Découverte d’un antigène responsable de polyarthrite rhumatoïde dans un modèle animal

Des chercheurs travaillant à l’Institut de génétique et de biologie moléculaire de Strasbourg annoncent avoir identifié l’antigène responsable d’une maladie articulaire mimant sur les plans clinique, histologique et immunologique la polyarthrite rhumatoïde. Surprise : l’expression de cet antigène est ubiquitaire, ce qui contredit le dogme d’une réaction autoimune spécifique des articulations. L’antigène est une enzyme glycolytique : la glucose-6-phosphate isomérase (GPI).

L’équipe des biologistes américains et français qui relatent cette avancée dans Science a été conduite par l’américaine Diane Mathis, aujourd’hui à Boston. Ces chercheurs ont utilisé une souche de souris transgénique [lignée K/B3N T cell receptor (TCR)] qui développe spontanément une maladie extrêmement proche de la polyarthrite rhumatoïde que l’on observe chez l’homme.

Isao Matsumoto et ses collaborateurs ont montré que l’injection d’à peine 100 ml de sérum de ces souris polyarthritiques suffit à entraîner une polyarthrite chez des souris saines, et ce même chez des rongeurs dépourvus de lymphocytes. Ceci montre que " l’activité arthritogène du sérum des souris K/B3N réside dans la fraction des immunoglobulines igG ", mais ne dépend pas du facteur rhumatoïde, un anticorps anti-igG.

Les expériences des chercheurs confirment que le sérum de ces souris rhumatisantes reconnaît l’enzyme GPI, une protéine de 60 kD. De plus, elles révèlent que " les anticorps anti-GPI sont les immunoglobulines G pathogènes contenues dans le sérum des souris arthritiques K/B3N ". Par ailleurs, des anticorps spécifiquement dirigés contre la GPI sont détectés dès les premiers signes d’arthrite chez ces souris, vers la 3e semaine de vie.

Glucose-6-phosphate isomérase

Tous ces éléments désignent donc la GPI, une enzyme jouant un rôle essentiel dans la voie glycolytique et normalement localisée dans le cytoplasme, comme la cible moléculaire des cellules T autoréactives et des immunoglobulines arthritogènes chez les souris malades K/B3N.

Selon les auteurs, la clé de la pathogénie chez ces rongeurs polyarthritiques serait une " stimulation combinée T/B par une protéine du soi qui réside dans le cytoplasme de la plupart des cellules et qui se trouve également à une faible concentration dans le sang ".

Il reste qu’il est pour le moins curieux que cette auto-immunité systémique ne déclenche qu’une polyarthrite, sans aucune manifestation extra-articulaire. Ce pourrait tenir, indiquent les chercheurs, à certaines caracatéristiques physiologiques des articulations, en l’occurrence à leur richesse en protéoglycanes, à l’absence de membrane basale, à un environnement hypoxique, à une réduction locale du flux sanguin, mais également à la possibilité d’une augmentation intraarticulaire de la production ou de la rétention de complexes immuns.

Ce séduisant modèle animal mimant la polyarthrite rhumatoïde reflète-t-il la maladie humaine ? " Il reste possible que le modèle K/B3N soit plus en rapport avec une forme apparentée d’arthrite rhumatoïde (par exemple le rhumatisme psoriasique) ou une sous-catégorie d’arthrite rhumatoïde (par exemple la polyarthrite juvénile) ", déclarent les chercheurs.

Selon eux, " un scénario similaire à celui proposé pour le modèle K/B3N pourrait se dérouler au moins chez certains patients arthritiques. La GPI pourrait être l’antigène déclenchant, mais il est possible que d’autres autoantigènes ayant des propriétés similaires soient responsables ".

Source : Science, vol.286, 26 novembre 1999, 1732-1735

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