Les statines à l’assaut de l’ostéoporose

Une équipe de chercheurs américains rapportent dans le magazine Science que les statines, médicaments largement utilisés comme hypocholestérolémiants, sont capables de stimuler de façon importante la formation d’os in vivo chez des rongeurs. Cette découverte surprenante suggère que les statines pourraient être utilisées dans le traitement de l’ostéoporose.

L’utilisation des statines dans l’ostéoporose représenterait une approche thérapeutique radicalement nouvelle pour combattre ce véritable problème de santé publique. En effet, les médicaments aujourd’hui utilisés ne peuvent que ralentir la perte minérale osseuse, ils n’induisent pas la formation d’os nouveau.

L‘article publié dans Science devrait inciter les firmes pharmaceutiques commercialisant des statines à organiser des essais cliniques randomisés pour tester cet " effet secondaire " pour le moins inattendu.

A la recherche de composés naturels capables de stimuler la différenciation des ostéoblastes et la formation osseuse, Greg Mundy et ses collaborateurs de la société de biotechnologie OsteoScreen (San Antonio, Texas) ont développé un test permettant de détecter de petites molécules susceptibles d’activer le promoteur du gène codant pour la protéine BMP-2 (bone-morphogenetic protein-2). Ils précisent avoir choisi ce test car la différentiation des ostéoblastes est augmentée par les protéines de la famille BMP.

Un seul des 30.000 composés étudiés, la lovastatine (extrait de la levure Aspergillus terreus), a entraîné l’effet recherché. Les chercheurs ont alors examiné les propriétés d’autres statines avec ce test moléculaire, en l’occurrence la simvastatine, la mévastatine et la fluvastatine. Chacune d’elles a eu l’effet escompté. Ces statines ont également augmenté l’expression du gène BMP-2 dans des cellules osseuses en culture.

Les effets des statines sur des cellules osseuses provenant de la voûte crânienne de souriceaux ont été étudiés. La lovastatine, la simvastatine, la fluvastatine et la mévastatine ont chacune augmenté la formation d’os nouveau d’un facteur 2 à 3. Une augmentation du nombre des ostéoblastes à tous les stades de différenciation a également été notée.

Les chercheurs ont ensuite injecté à des souris de la lovastatine ou de la simvastatine trois fois par jour pendant 5 jours dans le tissu sous-cutané recouvrant les os de la voûte crânienne. A la fin de ce traitement, une augmentation de la formation de nouvel os de près de 50 % a été observée par rapport aux souris qui avaient reçu une solution saline.

Afin de simuler la carence estrogénique de l’ostéoporose post-ménopausique, les chercheurs ont enfin évalué l’effet de deux doses orales de simvastatine administrées pendant 35 jours sur le volume d’os trabéculaire chez des rates ovariectomisées et ayant des ovaires intacts. Ils ont procédé à une analyse post-portem de l’os trabéculaire de tibia, de fémur et de vertèbre lombaire. Le taux de formation d’os nouveau a aussi été évalué.

" Les statines ont provoqué une augmentation du volume d’os trabéculaire comprise entre 39 % et 94 % après traitement ", en même temps qu’une augmentation de la formation d’os nouveau. Par ailleurs, une diminution concomitante du nombre des ostéoblastes a été enregistrée. " Cependant, cet effet apparaît mineur comparé aux effets sur la formation d’os nouveau et la maturation ostéoblastique ".

A la recherche des molécules idéales

Les chercheurs d’OsteoScreen, qui ont conduit leurs travaux en association avec des rhumatologues et anatomopathologistes de la Faculté de médecine de l’Université Washington à St Louis (Missouri), font néanmoins remarquer que " les statines actuellement commercialisées ne sont pas idéales pour être employées comme agents systémiques d’activation osseuse ".

Ils soulignent que " ces statines ont été sélectionnées pour leur capacité à abaisser le taux de cholestérol sérique, ce qui nécessite de cibler la HMG-CoA-réductase dans les cellules hépatiques. Par conséquent, la concentration de statine dans les autres tissus est nettement moins importante que dans le foie. Les statines les plus efficaces devraient se répartir dans l’os ou la moelle osseuse ".

Et les chercheurs de conclure en citant les résultats d’une analyse rétrospective préliminaire, publiée cette année dans le Journal of Bone and Mineral Research, portant sur des femmes âgées recevant des hypolipidémiants.

Les données de cette étude suggèrent en effet que l’administration de statines s’accompagne d’une augmentation de la densité minérale osseuse au niveau de la hanche et d’une diminution du risque de fractures de l’extrémité supérieure du fémur (risque relatif=0,30). Les auteurs soulignent toutefois que l’échantillon analysé était trop faible (598 utilisateurs de statines) pour en tirer des conclusions définitives.

Source : Science, Vol.286, 3 décembre 1999, 1946-49.

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