Le médicament connecté est désormais une réalité

Lilium Otsuka : Lilium® α-200, un capteur mesurant en continu le volume d’urine, sera lancé au Japon La FDA (Food and Drug Administration) vient d’accorder son feu vert au développement d’une nouvelle technologie : le médicament connecté. Si le capteur ingérable conçu par Proteus avait déjà reçu l’autorisation de la FDA en 2012, c’est la première fois qu’il est couplé à un véritable médicament, l'Ablify.Un moyen infaillible de suivre l’observance des traitements, mais qui n’est pas sans poser de problèmes éthiques.

Comment ça marche ?

Un capteur ingérable est encapsulé dans le médicament.
Lors de l’ingestion par le patient, le cuivre et le magnésium contenus dans le capteur réagissent au contact des sucs gastriques. Un signal Bluetooth est alors envoyé en direction d’un patch placé sur le torse du patient. En plus de l’heure de la prise, des données biologiques telles que la fréquence cardiaque sont enregistrées puis transmises à une application mobile sur le téléphone du patient, et avec son accord, également envoyées à son médecin via un portail web dédié.

L’Ablify : un candidat discutable

Ablify (Aripiprazole) est un anti-psychotique indiqué notamment dans le traitement des schizophrénies et des troubles bipolaires de type I. S’il est vrai que les patients atteints de pathologies psychiatriques éprouvent des difficultés à suivre correctement leur traitement, ce sont également des sujets souvent anxieux et qui pourraient mal réagir à une telle ingérence dans leur quotidien. Selon certains professionnels de santé, ce type de traitement expérimental aurait pu être utilement testé dans le cadre d’une autre maladie chronique, idéalement peu symptomatique telle que le diabète de type 2 ou l’hypertension artérielle.

Les bénéfices … et les risques

Cette nouvelle technologie apparait comme un moyen d’information infaillible pour le patient, son entourage et ses médecins. Elle permet également une meilleure observance des traitements, ce qui améliore a priori leur niveau d’efficacité et diminue le risque de rechutes.

Pourtant, l’arrivée sur le marché de ces médicaments connectés inquiète et pose de nombreuses questions d’ordre éthique ou sur le respect de la vie privée. 

En autorisant une surveillance automatisée voire contrainte, elle pourrait remettre en question le libre consentement du patient, qui est un des fondements de la médecine moderne.

De plus, à terme, cette technologie pourrait être utilisée dans le but de contrôler la qualité d’observance des patients, plus seulement dans l’intérêt thérapeutique mais aussi dans une perspective de pénalisation des «mauvais patients » : on peut imaginer des politiques de santé publique ou de mutuelles privées qui conditionneraient le remboursement de certains traitements à leur stricte observance.


L’observance, un enjeu de santé publique

On estime que la moitié des patients ne prend pas correctement le traitement qui leur a été prescrit : soit qu’ils ne le prennent pas du tout (non-observance) ou de manière irrégulière (mal observance). Ces comportements ont un effet évident tel que l’aggravation des symptômes ou encore la difficulté pour le médecin d’évaluer et d’ajuster le traitement. Mais il existe également des conséquences économiques, en lien avec les coûts directs et indirects liés aux conséquences d’une mauvaise observance : rechutes, réhospitalisations, chronicisation, baisse de productivité…

Les médicaments connectés ne peuvent en aucun cas être le remède miracle aux problématiques de non-observance, car tout mauvais suivi d’un traitement ne peut pas être imputable au patient seul. Les études récentes parlent d’une « chaîne de l’observance » ou « d’alliance thérapeutique », où le médecin, le pharmacien et l’entourage jouent un rôle non négligeable. La première cause de non-observance reste la non-adhésion du patient au traitement : 55% des patients n’adhèrent pas à leur prescription.

La personnalité du patient, des ordonnances trop complexes, une posologie incompatible avec le rythme de vie des patients, le comportement du médecin prescripteur, mais également la nature de la maladie…les causes sont si nombreuses et complexes, et aucune technologie ne saurait remplacer le lien de confiance qui doit lier le prescripteur à son patient.


Notes et références
(1)Corruble E et Hardy P. Observance du traitement en psychiatrie. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Psychiatrie,
37-860-A-60, 2003, 6 p : http://psychologie-m-fouchey.psyblogs.net/public/fichiers joints/psychiatrie/psychiatrie_Observance_du_traitement_en_psychiatrie_37-860-A-60.pdf

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