Solidarité territoriale : une fusée qui décolle au ralenti
Un démarrage mesuré malgré l’ambition nationale
Selon la Direction générale de l’offre de soins (DGOS), « 250 médecins » figurent aujourd’hui sur la plateforme, et ils interviennent dans près de 100 lieux répartis sur les 151 zones identifiées[2]. Le sous-directeur de l’accès aux soins à la DGOS, Dr Mickael Benzaqui, assume un tempo progressif : « On est en phase de montée en charge » et le dispositif « est toujours en phase pilote »[1].
Au lancement, l’exécutif avait fixé le cadre : indemnisation forfaitaire de 200 € par jour en sus des honoraires, prise de rendez-vous via un outil national et consultations sans dépassement. Les 151 intercommunalités retenues, dites « zones rouges », regroupent plus de 2,5 millions d’habitants[4][5].
« Aujourd’hui, nous avons 250 médecins sur la plateforme qui interviennent dans près de 100 lieux solidaires sur les 151 zones identifiées »[2].
Les freins de terrain qui ralentissent la montée en charge
Sur le terrain, plusieurs verrous compliquent l’entrée dans le dispositif : interopérabilité des logiciels métiers, délivrance/usage des cartes CPS, organisation du secrétariat et continuité des soins entre praticiens successifs. L’URPS Médecins libéraux Centre-Val de Loire résume des « questions toujours en suspens » : choix du logiciel métier, suivi des examens, accueil dans les structures d’exercice[7]. En Auvergne-Rhône-Alpes, l’URPS précise le pas-à-pas administratif (inscription, numéro AM, nouvelle carte CPS en ~3 semaines, facturation) et confirme l’indemnité de 200 €/jour[6].
Du côté du ministère, une réponse partielle se met en place : recours au DMP et possibilités d’utiliser le logiciel du lieu d’accueil. « Les logiciels métier sont désormais interfacés avec le DMP » et « la continuité se fait dans le logiciel métier du lieu de soins », assure le Dr Benzaqui[1]. Reste à éprouver ces solutions dans la durée et à l’échelle des 151 territoires.
À lire aussi sur Caducee.net : l’annonce du Pacte contre les déserts médicaux et la place de la solidarité territoriale dans l’arsenal démographique (pacte contre les déserts médicaux), ainsi que nos décryptages récents sur les installations de généralistes et les tensions d’accès aux soins (installations de généralistes ; dossiers urgents de la médecine de ville).
Réactions syndicales : scepticisme, vigilance et demandes de garanties
Dans les régions les plus touchées, des organisations professionnelles expriment une prudente réserve. D'après Egora, les Généralistes-CSMF ont constaté, en Centre-Val de Loire, une chute du nombre de volontaires : « de 16 » à « 3 » médecins prêts à s'engager « deux jours par mois », sur fond de contraintes administratives et de continuité des soins[1]. Le président de l’URPS Médecins libéraux Centre-Val de Loire pointe « le plus gros problème » qu’est la continuité et le morcellement des suivis entre logiciels différents, avec la question des retours d’examens et des responsabilités[1].
Plus en amont, l’UFML-S avait dénoncé, le 4 septembre, une logique perçue comme « travailler encore plus sous peine de sanctions », en référence à la version initialement « obligatoire » évoquée au printemps[8]. Si le gouvernement insiste désormais sur le volontariat, le syndicat demande des garanties opérationnelles (remplacements, outils, traçabilité) avant toute généralisation.
Volontariat, indemnisations et continuité : l’équation encore fragile
Le gouvernement a retenu le volontariat pour cette première étape — alors même que le concept initial comportait une possible dimension obligatoire. Cette orientation apaise une partie des tensions mais limite mécaniquement la capacité de déploiement, surtout dans des régions déjà pauvres en ressources. L’indemnisation 200 €/jour peut compenser des frais de déplacement et d’hébergement, sans effacer la perte d’activité au cabinet ni régler la rareté des remplaçants[3][6].
La continuité des soins demeure le nœud gordien : succession de médecins sur un même site, retours d’examens, identitovigilance, intégration DMP, responsabilités médico-légales. Des licences « solidarité territoriale » mises à disposition par certains éditeurs et l’usage du DMP constituent des garde-fous, mais leur appropriation collective devra se confirmer au fil des mois[1].
À lire aussi sur Caducee.net : notre décryptage sur les installations de généralistes et les tensions de médecine de ville, pour situer cette mesure parmi les leviers démographiques (installations de généralistes ; médecine de ville).
Perspectives 2026 : du pilote à l’échelle, à condition de lever les irritants
Le ministère vise une généralisation en 2026 dans le cadre de France Santé et parie sur des profils variés — jeunes retraités, remplaçants, temps partiels — prêts à « donner un coup de main » de façon régulière[1][2]. La réussite passera par une logistique huilée (CPS, logiciels, secrétariats), des parcours patients clarifiés et des remplacements effectivement disponibles. Autrement dit, moins de promesses et plus d’exécution : à ce prix, la fusée pourra vraiment quitter le pas de tir.
Références
[1] Egora – « Solidarité territoriale : seuls 250 médecins généralistes se sont portés volontaires », 05/12/2025. Lien
[2] Le Quotidien du Médecin – « Seulement 250 généralistes recensés dans le dispositif “Un médecin près de chez vous”, le ministère veut y croire », 03/12/2025. Lien
[3] What’s up Doc – « Seulement 250 médecins volontaires dans les 151 zones rouges, un flop ? », 03/12/2025. Lien
[4] Ministère de la Santé – Communiqué « Un médecin près de chez vous » (lancement et modalités), 01/09/2025. Lien
[5] Ministère de la Santé – « Pacte de lutte contre les déserts médicaux : 151 zones prioritaires identifiées », 21/07/2025 (maj 29/07/2025). Lien
[6] URPS Médecins AuRA – « Solidarité territoriale des médecins : le dispositif est lancé en Auvergne-Rhône-Alpes » (mise à jour 07/10/2025). Lien
[7] URPS-ML Centre-Val de Loire – « Déserts médicaux : les premiers médecins volontaires prêts à démarrer ! », 05/09/2025. Lien
[8] La Veille Acteurs de Santé – « Travailler encore plus sous peine de sanctions : voici la promesse de la mission de solidarité territoriale obligatoire ! » (communiqué UFML-S), 04/09/2025. Lien
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