COVID-19 : Manquons-nous vraiment de médecins réanimateurs ?

COVID-19 : Manquons-nous vraiment de médecins réanimateurs ? Beaucoup s’interrogent aujourd’hui sur la capacité des unités de réanimation à faire face à la tempête que représente la pandémie COVID-19. Des inquiétudes s’expriment à cette occasion et certains considèrent que les difficultés actuelles de nos réanimations seraient liées à un manque de médecins réanimateurs. La situation est décrite comme d’autant plus critique que le président de la Société de Réanimation de Langue Française souligne (Figaro du 08/04/2021 ; Figaro du 04/06/2021 ; Interview France Inter du 08/06) que, chaque année, seulement 74 internes sont qualifiés en réanimation.

Cette présentation peut être trompeuse, car elle méconnait que la formation des médecins réanimateurs en France s’effectue via un Diplôme d’Études Spécialisées commun (co-DES) qui comprend la filière de la Médecine Intensive et Réanimation (74 diplômés), mais également la filière de l’Anesthésie Réanimation qui qualifie chaque année 473 médecins Anesthésistes-Réanimateurs. Dans le cursus de cette co-formation, la maquette réalisée en réanimation est identique pour les deux filières et repose sur un référentiel européen commun (CoBaTriCE ; Competency based Training in Intensive Care Medicine) complétée, quelle que soit la filière, par 2 ans de stages dans des services de réanimation. Le suivi des carrières professionnelles indique qu’à l’issue de leur diplôme, 25 % des anesthésistes-réanimateurs, soit environ 120 médecins, ont une activité exclusive en réanimation ; à cela s’ajoutent 120 autres médecins qui auront une activité partagée entre la réanimation et l’anesthésie. Ainsi, ce sont environ 240 anesthésistes réanimateurs et 74 médecins intensivistes réanimateurs qui rejoignent chaque année, à l’issue de leur formation, les équipes de réanimation avec un niveau de formation conforme aux exigences de la société européenne de réanimation. Dès lors, le déficit en réanimateurs, s’il existe, n’apparait plus aussi abyssal qu’annoncé par certains puisque 314 spécialistes (issus de deux filières) sont diplômés annuellement pour compléter les équipes médicales en charge des 5400 lits de réanimation et les 8200 lits de surveillance continue que compte notre pays. De fait un rapport récent basé sur une enquête réalisée auprès de service de réanimation médicale et polyvalente montre que 46 % des médecins y travaillant sont issus de l’anesthésie réanimation, et cette enquête ne prend pas en compte les 91 réanimations chirurgicales dont les anesthésistes réanimateurs ont la charge exclusive (1).

Historiquement, l’anesthésie et la réanimation entretiennent un lien indéfectible issu tant de leur approche des patients que de la technicité des soins prodigués. Ces deux activités symétriques n’ont d’autre but que d’assurer la sécurité du patient dans son parcours hospitalier, que celui-ci soit « médical », « interventionnel » (chirurgical, endoscopique, radiologique) ou « mixte », comme c’est le cas la plupart du temps. La crise du COVID-19 a parfaitement illustré l’intérêt d’une filière forte d’anesthésistes réanimateurs dont la polyvalence autorise, avec la même expertise, autant l’exercice de l’anesthésie dans les secteurs interventionnels que celui de la réanimation dans les soins critiques. C’est en effet grâce à la déprogrammation opératoire d’une part et à leurs compétences en réanimation d’autre part que les anesthésistes réanimateurs qui exerçaient préférentiellement dans les secteurs d’anesthésie ont pu se libérer et venir prêter main forte aux équipes médicales des réanimations. À leurs côtés, ils ont assuré l’ouverture de nouveaux secteurs de réanimation qui se sont révélés indispensables pour l’accueil des flux importants des patients COVID-19 les plus sévères. Ainsi, ce sont bien les anesthésistes réanimateurs qui ont été un des éléments clés (85 % des ressources médicales mobilisées) de l’augmentation de l’offre en lits de réanimation ajustée aux besoins fluctuants de la crise.

L’évolution des techniques interventionnelles (chirurgicales, radiologiques, etc.) proposées aujourd’hui à des populations autrefois « récusées » du fait d’un risque de complications trop important, notamment chez les patients âgés, a rendu indispensable de développement de la médecine périopératoire, véritable trait d’union entre l’activité d’anesthésie (nécessaire pour ces interventions) et les soins critiques. Cette évolution est amenée à se poursuivre et requiert un besoin accru en anesthésie réanimation qu’il convient de couvrir en augmentant le nombre d’étudiants du 3e cycle dans cette filière très appréciée par les étudiants du fait de la polyvalence d’activité qu’elle autorise. Cette polyvalence leur donne une compétence immense, reconnue par les pouvoirs publics, les directeurs d’établissements et les autres spécialités qu’elles soient médicales (cardiologie, neurologie, pneumologie…) ou interventionnelles (chirurgie bien sûr, mais aussi radiologie interventionnelle et gastro-entérologie). Les internes d’anesthésie-réanimation s’orienteront en fin de cursus, selon leur préférence, vers une activité exclusive en réanimation, anesthésie ou mixte ; l’exercice mixte étant actuellement plébiscité par les jeunes anesthésistes réanimateurs exerçant en secteur public ou privé. La plasticité de cette formation permet tout autant de répondre à une situation sanitaire exceptionnelle (telle une pandémie nécessitant un grand nombre de médecins compétents en réanimation) que d’assurer l’activité des blocs opératoires et des plateaux techniques, répondant ainsi aux besoins sociétaux. La crise COVID a d’ailleurs mis en lumière que nos réanimations souffrent bien davantage d’un déficit massif en personnels non médicaux (infirmiers et aides-soignants) que de médecins.

 

Conseil National Professionnel d’Anesthésie-Réanimation Médecine Péri-opératoire

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