Seniors et applis de rencontre : la sexualité à l’affût

Seniors et applis de rencontre : la sexualité à l’affût Internet, sites de rencontres, progrès médicaux, en 20 ans le paysage de la sexualité a fondamentalement changé. Plusieurs sessions sont consacrées à cette évolution lors du congrès de l’AFU. Focus sur une sexualité oubliée : la sexualité des seniors.

D’après un entretien avec le Dr Antoine Faix, Urologue à Montpellier, Responsable du Comité d’Andrologie et de Médecine Sexuelle de l’AFU

 

Il y a un avant Viagra® et un après-Viagra®, comme il y a un avant 1968 et un après. Ces deux révolutions se rencontrent aujourd’hui. Les jeunes qui avaient 20/25 ans en 68 ont découvert une forme de sexualité plus libre, plus « moderne », que celle de leurs parents. Ils ont aussi été les premiers à bénéficier du Viagra® pour contrer les pannes sexuelles liées au vieillissement. À ces deux facteurs, s’ajoute une troisième révolution, celle d’internet qui a radicalement modifié les relations humaines et la manière de se rencontrer. 
 
Sous la couette, comme dans ses démarches de séduction, le senior d’aujourd’hui est bien différent de ses aînés. Plus question de se mettre en retraite sur le plan sexuel !
 
En 1970, l’enquête Simon [1] montrait qu’à peine plus de la moitié des plus de 50 ans avaient eu des relations sexuelles dans les derniers 12 mois. Le chiffre tombait à 37 % des femmes et 53 % des hommes pour la période couvrant les 4 semaines précédant l’enquête. 
 
Des études plus récentes montrent que désormais 9 seniors en couple sur 10 ont eu des rapports au cours des 12 derniers mois [2]. En 2015, la NATSAL (National Survey of Sexual Attitudes and Lifestyles), publiée dans le journal britannique Archives of Sexual Behavior allait dans le même sens [3]. Elle montrait qu’au-delà de 70 ans la vie amoureuse se poursuivait : 54 % des hommes et 31 % des femmes déclaraient avoir une activité sexuelle. 
 
Non seulement la durée de la période sexuellement active s’est prolongée et la fréquence des rapports s’est accrue mais, en outre, le mode de relation a également évolué avec une part non négligeable de couples seniors pratiquant ou ayant déjà pratiqué le sexe oral ou d’autres formes de sexualité moins traditionnelles [4]. 

Le Viagra, au cœur de la « médecine sexuelle »


Pour le Dr Antoine Faix, qui anime une session sur ce thème en ouverture du congrès, on ne parle plus de sexualité des seniors de la même manière depuis l’apparition des inhibiteurs de la phosphodiestérase V. L’arrivée de traitements efficaces contre la dysfonction érectile (dont le Viagra® est le chef de file) a ainsi entraîné une libération de la parole du côté des patients. Les hommes — y compris les plus âgés — n’hésitent plus à aborder le sujet en consultation. « Cela a également obligé les médecins à se former et s’informer, pour apprendre à prescrire, à accompagner les couples demandeurs d’une aide thérapeutique dans ce domaine. »
 
Dans la foulée des déclarations de l’OMS sur la santé sexuelle, la médecine sexuelle s’est développée. « Le mot sexologue fait peur, comme le mot psychiatre. Avec la médecine sexuelle est apparue une nouvelle approche de la santé intime : une médecine transversale, pluridisciplinaire. La médecine sexuelle va concerner l’urologue, le gynécologue, le gériatre et bien d’autres médecins qui suivent des patients atteints de maladies chroniques », estime le spécialiste. 
 
La dimension de la sexualité est aujourd’hui de plus en plus prise en compte dans l’accompagnement des patients. Elle est à la fois un élément de diagnostic d’une maladie plus grave (diabète, affection cardiovasculaire, SAOS…) mais aussi une fonction à préserver. C’est a fortiori le cas en urologie, où de nombreuses pathologies et certains traitements peuvent affecter la vie intime. Face à un senior en consultation, il est de règle de s’intéresser à sa vie personnelle et d’adapter le traitement en fonction de ses attentes en matière de sexualité.

« La sexualité est un marqueur de bonne santé. Veiller au bien-être sexuel des seniors, c’est veiller à leur santé. »
Dr Antoine Faix

Aujourd’hui on danse avec la souris…
Autre révolution : internet. Autrefois, les annonces, les agences matrimoniales avaient la réputation d’attirer à elles les cas désespérés, ceux qui ne trouveraient jamais de conjoint sans l’aide d’un tiers. « Aujourd’hui chercher l’amour sur internet n’est plus tabou ni pour les jeunes ni pour les anciens », constate le Dr Faix. Bien au contraire, c’est à la mode. 
 
Chez les aînés, pour trouver chaussure à son pied, le clic de l’ordinateur a bien souvent remplacé le thé dansant. Les modifications sociologiques jouent également un rôle important. Il y a encore 20-30 ans, la principale cause de solitude chez les seniors était le veuvage. Les divorces et séparations sont beaucoup plus fréquents de nos jours et le nombre de seniors seuls désireux de débuter une nouvelle vie sentimentale est en croissance. 
 
L’offre sur le net est variée aussi bien pour des relations durables entre seniors que pour des aventures. 
 
L’impact du Net est également majeur dans les générations plus jeunes. En particulier la génération Z, qui est née avec le Web et les réseaux sociaux. « Des pratiques qui étaient plus marginales ou considérées comme honteuses dans les générations précédentes (bisexualité, homosexualité, sodomie…) sont facilement testées par les nouvelles générations », précise le Dr Faix.
 
Plus préoccupant, le développement d’addictions à la sexualité fera l’objet d’une communication lors du congrès.
 

En bref
— Conserver une vie sexuelle jusqu’à un âge avancé est désormais possible grâce aux traitements.
— Les nouveaux modes de rencontre favorisent une sexualité plus variée et plus libérée chez les seniors.
— La persistance d’une sexualité à un âge avancé est un critère de bonne santé et donc un enjeu médical.
— L’« adaptabilité » aux modifications de la physiologie est essentielle à cet âge pour trouver un épanouissement sexuel. « À 20 ans on fait du ski de bosses, à l’âge de la retraite on préfère le ski de fond. C’est pareil sur le plan de la sexualité ».

[1] https://journals.openedition.org/gss/2165
https://www.persee.fr/doc/pop_0032-4663_1973_num_28_3_15473
[2] Enquête sur le « Contexte de la Sexualité en France » (enquête CSF), menée entre octobre 2005 et mars 2006 à l’initiative de l’Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales
[3] https://www.lshtm.ac.uk/research/centres-projects-groups/natsal
[4] Rapport CSF 90 et 85 % des 50-69 ans ont pratiqué le sexe oral au moins une fois. https://journals.openedition.org/gss/2165 — 2006

 

À propos de l’AFU

L’Association Française d’Urologie est une société savante représentant plus de 90 % des urologues exerçant en France (soit 1 133 médecins). Médecin et chirurgien, l’urologue prend en charge l’ensemble des pathologies touchant l’appareil urinaire de la femme et de l’homme (cancérologie, incontinence urinaire, troubles mictionnels, calculs urinaires, insuffisance rénale et greffe), ainsi que celles touchant l’appareil génital de l’homme. L’AFU est un acteur de la recherche et de l’évaluation en urologie. Elle diffuse les bonnes pratiques aux urologues afin d’apporter les meilleurs soins aux patients, notamment via son site internet urofrance.org et un site dédié aux patients urologie-sante.fr.

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