Aspects éthiques des traitements innovants et onéreux en cancérologie

À l’occasion de la journée mondiale contre le cancer et réagissant à la tentation qu’ont certains pays, comme la Grande-Bretagne, de n’accorder la prise en charge de traitements innovants que s’ils ont une stricte rentabilité coût/bénéfice médical, le Comité éthique et cancer abrité par la Ligue contre le cancer vient de rendre son avis.

La santé n’a pas de prix mais elle a un coût. Les dépenses de santé sont en progression constante, liées en partie aux progrès médicaux et à la mise sur le marché de médicaments onéreux, du fait de leur caractère dit « innovant ». Le champ de la cancérologie est particulièrement concerné par l’augmentation de ces dépenses. C’est pourquoi les considérations médico-économiques s’imposent de plus en plus. Les Britanniques se sont ainsi engagés dans ce processus en tentant d’évaluer le prix d’une année de vie. Ainsi, en considérant que cette dernière s’élève à 50 000 euros, un médicament dont le coût annuel serait supérieur à ce montant, modulé par les Qaly (« Quality Adjusted Life Year » ou « année de vie ajustée par sa qualité ») ne serait plus remboursé. Si cette qualité de vie est diminuée, le montant de 50 000 euros est diminué d’autant. Cette tendance visant à estimer la valeur de la vie et issue de l’application à la santé publique de la théorie de l’utilité en économie va-t-elle s’imposer en France ? Rationnaliser les dépenses de santéLa part des dépenses allouées à la santé relève avant tout d’un choix de société, d’un débat démocratique qui ne doit pas être biaisé par la défense d’intérêts particuliers et le corporatisme. Pour ce faire, les coûts liés à la santé doivent être les plus transparents possibles. Le Comité éthique et cancer pense qu’« il n’est plus possible d’accepter l’opacité dans laquelle la société est maintenue par l’industrie pharmaceutique quant aux prix des médicaments ».Par ailleurs, le Comité éthique et cancer alerte sur le fait qu’il convient de se défier d’une approche exclusivement budgétaire sur cette problématique et avoir à l’esprit que « les bénéfices qui doivent être apportés par un système de santé soit fondé sur l’équité et sur la solidarité ». Pour ce faire, le Comité éthique et cancer demande que la prescription et le remboursement de ces molécules innovantes et onéreuses soit ouvert à de nouveaux critères d’évaluation :« - Que les règles d’arrêts des traitements, en particulier des molécules onéreuses, fassent l’objet de référentiels spécifiques ;- Qu’un recueil d’informations soit organisé pendant et après les traitements afin de contribuer à l’évaluation dans la pratique courante du bénéfice et des risques associés aux médicaments anticancéreux onéreux, notamment pour d’éventuelles extensions d’indication ;- Qu’une estimation du rapport coût/bénéfice de chacune des molécules onéreuses soit établie. » Refuser la tendance britanniqueLes rapporteurs du Comité éthique et cancer soulignent qu’« il est impossible d’indiquer que tel ou tel médicament ne sera pas remboursé parce que son bénéfice serait, dans un premier temps, trop faible. » Par ailleurs, l’exigence d’une démarche éthique guidant la rationalisation des soins conduit le Comité à réfuter toute tendance visant à quantifier la valeur d’une année de vie, notamment parce que « cette approche favorise clairement le principe d’utilité pour la société au détriment du principe d’égalité et de soutien aux patients qui nécessitent le plus d’aide ». De plus, qui peut prétendre établir ce qu’est une année de vie ajustée par sa qualité ? « Cette expression inclut des dimensions physiques, psychologiques et sociales pour une part objectivable mais en partie également subjective, donc plus difficilement quantifiable, répond le Comité éthique et cancer. La qualité de vie déterminée par un médecin diffèrera souvent pour un même patient de la qualité de vie estimée par une infirmière ou par le patient lui-même, sachant que de surcroît ces différentes dimensions sont évolutives dans le temps pour un même individu. »Enfin, le Comité estime que la démarche de rationalisation des soins doit s’accompagner d’un effort de pédagogie auprès des patients chez qui l’illusion est souvent entretenue que plus une molécule est onéreuse plus le traitement s’avérerait efficace. RecommandationsPour conclure, le Comité rejette l’approche utilitariste qui privilégierait la société au détriment des individus qui la compose. Si les contraintes budgétaires devaient imposer à définir des choix parmi les priorités de santé, cela doit relever d’un débat démocratique engageant l’ensemble de la société, au premier rang desquels les patients et leurs proches. « Un tel débat, conclut le Comité éthique et cancer, témoignerait de la réalité d’une véritable démocratie sanitaire s’appuyant, à l’échelon individuel, sur une tout aussi véritable citoyenneté sanitaire. » - Retrouvez l’avis complet « Du bon usage des molécules onéreuses en cancérologie et avis sur les choix inhérents aux contraintes imposées par le coût de ces molécules » sur www.ethique-cancer.fr En savoir + sur le Comité éthique et cancer :www.ethique-cancer.fr Présidé par le Pr Axel Kahn, président de l’université Paris-Descartes, le comité éthique et cancer, abrité par la Ligue contre le cancer, est composé de 34 membres issus d’horizons divers et reconnus pour leur expertise dans leur discipline respective (directeurs de recherche, professeurs des universités, oncologues, psychologues, psychanalystes, avocats, présidents d’association, médecins généralistes, cadres de santé, patients et proches de patients).Le comité éthique et cancer est un organe consultatif qui peut être saisi à tout moment par toute personne physique ou morale sur toute question d’ordre éthique en relation avec la pathologie cancéreuse. Il a pour mission de répondre à toute saisine mais ne peut se substituer aux personnes qui portent la responsabilité de la décision.

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