Hypnose : les infirmières privées de formation par l'ANDPC

Hypnose : les infirmières privées de formation par l’ANDPC L’agence nationale du développement professionnel continue (ANDPC) a précisé au moyen d’une alerte diffusée sur l’extranet des organismes de formation, les règles d’acceptation des formations à l’hypnose notamment celles destinées aux professionnels de santé non médicaux au premier rang desquels on trouve les infirmiers. Au motif qu’elle se refuse à encourager l’exercice illégal de la médecine, l’ANDPC ne validera des formations à l’hypnose des soignants que dans la stricte mesure ou elles sont réalisées en équipes de soins, sous responsabilité médicale et encadrées par un protocole de soins écrit. Abus de pouvoir ou nécessaire précaution ?

L’hypnose a pris ces dernières années une place de plus en plus importante dans l’arsenal thérapeutique des professionnels de santé, notamment dans la prise en charge de la douleur chronique. Constatant au quotidien son efficacité, les infirmiers n’échappent pas à cette tendance et s’intéressent de près aux vertus analgésiques de l’hypnose. Longtemps réservées aux médecins, les formations continues en hypnose se sont progressivement et en toute logique ouvertes aux soignants désireux d’intégrer ces techniques dans leur pratique quotidienne.

Enseigner l’hypnose aux IDEL c’est encourager l’exercice illégal de la médecine ?

En mars 2017 déjà, l’ANDPC lance un pavé dans la mare en sommant par lettre recommandée l’Agence pour la formation continue des professionnels infirmiers libéraux de retirer de son catalogue toutes les formations sur l'hypnose. Elle vient de réaffirmer début septembre sa position sur le sujet en émettant une alerte diffusée auprès des organismes de formation agréés DPC.

Pour l’agence, c’est très clair. L’hypnose est un acte médical à réserver aux professions médicales. Elle n’autorisera donc les formations sur l’hypnose à destination des soignants que si elles sont enseignées dans un cadre pluridisciplinaire sous responsabilité médicale.

« Pour les professions de santé non médicales, la pratique de l’hypnose n’est légale que sous responsabilité médicale et dans le cadre d’une prise en charge pluriprofessionnelle de la douleur. L’Agence n’accepte donc les actions de DPC sur l’hypnose pour ces professionnels que lorsqu’elles se réalisent en équipes de soins telles que définies à l’article L.1411-11-1 du CSP constituées en établissement ou en ambulatoire et appelées à travailler concrètement ensemble sur la base de protocoles et a communiqué en ce sens en mars 2017. »


Deux raisonnements juridiques s’opposent.

D’un côté l’ANDPC semble vouloir se prémunir de tout risque de poursuite judiciaire à son encontre. Son raisonnement se base d’une part sur des décisions de justice qui considèrent que l’hypnose à visée thérapeutique est un acte de médecine réservé aux psychiatres, mais aussi, et surtout sur la présence dans la classification commune des actes médicaux des séances d’hypnose à visée antalgique en tant qu’acte technique médical, ce qui en fait un acte réservé aux professions médicales.

Or l’exercice illégal de la médecine est constitué à partir du moment où une personne « pratique l’un des actes professionnels prévus dans une nomenclature fixée par arrêté du ministre chargé de la santé »... sans être titulaire du diplôme...

Article L4161-1 du code de la santé publique

Exerce illégalement la médecine :

1 ° Toute personne qui prend part habituellement ou par direction suivie, même en présence d’un médecin, à l’établissement d’un diagnostic ou au traitement de maladies, congénitales ou acquises, réelles ou supposées, par actes personnels, consultations verbales ou écrites ou par tous autres procédés quels qu’ils soient, ou pratique l’un des actes professionnels prévus dans une nomenclature fixée par arrêté du ministre chargé de la santé pris après avis de l’Académie nationale de médecine, sans être titulaire d’un diplôme, certificat ou autre titre mentionné à l’article L. 4131-1 et exigé pour l’exercice de la profession de médecin, ou sans être bénéficiaire des dispositions spéciales mentionnées aux articles L. 4111-2 à L. 4111-4, L. 4111-7, L. 4112-6, L. 4131-2 à L. 4131-5 ;

Les risques pour une infirmière libérale de se voir poursuivre pour exercice illégal de la médecine en cas de séance d’hypnose à visée antalgique, sans prescription médicale sont donc réels. Quant à savoir si elles pourraient effectivement être condamnées dans ce cas, rien n’est moins sûr.

D’abord parce qu’il n’existe pas de cadre réglementaire clair sur l’hypnose : qualifiée de pratique de soins non conventionnelle, sa pratique n’est pas reconnue officiellement par l’ordre des médecins, ni documentée par la HAS, ni spécifiée dans le code de la santé publique, encore moins remboursée par l’assurance maladie sauf dans certains parcours de soins coordonnés.

Ensuite parce que l’on pourrait très bien considérer que les techniques d’hypnose à visée antalgique relèvent du rôle propre de l’infirmier tel que défini dans le code de la santé publique et ne nécessitent donc pas de prescription médicale pour être pratiquées. C’est en tout cas la position de Nathalie Lelièvre, juriste en droit de la santé à Lyon.


« À la différence des soins sur prescriptions médicales où l’infirmier prodigue des soins au patient conformément à la prescription. Dans le cadre de son rôle propre, il lui appartient après évaluation des besoins du patient de prendre les dispositions qui s’imposent. Concernant la prise en charge de la douleur, l’infirmier se doit d’évaluer la douleur (rôle propre) et de déterminer les actions nécessaires : informer le médecin, application d’un protocole, recours à l’hypnoanalgésie. »
https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1624568708000620

 

C’est également la position de la Fédération Nationale des Infirmiers (FNI) pour qui l’hypnose s’inscrit pleinement dans le rôle autonome infirmier et qui ne s’est pas privée de contester en 2017 la prise de position de l’ANDPC en avançant les arguments suivants :
– aucun texte réglementaire n’interdit la pratique de l’hypnose aux infirmiers. Seules les indications de cette pratique sont limitées et le traitement de la douleur fait bien partie de celles qui sont reconnues.
– de nombreuses universités continuent de proposer des diplômes universitaires en direction des infirmières. Se pourrait-il que ces universités forment des infirmières à la pratique illégale de la médecine ?
– le centre national de ressources de lutte contre la douleur (CNRD) documente les bienfaits d’une pratique infirmière de l’hypnose.
Enfin le FNI mettait en doute la légitimité de l’ANDPC à statuer in fine de ce qui relevait du ressort exclusif de la médecine ou non.

Considérant l’intérêt pour la santé publique du développement de l’hypnose dans la prise en charge de la douleur, une clarification de la réglementation en la matière s’impose.

 

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