Bronchiolite : l’afflux record de nourrissons à l’hôpital remet en lumière le délabrement des services d’urgence

Bronchiolite : l’afflux record de nourrissons à l’hôpital remet en lumière le délabrement des services d’urgence Le 9 novembre, le ministre de la Santé était interpelé sur la crise des services pédiatriques lors des questions d’actualités au gouvernement devant le sénat. Il a annoncé la mise en œuvre du plan ORSAN afin de structurer la réponse du système de santé et de fluidifier les prises en charge pédiatriques dans un contexte épidémique précoce et intense.

Une épidémie précoce et intense

Si chaque année la bronchiolite touche 30 % des nourrissons de moins de deux ans, cette année l’épidémie est particulièrement précoce et intense. Selon Sante Publique France en Semaine 44 le recours aux soins d’urgence pour bronchiolite a atteint le chiffre de 6891. Ce qui a entrainé plus de 2400 hospitalisations dans la semaine soit un record depuis 10 ans.

Si l’épidémie semble plus intense dans la moitié nord de la France, en réalité c’est tout le territoire métropolitain qui est concerné.

Cet afflux de nourrissons a saturé des services d’urgence et de pédiatrie déjà affaiblis par un manque de personnels, de moyens et de lits. Les faiblesses structurelles des urgences ne sont pas une nouveauté. En 2019 plus de 200 services d’urgence s’étaient mis en grève au sein des collectifs Inter-Hôpitaux et Inter-Urgences pour dénoncer une situation dramatique. En 2020, juste avant la pandémie de Covid-19, l'AMUF évoquait un effondrement de l’hôpital public et plus particulièrement des services d’urgence

« Je ressens une colère froide face à l’inaction des pouvoirs publics et à l’absence de réponse sur des phénomènes connus et pour lesquels nous avons des solutions », s’insurge le professeur Marguet du département de pédiatrie et des médecines de l’adolescent au CHU de Rouen sur France3.fr

Au CHU de Nantes la situation est particulièrement préoccupante selon Pr Christèle Gras Le Guen, cheffe du service pédiatrie qui se confie pour FranceBleu.

« Tous les lits sont occupés depuis des semaines, avec plus de 100 % d’occupation. On fait de la réanimation dans les couloirs. On pousse des enfants aux urgences dans des petits coins pour pouvoir leur administrer de l’oxygène en attendant qu’une place se libère. L’autre nuit encore, on a transféré un enfant à Rennes. Le manque de lits en soins critiques est criant. »

« Si l’épidémie est particulièrement compliquée cette année, ce n’est pas tant à cause de sa virulence que de notre système de soins qui est dans un tel état de délabrement qu’on n’est pas capable d’y faire face. »

Une qualité de soins dégradée

Dans des services saturés, l’attente est parfois longue et il n’est pas rare qu’elle dépasse les 10 heures. Une telle attente met les parents et les soignants sous tension. Dans certains cas, les médecins sont contraints de réduire la durée du suivi des enfants.

« Ce n’est pas parce qu’on les renvoie chez eux et qu’ils ne sont pas morts qu’ils n’ont pas besoin d’une hospitalisation plus longue. C’est très stressant pour un médecin de garde de faire sortir un enfant alors qu’on sait qu’il faudrait le garder plus longtemps. On fait les choses à moitié, on ne répond même pas aux recommandations. » Pr. Marguet, pédiatre au CHU de Rouen pour France3

François Braun déclenche le plan ORSAN EPI-CLIM

Pour faire face à cette situation, le ministre de la Santé et de la Prévention sonne la mobilisation générale et déclenche le plan ORSAN EPI-CLIM afin de donner les pleins pouvoirs aux ARS afin :

  • De définir l’organisation régionale permettant d’assurer une prise en charge et un accompagnement adapté des nourrissons et jeunes enfants concernés par l’épidémie et de leur famille ;
  • D’assurer une structuration opérationnelle de la réponse aux besoins de santé sur chaque territoire, en veillant à la pleine mobilisation de tous les acteurs de santé (publics et privés) ;
  • D’adapter finement les capacités d’hospitalisation pour garantir un équilibre entre les besoins de santé et les capacités de prise en charge ;
  • De veiller à ce que la permanence des soins en médecine de ville soit territorialement adaptée au niveau de tension rencontrée ;
  • D’accompagner les acteurs du territoire dans la mise en œuvre de solutions en réponse à cette situation de tension.

Cette mobilisation tardive pourrait cependant ne pas produire les effets escomptés tant les moyens mobilisables semblent faibles et les besoins en pédiatrie spécifiques.

« Le plan blanc en pédiatrie ne permet pas d’aller chercher des infirmières dans tout l’hôpital et de les faire travailler dans des secteurs où elles ne sont pas formées. Il faut du personnel spécifique et ce personnel spécifique est déjà à 100 % mobilisé. La pédiatrie, ce n’est pas un adulte en plus petit. C’est ce qu’on essaie de faire entendre depuis des années sans être entendus. »  Christèle Gras Le Guen

Au delà des doutes qu’elle suscite sur son efficacité à court terme, la réponse du gouvernement pourrait empirer la situation à moyen et long terme. En effet sur le terrain, le plan Orsan va se traduire non seulement par une annulation de congés pour des praticiens épuisés mais aussi par des déprogrammations en chirurgie ou en hospitalisations pour des enfants souffrants de pathologies chroniques parfois graves. Autant de nouveaux retards de prise en charge et de pertes de chances pour les patients qui pèsent sur le moral des soignants et qui contribuent largement aux démissions et aux reconversions professionnelles de personnels très compétents.

« Orsan est un outil administratif qui permet de continuer à mettre la pression sur les soignants et qui aura un effet contre-productif », explique pour Medscape le Dr Dupic, responsable du SMUR à Necke. « Ce qui m'inquiète le plus, c'est de voir des infirmières expérimentées très compétentes qui finissent par démissionner pour changer de métier. C'est trop difficile pour elles de porter la culpabilité de mal faire leur métier » complète Julie Starck.

En attendant des réponses structurelles, le plus efficace pour réduire l’intensité de cette épidémie consiste probablement à répéter inlassablement les messages de prévention.

Des gestes simples pour limiter la circulation du virus

Les parents de nourrissons et jeunes enfants peuvent adopter des gestes barrières et des comportements simples et efficaces pour protéger leurs enfants et limiter la transmission du virus à l’origine de la bronchiolite :

  • Limiter les visites au cercle des adultes très proches et non malades, pas de bisous, ni de passage de bras en bras, pas de visite de jeunes enfants avant l’âge de 3 mois ;
  • Se laver les mains avant et après contact avec le bébé (notamment au moment du change, de la tétée, du biberon ou du repas) ;
  • Laver régulièrement les jouets et doudous ;
  • Porter soi-même un masque en cas de rhume, de toux ou de fièvre. Faire porter un masque aux visiteurs en présence du nourrisson ;
  • Si le reste de la fratrie présente des symptômes d’infection virale même modérés, les tenir à l’écart du bébé à la phase aiguë de leur infection ;
  • Éviter au maximum les réunions de famille, les lieux très fréquentés et clos comme les supermarchés, les restaurants ou les transports en commun, surtout si l’enfant a moins de trois mois ;
  • Aérer quotidiennement au moins 10 min par jour le lieu de vie de l’enfant, en particulier la chambre où il dort, et éviter de fumer à l’intérieur du domicile, en particulier dans la chambre de l’enfant ;
  • Éviter l’entrée en collectivité (crèches, garderies…) avant 3 mois, ne pas confier son enfant à une garde en collectivité les jours où il présente des symptômes d’infection virale.

Conduite à tenir en cas d’enfant malade

Dans la grande majorité de cas, les bronchiolites sont bénignes et guérissent spontanément en quelques jours. Il n’existe pas de traitement antivirus spécifique et les antibiotiques sont inutiles.

En cas d’enfant malade, les parents sont invités à consulter leur médecin traitant en priorité afin de recevoir les consignes de soin (fragmentation de l’alimentation, réhydratation, nettoyage et désencombrement régulier du nez de l’enfant, aération de l’espace intérieur) et de surveillance des symptômes.

Au besoin, les services SOS Médecins, les réseaux bronchiolite présents dans certains départements peuvent également être sollicités. En cas de doute, un appel au 15 permettra d’orienter vers le recours le plus adapté.

Dans les situations suivantes, une hospitalisation peut être nécessaire :

  • L’enfant est âgé de moins de six semaines ;
  • Il s’agit d’un ancien prématuré âgé de moins de trois mois ; il a déjà une maladie respiratoire ou cardiaque identifiée ;
  • L’enfant boit moins de la moitié de ses biberons à trois repas consécutifs ;
  • L’enfant vomit systématiquement ;
  • L’enfant dort en permanence, ou au contraire, pleure de manière inhabituelle et ne peut s’endormir.

Il est recommandé de ne pas se rendre directement aux urgences et d’appeler le 15 avant de se déplacer, pour être orienté vers la structure la plus adaptée.

Crédit photo : DepositPhotos

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