Du sucre et une tétine pour calmer la douleur de la piqûre chez le nouveau-né

Des pédiatres français rapportent dans le British Medical Journal une technique à la fois simple, efficace et sûre pour induire une analgésie chez les nouveau-nés devant subir un geste médical agressif, comme une prise de sang veineux ou une ponction capillaire au talon : le dépôt sur la langue d’une solution sucrée et l’utilisation d’une tétine.

L’analgésie chez le nouveau-né est une obligation pour des raisons éthiques évidentes mais également parce que la douleur peut entraîner, du fait des faibles capacités d’adaptation à cet âge, une diminution de l’oxygénation des tissus, une instabilité hémodynamique et une augmentation de la pression intracrânienne, rappellent le Dr Ricardo Carbajal et ses collègues du service de pédiatrie de l’Hôpital de Poissy.

Ces cliniciens ont mené une étude prospective sur 150 nouveau-nés nés à terme devant avoir une prise de sang. Ils ont étudié leur réponse à la douleur en utilisant une échelle comportementale d’évaluation de la douleur récemment validée (DAN, Douleur Aiguë du Nouveau-né). Cotée de 0 (pas de douleur) à 10 (douleur maximale), cette échelle visuelle évalue la douleur sur les réactions du visage, les mouvements des membres et l’expression vocale.

Leur étude s’appuie sur des résultats antérieurs encourageants obtenus après administration de solutions sucrées (principalement du saccharose, dont l’effet analgésique avait été initialement observé chez le rat), ainsi qu’après succion d’une tétine non nutritive.

Six groupes, comportant 25 enfants chacun, ont été étudiés : pas traitement, administration d’eau stérile (groupe placebo), prise de glucose à 30 %, de saccharose à 30 %, utilisation de la tétine seule, administration de saccharose à 30% et utilisation d'une tétine.

La solution sucrée avec ou sans tétine a été administrée deux minutes avant la réalisation d’un seul geste douloureux chez tous les enfants, en l’occurrence une ponction d’une veine au dos de la main. La dose de solution sucrée administrée à ces enfants a été de 2 ml, une cuillère à café correspondant à 5 ml.

Un seul observateur, qui ne connaissait le type de la solution administrée à l’enfant, a évalué l’intensité de la douleur à l’aide de l’échelle DAN chez tous les nouveau-nés, les 150 prélèvements sanguins étant réalisés par deux infirmières. Le seul obstacle de l’étude a été le fait que l’examinateur savait évidemment quel enfant avait reçu une tétine, l’évaluation se faisant chez un enfant découvert. Il ignorait en revanche si l’enfant qui avait une tétine appartenait au groupe tétine seule ou solution sucrée plus tétine.

Concernant l’intensité de la douleur, la médiane était à 7 à la fois pour le groupe non traité et le groupe placebo, à 5 pour les groupes glucose et saccharose, à 2 pour le groupe tétine seule, à 1 pour le groupe qui avait eu saccharose et tétine. Autrement dit, 50 % des nouveau-nés avaient un score douloureux inférieur à 1. Les comparaisons entre les groupes font apparaître des différences hautement significatives.

" Nos résultats montrent que les effets analgésiques de la tétine et ceux des solutions sucrées, que ce soit le saccharose ou le glucose, sont suffisamment importants pour être décelés cliniquement par les soignants. Ils peuvent se fier à qu’ils voient pour juger de l’efficacité des moyens utilisés ", déclare à caducee.net le Dr Ricardo Carbajal.

" La deuxième conclusion que l’on peut tirer de cette étude est que le glucose, qui est solution omniprésente à l’hôpital, a la même efficacité que le saccharose qui nécessite par contre une préparation spéciale ", ajoute-t-il.

Enfin, cette étude, qui montre que la tétine a un plus grand effet analgésique que les solutions sucrées, révèle que l’on obtient un bénéfice plus important lorsque l’on associe ces deux moyens.

" Ceci s’est traduit depuis plus d’un an et demi dans notre pratique quotidienne. En effet, aujourd’hui, la quasi-totalité des prélèvements veineux, y compris les ponctions capillaires au talon dans le cadre du dépistage sanguin néonatal de maladies congénitales, sont réalisés avec administration préalable d’une solution de glucose à 30 % suivie de la succion d’une tétine ", précise le Dr Ricardo Carbajal.

" Il en est de même pour les gestes agressifs, comme les injections sous-cutanés chez des nouveau-nés en réanimation. Chez les prématurés, nous avons observé un effet analgésique en utilisant le quart de la dose de glucose habituellement utilisée, soit avec 0,5 ml ", poursuit-il.

" D’autres équipes nous suivent dans cette démarche, plus d’ailleurs pour ce qui est de l’administration des solutions sucrées que de l’utilisation de la tétine, depuis que nous avons présenté nos résultats préliminaires fin 1998 au congrès annuel sur la douleur de l’enfant de l’UNESCO ", conclut le pédiatre.

Source : BMJ, Vol. 319, 27 novembre 1999, 1393-97.

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