TikTok et santé mentale des mineurs : que retenir du rapport parlementaire pour la pratique clinique ?

TikTok et santé mentale des mineurs : que retenir du rapport parlementaire pour la pratique clinique ? Un document accablant pour la plateforme chinoise, adopté à l’unanimité, décrit TikTok comme une « fabrique du mal-être ». Il propose 43 recommandations dont plusieurs concernent directement les professionnels de santé.

Un constat alarmant sur l’impact psychologique

Adopté le 11 septembre 2025 par 28 députés, le rapport de la commission d’enquête parlementaire décrit un réseau social conçu pour capter l’attention, avec des effets délétères sur la santé mentale des jeunes. Basé sur 178 auditions, 31 000 témoignages (dont 19 000 de lycéens) et 90 heures de débats, le document souligne l’amplification de vulnérabilités préexistantes et l’émergence de nouveaux troubles.

Selon l’Arcom, les 12-17 ans passent en moyenne 1 h 21 par jour sur TikTok. Les contenus les plus « extrêmes » sont favorisés par l’algorithme, exposant les adolescents à un flux continu de vidéos anxiogènes ou nocives.

Effets psychologiques identifiés

Effet psychologiqueDescription et exemplesPopulation concernéeSources
Idées suicidaires et automutilation Tutoriels de suicide, scarifications. Témoignages de jeunes ayant tenté de passer à l’acte après exposition. Mineurs vulnérables, surtout filles. Familles endeuillées, psychiatres.
Troubles du comportement alimentaire Hashtags incitant à la maigreur (#SkinnyTok, rebaptisé #FearFood). Messages culpabilisants. Adolescents, en majorité des filles. Nutritionnistes, consultation citoyenne.
Anxiété, irritabilité, déficits cognitifs Perturbations du sommeil, réduction de l’attention, comparaison sociale anxiogène. Tous mineurs, surtout 12-15 ans. Pédopsychiatres, sociologues.
Banalisation des violences Contenus racistes, misogynes, vidéos de maltraitance animale. Jeunes exposés à spirales négatives. CNIL, associations.
Addiction et captation de l’attention Algorithme favorisant les contenus radicaux. Dépendance comportementale. Ensemble des mineurs. Informaticiens, économistes.

Recommandations pour la pratique médicale

Le rapport formule 43 propositions. Plusieurs concernent directement le champ médical et la prévention en santé mentale. Les parlementaires insistent sur l’intégration de l’usage des réseaux sociaux dans les consultations pédiatriques, psychiatriques et de médecine générale.

RecommandationContenuImplications cliniques
Formation des professionnels Intégrer l’usage des réseaux sociaux dans l’anamnèse. Renforcer la régulation par l’Arcom et l’UE. Poser des questions précises : temps passé, types de contenus visionnés. Développer les formations continues sur l’addiction numérique.
Campagne d’information Sensibiliser parents et jeunes aux risques (suicide, TCA). Éventuel délit de « négligence numérique ». Participer à des ateliers éducatifs. Mobiliser brochures et guides existants (CNIL, HAS).
Limites d’âge et couvre-feu numérique Interdiction des réseaux sociauxDépister l’usage nocturne. Orienter vers TCC pour addiction.
Régulation algorithmique Diversifier les contenus, limiter le flux « Pour toi », supprimer le défilement infini et certains lives rémunérés pour mineurs. Identifier les « spirales néfastes » en consultation. Coopérer avec l’école pour réduire l’exposition.
Modération et sanctions Obliger les plateformes à investir une part de leur CA dans la modération. Fermeture possible en cas de manquements répétés. Signaler via Pharos. Suivre l’évolution législative pour adapter les conseils.

Réactions des psychiatres

Le rapport intègre les témoignages de plusieurs psychiatres auditionnés, qui ont directement influencé ses conclusions sur les risques psychologiques. Bien que des réactions immédiates post-rapport (daté du 11 septembre 2025) soient limitées en raison de sa fraîcheur, les auditions révèlent un consensus sur l'amplification des troubles mentaux par TikTok. Voici une synthèse des principales contributions et opinions exprimées lors des auditions, pertinentes pour les professionnels de santé :

  • Serge Tisseron (psychiatre et psychanalyste, auditionné le 20 mai 2025) : Spécialiste des effets des écrans, il décrit l'algorithme de TikTok comme une "forme de surveillance douce" qui oriente les comportements et amplifie l'anxiété, la perte d'estime de soi et les déficits cognitifs. Il met en garde contre une "logique de souveillance" piégeant les mineurs dans des contenus négatifs, aligné avec le rapport sur les "spirales néfastes".
  • Amine Benyamina (psychiatre addictologue, auditionné le 3 juin 2025) : En tant que co-président d'une commission sur les écrans, il insiste sur les risques d'addiction et d'émergence de troubles psychiques, comme la dépression ou les idées suicidaires. Il note que l'exposition excessive favorise des perturbations du sommeil et cognitifs, appelant à une prise en charge renforcée en psychiatrie infantile.
  • Michel Stora (psychologue et psychanalyste, auditionné le 20 mai 2025) : Il qualifie TikTok d'"espace toxique" banalisant les violences et favorisant l'automutilation ou les troubles alimentaires, avec un impact plus marqué sur les filles via des standards de beauté irréalistes. Il plaide pour une régulation stricte des algorithmes.
  • Karine de Leusse (psychologue spécialiste des addictions, auditionnée le 28 mai 2025) : Elle alerte sur l'addiction rapide (en moins de 20 minutes) menant à des contenus idéalisant le suicide, recommandant une éducation numérique dès l'école primaire.
  • Servane Mouton (neurologue, co-auditionnée avec Benyamina) : Elle souligne les effets sur le développement cognitif, comme l'irritabilité due au manque de sommeil, renforçant l'appel du rapport à interroger systématiquement sur l'usage des réseaux.
  • Consensus des experts : Comme rapporté dans les médias couvrant la commission, les psychiatres s'accordent sur un "phénomène d’amplification de vulnérabilités" et une émergence de troubles, tout en regrettant le manque d'études quantifiées. Ils soutiennent les recommandations pour former les soignants à détecter ces risques.

Ces perspectives soulignent l'urgence pour les psychiatres de intégrer l'évaluation des réseaux sociaux dans leurs pratiques, en attendant des réactions plus étendues post-rapport.

 

Réactions des parties prenantes

  • Laure Miller (rapporteur) : "C'est une entreprise qui se fiche de la santé mentale de nos jeunes. En attendant une meilleure régulation européenne, l'interdiction aux
  • Arthur Delaporte (président) : "TikTok a un intérêt financier à mettre en danger les mineurs. L'interdiction revient à renoncer à réguler les géants du numérique." Il a saisi le parquet de Paris pour "mise en danger de la vie" et prône une fermeture définitive si nécessaire.
  • TikTok : "La sécurité des jeunes est notre priorité. Nous avons supprimé 98 % des contenus illicites en France en 2024 via IA renforcée." Critique l'invitation limitée des députés à leur centre de modération en Irlande.

Conclusion

Le rapport parlementaire consacre TikTok comme un acteur majeur du mal-être numérique chez les mineurs. Pour les professionnels de santé, il appelle à interroger systématiquement l’usage des réseaux sociaux en consultation, accompagner les familles et prévenir les spirales addictives, dans un contexte réglementaire en évolution.

Descripteur MESH : Santé , Mineurs , Santé mentale , Suicide , Addiction , Sommeil , Médecine , Psychiatrie , Médecine générale , Éducation , Vie , Logique , Brochures , Sécurité , Paris , France , Irlande , Algorithmes , Temps , Réseau , Troubles mentaux , Beauté , Consensus , Parents , Anxiété , Dépression , Comportement , Automutilation , Maigreur

Pratique médicale: Les +