Ibuprofène, Ketoprofène et Covid-19 : un groupe d’experts soutenu par GSK relance le débat sur les AINS

Ibuprofène, Ketoprofène et Covid-19 : un groupe d’experts soutenu par GSK relance le débat sur les AINS Alors que l’ANSM a maintenu le 17 mars dernier sa recommandation à privilégier le paracétamol pour soulager les douleurs et fièvres dans un contexte d’infection, pour le « GRAINS », Groupe de Réflexion sur les Anti-Inflammatoires Non Stéroïdiens (AINS), la revue exhaustive de la littérature ne permet pas d’établir un lien entre les AINS et une aggravation du risque d’infection par le Sars Cov-2. Les experts alertent sur le vide thérapeutique entrainé par les précautions recommandées par l’ANSM et s’inquiètent d’un mésusage du paracétamol.

Privilégier le paracétamol dans un contexte infectieux

L’ANSM a publié le 17 mars 2021 une recommandation qui décourage l’usage des Anti-inflammatoires non stéroïdiens en cas de suspicion d’infection.

«En cas de douleur et/ou fièvre, notamment dans un contexte d’infection, l’ANSM appelle les patients et les professionnels de santé à privilégier l’utilisation du paracétamol. En effet, les anti-inflammatoires (dont l’ibuprofène) peuvent masquer une infection et potentiellement avoir un effet aggravant dans certaines situations. Si vous êtes actuellement traité par anti-inflammatoires ou par corticoïdes, n’arrêtez pas votre traitement et rapprochez-vous de votre médecin si nécessaire. »

Cette recommandation fait suite :

  • d’une part aux résultats d’une enquête de pharmacovigilance menée par les centres régionaux de pharmacovigilance de Tours et Marseille sur les liens entre risques de complications infectieuses graves et la prise d’AINS
  • d’autre part aux conclusions du comité européen en charge de l’évaluation des risques et de la pharmacovigilance (PRAC) qui stipulait en avril 2020 que la prise d’ibuprofène ou de kétoprofène peut entrainer, lors de certaines infections, un masquage des symptômes comme la fièvre ou la douleur, conduisant à un retard de prise en charge du patient avec pour conséquence un risque de complications de l’infection.

La position française fait figure d’exception

Le 15 mars 2020, l’agence espagnole des médicaments explique dans un communiqué qu’aucune donnée ne permet d’établir de lien entre la prise d’AINS et une aggravation de la COVID-19 et que les personnes qui suivent un traitement chronique ne doivent en aucun cas interrompre leur traitement sans un avis médical. Une position que rejoint le 18 mars 2020, l’Agence européenne de médicaments (EMA) en statuant qu’il n’existe aucune preuve scientifique établissant un lien entre l’ibuprofène et l’aggravation de la COVID-19.

Le 18 mars 2020, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ne contre-indique pas  l’ibuprofène. Au contraire en mai 2020, dans son rapport « Gestion Clinique de la COVID-19 », elle recommande l’utilisation d’antipyrétiques (dont les AINS) pour traiter la fièvre et la douleur des patients présentant des symptômes légers au cours de la COVID-19. Elle inclut, également l’ibuprofène dans sa liste de médicaments essentiels pour la prévention, le soulagement de la douleur et/ou autre souffrance physique aiguë ou chronique liés à la COVID-19.

La FDA américaine, le CDC ainsi que les autorités canadiennes et australiennes ne découragent pas non plus l’usage des AINS lors des phases aiguës de la COVID-19.

Au Royaume-Uni, la commission sur les médicaments à usage humain (CHM) a publié le 14 avril 2020 un avis qui mentionne qu’« il n’y a actuellement pas suffisamment de preuves pour établir un lien entre l’utilisation de l’ibuprofène, ou d’autres anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), et le risque d’infection ou l’aggravation de la COVID-19 »

 

Pas de preuves scientifiques d’augmentation du risque pour le GRAINS

Le GRAINS, Groupe de Réflexion sur les Anti-Inflammatoires Non Stéroïdiens (AINS), lancé avec le soutien institutionnel de GlaxoSmithKline Santé Grand Public a tenu sa première assemblée le 8 décembre 2020. Le groupe de huit experts pluridisciplinaires a collectivement décidé d’apporter à la communauté de professionnels de santé une vision consolidée, structurée et basée sur des études scientifiques. En réponse au contexte sanitaire, le premier sujet d’étude du groupe porte sur l’utilisation des anti-inflammatoires non stéroïdiens en cas d’infection par la COVID-19.

La revue de littérature réalisée par les experts du GRAINS porte sur plus de 40 études internationales récentes concernant l’utilisation des AINS dans un contexte de la COVID-19. Elle permet de déterminer que plusieurs recherches démontrent l’absence de lien entre l’ibuprofène et l’aggravation de l’infection COVID-19.

Le groupe d’expert pointe particulièrement 2 études de cohortes danoises.

La première menée par le Pr Kragholm et al. et publié en date du 2 mai 2020 inclut 9 236 patients, dont 248 avec une prescription d’ibuprofène. Elle montre qu’aucune conclusion ne peut être tirée entre l’usage des AINS et la COVID-19 et qu’il n’a pas été constaté que l’exposition à l’ibuprofène était associée à un sur risque d’évènements graves liés à la COVID-19.

La seconde est publiée en septembre 2020 par Lund et al. et porte sur 1872 patients positifs au SARS-COV-2, dont 264 avec une prescription d’ibuprofène. Elle avait pour objectif principal d’étudier l’association des AINS et des évènements indésirables, dont la mortalité au cours de l’infection. L’utilisation des AINS n’a pas été associée ni à une augmentation de la mortalité à 30 jours ni à un risque accru d’hospitalisation, d’admission en soins intensifs, de ventilation mécanique ou de dialyse dans les analyses ajustées.

«Il est essentiel de rassurer les patients, il n’existe actuellement aucune preuve scientifique établissant un lien entre l’ibuprofène et l’aggravation de l’infection due au SARS-CoV 2.» affirment les experts du GRAINS. «C’est pourquoi, en ligne avec les recommandations de l’Agence Européenne du Médicament (EMA) et l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), nous pensons qu’il n’y a pas lieu de retirer les AINS des options thérapeutiques disponibles dans le traitement de la fièvre et de la douleur — en respectant les précautions d’usage qui ont prévalu jusque-là», concluent-ils.

Dans le Quotidien du médecin en date du 4 décembre, le Pr Joëlle Micallef, présidente du réseau français d’addictovigilance, remet clairement en cause la mortalité comme critère principal et nuance la portée de telles études qui selon elle ne répondent pas à la question d’un point de vue médical.

«Les auteurs ont regardé les délivrances jusqu’à un mois avant le déclenchement de la maladie. Cela ne nous renseigne pas sur le risque associé à une prise ponctuelle en phase aiguë. De plus, les patients ne sont décrits que sur une base microbiologique, on ne sait pas quels symptômes ils ont présentés».

Elle rappelle également les risques d’aggravation que fait peser l’ibuprofène sur des infections d’origine bactérienne.

 

 

Présentation des experts du GRAINS

Yorick Berger, docteur en pharmacie et secrétaire général de la FSPF 75.

Professeur Daniel Buchon, médecin généraliste en Corrèze et Professeur émérite à la Faculté de Médecine de Limoges.

Alain Delgutte, docteur en pharmacie titulaire d’officine en exercice dans la Nièvre. Il est président du groupement pharmaceutique de l’Union européenne.

Docteur Laurent Grange, rhumatologue au CHU de Grenoble Alpes. Il est président de l’Association Française de Lutte Anti-Rhumatismale (AFLAR), membre de la Société Française de Rhumatologie et membre fondateur et Trésorier de la section ETP-SFR.

Professeur Hervé Haas, pédiatre est directeur du service pédiatrique de l’hôpital de Monaco. Il était précédemment à la tête du service des urgences pédiatriques au CHU Lenval.

Béatrice Clairaz-Mahiou, docteur en pharmacie engagée depuis plus de 20 ans. Elle est élue à l’Union Régionale des Professionnels de Santé (URPS) de l’Île-de-France et copréside le Syndicat des pharmaciens du département des Hauts-de-Seine (92).


Professeur Nicholas Moore, Pharmacologiste et ancien directeur de la plateforme Bordeaux Pharmaco Épidémiologie. Le Professeur a mené plusieurs études liées à l’utilisation des AINS et notamment pour le traitement antalgique. Ainsi, il est l’un des premiers auteurs sur le sujet des AINS dans un contexte de Covid-19 en France et notamment dans son article « l’ibuprofène aggrave-t-il le Covid-19 ? ».

Professeur Serge Perrot, rhumatologue. Il est directeur du Centre d'Étude et de Traitement de la Douleur du groupe Hospitalier Cochin-Hôtel Dieu à Paris et ex- Président de la Société Française d'Étude et de Traitement de la Douleur.

Professeur Pierre Tattevin, infectiologue. Il est président de la Société de Pathologie Infectieuse de Langue Française (SPILF) et chef du service des maladies infectieuses au CHU de Rennes.

Descripteur MESH : Risque , Vide , Thérapeutique , Littérature , Douleur , Santé , Fièvre , Patients , Pharmacie , Pharmacovigilance , Mortalité , France , Rhumatologie , Monaco , Épidémiologie , Soins , Lutte , Personnes , Pharmaciens , Ventilation , Paris , Tête , Médecine , Mécanique , Physique , Conseil , Dialyse , Soins intensifs , Cortisone , Kétoprofène , Ibuprofène , Urgences , Maladie , Infection , Réseau , Langue

Médicaments: Les +