synthèse : 25 mg, 10 mg et 1 mg, en complément d’une psychothérapie conventionnelle. Les résultats indiquent une amélioration de la sévérité des symptômes dépressifs après trois semaines. Les symptômes de la dépression ont été évalués à l’aide de l’échelle d’évaluation de la dépression de Montgomery-Åsberg (MADRS)

Les effets annoncés :

  • Réduction rapide des symptômes : près de 30 % des patients du groupe 25 mg étaient en rémission à la semaine 3. Ce taux est supérieur à ceux observés pour des thérapies équivalentes dans l’étude STAR*D (Sequenced Treatment Alternatives to Relieve Depression), un vaste essai clinique prospectif sur le trouble dépressif majeur mené aux États-Unis.
    • 36,7 % (29 patients) du groupe 25 mg ont répondu au traitement en semaine 3, contre 17,7 % (14 patients) du groupe 1 mg
    • 29,1 % (23 patients) dans le groupe 25 mg étaient en rémission à la semaine 3, contre 7,6 % (6 patients) dans le groupe 1 mg
    • 24,1 % (19 patients) du groupe 25 mg étaient des répondeurs soutenus à la semaine 12, contre 10,1 % (8 patients) dans le groupe 1 mg
  • Durabilité dans le temps : Les patients ayant reçu une dose de 25 mg ont expérimenté une amélioration continue jusqu’en semaine 6, effet qui se maintient en semaine 12. Ce n’est en revanche pas le cas des patients ayant reçu 1 mg et 10 mg.
  • Bonne tolérance : le jour de l’administration, des effets indésirables ont été notés : céphalées, nausées et étourdissements, dans les trois groupes. 12 patients ont signalé des événements indésirables graves liés au traitement (TESAE). Il s’agissait d’idées ou de comportement suicidaire, et d’automutilation intentionnelle. Ces comportements sont, certes, régulièrement observés dans une population de patients souffrant de dépression résistante au traitement, mais il faut noter qu’ils se sont produits plus fréquemment dans le groupe 25 mg que dans les groupes 10 mg ou 1 mg.

La dépression, plurifactorielle et difficile à soigner

On estime qu’une personne sur cinq est susceptible de développer des troubles dépressifs au cours de sa vie. Cette proportion grimpe à 40 % sur la population présentant une maladie chronique, rappelle l’INSERM.

Les recommandations de prise en charge des patients incluent une psychothérapie, associée selon la sévérité des symptômes à une prescription d’antidépresseurs. Les plus prescrits et les mieux tolérés sont les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) comme la fluoxétine, la paroxétine ou la sertraline.

L’efficacité de ces derniers fait régulièrement l’objet d’études et de débat. Dernière polémique en date : « l’hypothèse de la sérotonine » en juillet 2022. Les chercheurs de l’University College de Londres remettaient complètement en question les liens entre dépression et sérotonine, et interrogeaient par conséquent l’utilité des ISRS. Cette étude, publiée dans Nature (https://www.nature.com/articles/s41380-022-01661-0), avait passé au crible 17 études menées sur l’implication de la sérotonine dans la dépression. Ses conclusions avaient été amplement commentées et discutées par les médias grand public, mais aussi par la psychiatrie. Une autre étude en avril 2022 concluait à une « différence non significative » entre placebo et ISRS (https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0265928)

Ces molécules sont prescrites depuis les années 1980, avec peu d’évolutions et d’innovations pharmaceutiques depuis. L’INSERM rappelle qu’à l’issue de 8 semaines d’un traitement médicamenteux bien conduit « un tiers des patients présentent une rémission complète des symptômes, un tiers des patients présentent une rémission partielle et un tiers ne répondent pas du tout au traitement. En outre, les antidépresseurs induisent des effets secondaires fréquents et un syndrome de sevrage qui incitent à la vigilance.

On comprend alors que cette situation crée une attente très forte de nouveaux traitements, notamment les traitements dits psychédéliques (LSD, kétamine, MDMA, psilocybine) qui représentent une alternative a priori séduisante.

L’étude Compass Pathways se poursuit avec une phase 3, prévue à la fin de l’année. Elle vise à reproduire les résultats de la phase 2, en étudiant le dosage 25 mg versus placebo, et également à analyser si plusieurs prises favorisent une meilleure réponse au traitement, et à plus long terme.

 

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